Congo-Kinshasa: Des manifestations pacifiques violemment réprimées

Marche de l’opposition dispersée par la police pour non-respect de l’itinéraire imposé par les autorités, le 20 mai 2023, à Kinshasa, en RDC.
communiqué de presse

Kinshasa — L'éloge présidentiel au chef de la police soulève des inquiétudes quant à l'impartialité de l'enquête annoncée

La police a violemment dispersé des manifestants pacifiques à Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo, le 20 mai 2023, procédant à l'arrestation de dizaines de personnes et en blessant gravement au moins 30, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch. La police a déclaré avoir ouvert une enquête sur les violences commises à l'encontre des manifestants et annoncé avoir arrêté trois policiers qui ont passé un enfant à tabac.

Le 22 mai, le président Felix Tshisekedi a publiquement félicité le chef de la police qui a supervisé les opérations des forces de l'ordre, au cours desquelles ont été réprimé dans la violence les manifestants dans la commune de Ngaba, dispersés à l'aide de gaz lacrymogènes : « Vous êtes un très bon citoyen, vous méritez vraiment de monter en grade et vous allez encore monter, vous êtes un vrai professionnel », lui a-t-il déclaré. « Bravo pour le travail que vous avez fait, zéro mort ... les voyous ont été maîtrisés, c'est très bien. » Les propos de M. Tshisekedi font craindre que l'enquête policière sur les violences manque d'impartialité et que le gouvernement encourage l'usage excessif de la force par la police lors de futures manifestations.

« La brutalité de la police congolaise contre les manifestants est une tentative de réduire au silence toute dissidence et de dissuader les futures manifestations », a déclaré Carine Kaneza Nantulya, directrice adjointe de la division Afrique de Human Rights Watch. « Le président ne devrait pas récompenser les officiers supérieurs lorsque les manifestants sont violemment réprimés, mais plutôt veiller à ce que les enquêtes soient crédibles et équitables et que tous les individus reconnus responsables d'abus soient sanctionnés ou poursuivis de manière adéquate. »

Une coalition de partis politiques d'opposition avait annoncé la marche du 12 mai pour dénoncer l'augmentation du coût de la vie, l'opacité du processus électoral et l'insécurité persistante dans l'est de la RD Congo. Parmi les participants figuraient Martin Fayulu, d'Engagement pour la Citoyenneté et le Développement (Ecidé) ; Moise Katumbi, d'Ensemble pour la République ; Matata Ponyo, de Leadership et Gouvernance pour le Développement (LGD) ; et Delly Sesanga, de l'Envol pour la RD Congo.

Bienvenu Matumo, activiste et membre du mouvement citoyen La Lucha, a déclaré : « Une douzaine de policiers sont venus nous disperser. J'ai résisté parce que je voulais participer à la marche, alors ils m'ont donné un coup de poing. Ils m'ont ensuite emmené dans une cellule de police où j'ai été détenu pendant plus de cinq heures ».

Plusieurs vidéos devenues virales sur les réseaux sociaux montrent des policiers aux côtés de personnes en tenue civile frappant des manifestants pacifiques, dont un enfant, à l'aide de bâtons en bois, ce qui a suscité un tollé à travers tout le pays. Dans les quartiers de Ngaba, la police a dispersé les manifestants en tirant des gaz lacrymogènes. Certains, réagissant aux violences policières, ont lancé des pierres et des projectiles sur les policiers.

Le commissaire de police de la province de Kinshasa a indiqué que 30 policiers avaient été blessés, dont 27 par des manifestants et trois par des membres de gangs ; 20 personnes ont été arrêtées pour avoir vandalisé un bureau de police, et trois policiers pour avoir brutalisé des manifestants et un mineur.

Plusieurs acteurs se sont exprimés sur la répression. Le ministre des droits humains, Albert-Fabrice Puela, a rendu publique une déclaration le même jour, condamnant la violence et appelant à une enquête d'urgence pour établir les responsabilités des violations des droits et « pour que ce cycle de violence n'appartienne plus qu'au passé ».

Des représentants d'organisations de la société civile, l'Union européenne, la Mission de l'Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en RD Congo (MONUSCO), l'ambassade des États-Unis et l'Église catholique romaine ont condamné la répression violente, appelant au respect des libertés civiles en période préélectorale, le scrutin étant prévu en décembre 2023.

En même temps, le gouverneur de Kinshasa, Gentiny Ngobila, a assuré que les manifestants n'avaient pas respecté les règles imposées par le gouvernement ni suivi l'itinéraire autorisé pour leur manifestation. Il a annoncé qu'il déposerait une plainte contre les organisateurs de la marche pour des actes de vandalisme qui auraient été commis par des militants de partis politiques. Le gouvernement congolais est tenu, en vertu de la constitution et du droit international des droits de l'homme, de respecter et de faire respecter le droit de manifester pacifiquement.

Les autorités congolaises devraient ordonner aux forces de sécurité de respecter les Principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l'utilisation des armes à feu par les responsables de l'application des lois, a recommandé Human Rights Watch. Ces directives stipulent que les forces de sécurité « auront recours autant que possible à des moyens non violents avant de faire usage de la force ou d'armes à feu ». Lorsque l'usage légitime de la force ou des armes à feu est inévitable, les responsables de l'application des lois doivent l'utiliser avec modération et leur action doit être proportionnelle à la gravité de l'infraction et à l'objectif légitime à atteindre, ils doivent s'efforcer à minimiser les dommages et atteintes à l'intégrité physique, respecter et préserver la vie humaine. Les Principes de base prévoient également qu'en cas de décès ou de blessure grave, « un rapport détaillé sera envoyé immédiatement aux autorités compétentes ».

« Alors que la RD Congo se prépare à des élections plus tard cette année, le gouvernement devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir que chacun puisse exprimer pacifiquement ses opinions sans crainte d'arrestation ou de passage à tabac par les forces de sécurité », a conclu Kaneza Nantulya.

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