Aujourd'hui, 31 mai 2023, s'ouvre, en principe, le dialogue national au Sénégal. Des assises de concertations voulues par le président Macky Sall, et qui visent, selon le chef de l'Etat, à trouver des consensus durables sur des questions essentielles touchant à la vie nationale et à l'avenir du pays.
La question qui se pose est de savoir si avec ce dialogue national, Macky Sall parviendra à éteindre l'incendie des violences sociopolitiques qui secouent son pays depuis quelque temps. La question est d'autant plus fondée que le mercure sociopolitique est monté de plusieurs crans, ces derniers jours, en raison des violences parfois meurtrières liées aux dossiers judiciaires de l'opposant Ousmane Sonko dont les partisans sont sur le pied de guerre et continuent de camper dans la rue.
Autant dire que ce dialogue ne pouvait pas mieux tomber. Seulement, le leader du PASTEF qui est dans l'attente du verdict de son procès pour viol, avait, de longue date, déjà rejeté l'offre de dialogue du chef de l'Etat.
Dans le contexte de tensions liées à l'affaire Ousmane Sonko, on peut se demander quelle sera la participation de l'opposition
D'autres partis de l'opposition, à l'instar du Parti démocratique sénégalais (PDS) de Abdoulaye Wade, avaient marqué leur adhésion audit dialogue. Il en est de même de Khalifa Sall, l'ex-maire de Dakar, qui compte saisir l'opportunité de ces rencontres de concertations pour poser d'autres problèmes d'intérêt national.
Mais dans le contexte de tensions liées à l'affaire Ousmane Sonko, on peut se demander quelle sera la participation de l'opposition à ce dialogue national dont le timing du démarrage tombe, comme si ce n'était pas un hasard, à la veille du verdict du procès pour viols de Ousmane Sonko qui risque l'inéligibilité dans une affaire qui tient en haleine le Sénégal depuis plus de deux ans.
Et pourtant, dans le contexte sociopolitique qui est le leur aujourd'hui, les Sénégalais ont besoin de se parler, à moins de huit mois de la prochaine présidentielle qui aiguise déjà les appétits et cristallise les attentions. Pour cause, la question du troisième mandat du chef de l'Etat, qui continue de garder le silence sur ses intentions, et qui fonde la fronde du leader du PASTEF. Un leader qui a toujours qualifié ses déboires judiciaires, de « cabale politique » visant à l'écarter de la course au fauteuil présidentiel, dans le seul but d'ouvrir un boulevard au natif de Fatick pour briguer un mandat « indu ».
Et le discours du jeune opposant est d'autant plus porteur aujourd'hui qu'au-delà des cas Karim Wade, Khalifa Sall et Barthélémy Dias devenus emblématiques pour de nombreux Sénégalais en raison des conditions de disqualification, en son temps, de ces leaders de l'opposition qui se présentaient comme autant de challengers sérieux du chef de l'Etat, le mutisme de Macky Sall sur la question tend à donner du crédit aux accusations de l'édile de Ziguinchor et à apporter de l'eau au moulin de ses contempteurs.
On attend de voir si Macky Sall se posera en pompier ou en pyromane
C'est dire si, quelque part, le locataire du palais de la République est aussi comptable de la dégradation de l'atmosphère sociopolitique dans son pays. Et en laissant libre cours aux supputations là où certains de ses pairs avant lui, avaient vite fait de clarifier leurs intentions dans le sens d'un renoncement, Macky Sall aggrave la situation.
En effet, non seulement il expose son pays à des violences inutiles, mais aussi son attitude a plutôt tendance à renforcer ses compatriotes, même les plus sceptiques, dans leur conviction que son silence prolongé en dit suffisamment long sur ses intentions. Et dans le cas d'espèce, il faut craindre que le verdict tant attendu du procès de Ousmane Sonko, ne fasse ombrage au lancement de ce dialogue qui a pourtant toute sa raison d'être. En tout état de cause, il appartient au chef de l'Etat sénégalais, de savoir faire de ce dialogue national, un projet fédérateur en vue des élections à venir.
Tout comme il lui revient de savoir mettre fin au faux suspense de sa candidature au mandat de trop, en rassurant ses compatriotes. C'est à ce prix qu'il pourra éviter au dialogue national, d'accoucher d'une souris, et se ménager une porte de sortie honorable de l'histoire de son pays. Toute autre attitude contraire pourrait être contreproductive si elle n'accélère pas tout simplement le cours d'une histoire qui a vu des régimes vaciller sous d'autres cieux et dont les mêmes causes pourraient produire les mêmes effets. Macky Sall est donc prévenu.
Quant à Ousmane Sonko, il pourrait être le plus grand perdant dans cette affaire, si le chef de l'Etat se laissait gagner par la sagesse de la renonciation à ce troisième mandat de tous les dangers pour lui, et pour le Sénégal. En attendant, le Sénégal danse sur un volcan. Et l'on attend de voir si Macky Sall se posera en pompier ou en pyromane.