Centrafrique: Le référendum constitutionnel, porte-ouverte vers un 3e mandat du Président Touadéra?

Le président centrafricain Faustin-Archange Touadéra, le 17 septembre 2021 à Bangui.

C'est désormais officiel, il y aura un référendum sur une nouvelle Constitution en Centrafrique, le 30 juillet prochain. Le président Touadéra l'a annoncé ce mardi 30 mai dans un message à la nation. « Rien n'est au-dessus du peuple souverain. Le peuple est au-dessus de la Constitution », a déclaré le président centrafricain. Il estime que le texte actuel, qui date de 2016, « comporte des dispositions qui pourraient compromettre le développement » du pays.

Cette annonce n'est pas une surprise, cela fait plus d'un an que le sujet sur la table. À partir du dialogue politique de mars 2022, des organisations proches des autorités vont mener des campagnes pour demander un changement de Constitution, fin mai, des députés de la majorité déposent un projet de loi de réforme, avec un objectif annoncé publiquement : faire sauter le verrou du nombre de mandats présidentiels.

Le 13 août, pour la fête de l'indépendance, Faustin-Archange Touadéra s'empare du sujet. « Je ne saurais demeurer indifférent aux cris du coeur de mon peuple qui est dépositaire par excellence du pouvoir souverain », déclare-t-il, avant de mettre en place un comité de rédaction d'une nouvelle Loi fondamentale.

Mais le 23 septembre, le couperet tombe : la Cour constitutionnelle invalide la procédure. Sa présidente, Danièle Darlan, est mise à la retraite d'office fin octobre. Une « punition », dit celle qui subit menaces et pressions depuis des mois, y compris de la part d'officiels russes. Finalement, fin décembre, l'Assemblée adopte une loi précisant les modalités d'organisation d'un référendum, validée cette fois par la Cour. Pendant ce temps, les organisations proches des autorités continuent de mobiliser sur le sujet.

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Une manifestation était d'ailleurs déjà annoncée pour ce mercredi 31 mai dans la matinée à Bangui, à l'appel du parti présidentiel, Mouvements coeurs unis (MCU) et de ses alliés. Initialement pour demander ce référendum, et finalement pour exprimer un soutien au chef de l'État.

« Le peuple centrafricain aujourd'hui a compris que la Constitution de 2016 mérite d'être réécrite, parce que la Constitution de 2016 était montée de toutes pièces. Il y avait les armes, il y avait une tension, qui avaient influencé ceux qui avaient rédigé la Constitution de 2016... »

Centrafrique: manifestation pro-référendum à Bangui - reportage

Rolf Steve Domia-leu

Le nouveau texte qui doit être soumis aux électeurs, n'est pas encore connu. « Dans les prochains jours, vous serez entretenus sur les principales réformes proposées », a conclu Faustin-Archange Touadéra. Des sources à Bangui affirment que le texte est prêt depuis plusieurs mois, avant même l'invalidation du comité de rédaction en septembre.

« La convocation de ce référendum est illégale » pour l'opposition

Les promoteurs de la réforme veulent supprimer des dispositions transitoires de 2016, renforcer le pouvoir exécutif pour rendre l'État « plus efficace », revoir les modalités de nomination des juges constitutionnels, et en finir avec des « institutions budgétivores » comme le Haut Conseil de la Communication. Mais pour les opposants, cette réforme n'a en réalité qu'un seul but : remettre à zéro le compteur des mandats présidentiels, et donc permettre à Faustin-Archange Touadéra d'en briguer un troisième en 2025. Crépin MBoli-Goumba est le coordonnateur du Bloc républicain de défense de la constitution (BRDC)

« C'est d'abord la liquidation de la démocratie et donc, en-dehors de la démocratie et de la Constitution, c'est le pouvoir à vie. Il veut rester au pouvoir et ça arrange les affaires de beaucoup de gens. Ce n'est pas une surprise, mais c'est surtout illégal. Comme vous le savez, la Cour constitutionnelle avait déjà déclaré illégale l'organisation d'un référendum pour plusieurs raisons.

Donc, la convocation de ce référendum est tout aussi illégale, estime-t-il. Puisque le président Touadéra dit que le peuple est au-dessus de tout, le peuple doit décider. Nous allons donc avoir recours au peuple centrafricain. Il y a des voies qui sont prévues, notamment les manifestations, les sit in. Nous allons explorer toutes les voies légales qui s'offrent à nous pour pouvoir défendre la Constitution et défendre la démocratie dans notre pays. »

Il y a aussi des obstacles à lever pour organiser ce référendum. Les obstacles sont techniques. En pleine saison des pluies, comment organiser cette consultation dans un pays sans infrastructures ? Cela semble d'autant plus délicat que la Minusca, la Mission de l'ONU en Centrafrique, a déjà dit qu'elle ne soutiendrait pas de processus référendaire.

Les obstacles sont financiers, aussi : l'autorité nationale des élections n'était pas parvenue à rassembler les fonds nécessaires pour organiser les élections locales prévues pour le 16 juillet prochain. Alors comment financer un référendum auquel s'oppose la plus grande part de la communauté internationale ? La question est posée. En tout cas ce matin, le président de l'ANE a rassemblé ses collaborateurs pour annoncer la suspension temporaire des préparatifs des élections locales pour laisser la place à l'organisation du référendum constitutionnel.

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