Vue générale des membres du panel sur la session : « Tirer parti d'instruments de financement innovants pour mobiliser les investissements privés dans le domaine du climat en Afrique » », tenue à Charm-el-Cheikh en Egypte, 24 mai 2023.
L'Afrique est à la traîne au niveau mondial, avec seulement 14 % d'investissements privés en faveur du climat. Pourtant en décembre dernier, à la COP27, le message était de multiplier voire quadrupler les investissements privés sur le climat. Quels diagnostic et solutions face au manque d'appétence du secteur privé pour le climat en Afrique ? La session thématique intitulée « Tirer parti d'instruments de financement innovants pour mobiliser les investissements privés dans le domaine du climat en Afrique », organisée le 24 mai, à Charm el Cheikh, dans le cadre des Assemblées annuelles 2023 du Groupe de la Banque africaine de développement a tenté d'y répondre. Le panel d'experts a identifié les enjeux et partagé de bonnes pratiques.
« Face au faible niveau des financements privés dans le secteur du climat en Afrique, nous devons réfléchir à des modes de financements innovants, imaginer des solutions à l'échelle africaine et catégoriser les besoins. La Banque africaine de développement a mis en place le Guichet d'action climatique en soutien aux pays les pays vulnérables du continent », a déclaré Solomon Quaynor, vice-président de la Banque chargé du Secteur privé, de l'Infrastructure et de l'Industrialisation, qui a modéré la session.
Christopher Marks, directeur général, responsable des Solutions de portefeuille, Financement innovant et Marchés de croissance à la banque japonaise Mitsubishi UFJ Financial Group (MUFG), a déclaré pour sa part, « dans un contexte de ressources limitées, chaque centime doit être utilisé au mieux. On ne peut se permettre de dépenser des fonds sans avoir des assurances en matière d'additionnalité financière. On ne peut pas évacuer la question des risques. Il faut réfléchir à la manière d'utiliser les fonds de pension et les fonds souverains en Afrique. »
Face à l'urgence climatique, reconsidérer l'échelle et la manière dont l'implication du secteur privé est envisagée est une option incontournable.
Selon Mme Rania Al-Mashat ministre égyptienne de la Coopération internationale, la politique en matière de climat repose sur trois axes : l'engagement, la clarté et la crédibilité. « Nous avons mis en place une plateforme sur l'eau, l'alimentation et le développement durable et produit un livre blanc sur la finance climatique », a-t-elle souligné. Elle a évoqué le mégaprojet innovant de Benban qui vise à porter à 42 % la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique d'ici à 2035.
La question du risque des investissements en Afrique est largement revenue dans les discussions. Et Konstantin Limitovskiyle, vice-président chargé des opérations d'investissement (Région 2), de Asia Infrastructure and Investment Bank, a déclaré que « le mot clé est : dérisquer » parce que le secteur privé cherche des voies pour « multiplier par deux ou trois ses investissements. » « Notre portefeuille opérationnel est d'environ 9,5 milliards de dollars mobilisés. C'est une tâche énorme et extrêmement difficile », a-t-il souligné. Mais pour Sidi Ould Tah, directeur général de la Banque arabe pour le développement économique « ce risque est largement surévalué. »
Il s'agit désormais de changer de stratégie et d'approche pour permettre au secteur privé de percevoir les investissements climatiques comme moins risqués, aptes à générer des bénéfices.
Mme Bjørg SandkjaEr, vice-ministre et gouverneure de la Banque pour la Norvège, a évoqué l'expérience à dérisquer les projets d'énergie renouvelables, acquise par Norfund (Fonds norvégien d'investissement en faveur des pays en développement) par la fourniture de capital-risque et celle en matière de projets bancables de l'Agence norvégienne de coopération pour le développement, Norad, grâce à des mécanismes de préinvesstissement.
Pour les intervenants, il faut mettre en place des partenariats. Et Mme Bärbel Kofler, secrétaire d'État parlementaire et gouverneure pour l'Allemagne a donné l'exemple de la Plateforme pour l'hydrogène vert, financée à 270 millions d'euros avec des fonds publics afin de faciliter l'ouverture du marché de l'hydrogène vert dans toute la chaîne de valeur. Elle a souligné que l'investissement dans les énergies renouvelables peut constituer une opportunité d'affaires créatrice d'emplois décents. Elle a également expliqué l'option prise par l'Allemagne pour la décarbonation, à travers un processus législatif sur le long terme, pour arrêter l'utilisation du charbon à l'horizon 2038, accompagné d'un dialogue avec le secteur privé pour lui permettre de saisir les avantages à y investir.
La bonne planification, la mise en place de données fiables sur les enjeux socio-environnementaux et de gouvernance, sont importantes pour attirer le secteur privé. En outre l'utilisation des ressources publiques, pour plus de garanties, afin d'attirer plus de ressources privées est également une des leçons apprises de l'expérience de la Finlande présentée par Emmi Oikari, gouverneure suppléante temporaire. Elle a invité les pays à rejoindre la Coalition des ministres des finances pour l'action climatique qui réunit près de 80 pays.
L'Alliance pour l'infrastructure verte en Afrique mise en place par la Banque africaine de développement et plusieurs partenaires dont la fondation Rockefeller vise à accroître et à accélérer le financement de projets d'infrastructures vertes en Afrique, a déclaré Solomon Quaynor.
Les banques multilatérales et les institutions financières de développement doivent repenser leurs outils et approches, intégrer de nouvelles catégories comme les fonds de pension et d'autres mécanismes innovants en Afrique, pour attirer davantage d'investissements privés en faveur du climat, a conclu M. Quaynor.