Yahya Jammeh et ses complices bientôt sur le banc des accusés ? Après avoir tergiversé pendant des années, le gouvernement gambien avait annoncé il y a une année son intention de poursuivre l'ancien dictateur et 69 de ses complices conformément à une des recommandations de la Commission vérité et justice de son pays, qui avait pointé notamment des crimes d'assassinats, d'actes de tortures, de disparitions forcées, de viols. Il vient de passer à la vitesse supérieure en présentant lors d'une conférence avec les donateurs en fin de semaine dernière un projet détaillé sur la mise en place de cette justice transitionnelle, et a obtenu les premières promesses de financement, mais il reste du chemin à faire.
Ce plan prévoit la création d'un bureau d'un procureur spécial indépendant qui devra enquêter et poursuivre les crimes de l'ère Yahya Jammeh, et celle d'un tribunal mixte hybride entre la Gambie et la Cédéao, à l'image de celui qui avait été mis en place par le Sénégal et l'Union africaine pour juger Hissein Habré du Tchad.
Mais tout cela va coûter très cher, 43 millions de dollars américains pour mettre en place ce double mécanisme et financer les enquêtes selon Banjul. L'Union européenne s'est engagé pour 9 millions d'euros au cours de cette conférence des donateurs, le Royaume-Uni, les États-Unis ou encore le Qatar ont promis de leur côté des contributions, sans annoncer de chiffres.
Pour Reed Brody, avocat de la Commission internationale de juristes qui appui les victimes de Yaya Jammeh, la Gambie est sur la bonne voie même s'il reste du chemin à parcourir. « Ça fait déjà six ans que Yahya Jammeh n'est plus au pouvoir. On a eu une commission Vérité excellente qui a presque tout dévoilé. Mais ça ne va pas être tout de suite. La mise en place de ces structures va prendre du temps, malheureusement pour les victimes qui attendent déjà pour certaines depuis vingt ans. Mais c'est un premier pas vraiment important qu'on vient de franchir. »
On n'en est pas encore là, mais certains se posent déjà la question de savoir si Yaya Jammeh pourra un jour être jugé. Il faudrait pour cela obtenir de la Guinée équatoriale qui n'a pas de traité d'extradition avec la Gambie, qu'elle livre l'ancien dictateur qui a été accueilli et est protégé jusqu'ici par Teodoro Obiang Nguema.