Centrafrique: Touadéra et la tentation du 3e mandat

Le président centrafricain Faustin-Archange Touadéra, le 17 septembre 2021 à Bangui.

La tentation du 3e mandat, voire du pouvoir à vie, a-t-elle gagné l'esprit du président centrafricain, Faustin-Archange Touadéra ? Les derniers développements de l'actualité en Centrafrique soulèvent cette question.

En effet, le chef de l'Etat centrafricain a annoncé, le 30 mai 2023, la tenue d'un référendum constitutionnel, dans un discours à la nation. Il n'a pas évoqué le contenu du projet de révision de la Constitution. Touadéra a néanmoins promis que la date du scrutin sera fixée prochainement. Son ministre conseiller a, par contre, apporté quelques précisions à nos confrères de l'Agence France presse (AFP).

« Il n'y aura pas de troisième mandat, mais les compteurs seront remis à zéro avec une nouvelle Constitution (...). Il y aura un nouveau mandat que tout le monde pourra briguer, y compris le président Touadéra s'il le souhaite », a-t-il déclaré. Venant d'un de ses proches, ces propos en disent long sur les ambitions du président centrafricain, qui ne ferme pas la porte à un nouveau bail.

Logiquement, Touadéra, professeur d'université de 66 ans, élu en 2016 et réélu en 2020, ne peut plus prétendre à un 3e mandat, en vertu des dispositions de la loi fondamentale centrafricaine. La seule alternative, qui se pose au chef de l'Etat, c'est de modifier la Constitution, comme certains de ses pairs l'ont fait avec succès, pour se maintenir aux affaires.

Cette pratique est courante sur le continent africain, puisqu'elle permet, malgré les risques encourus (certains dirigeants l'ont appris à leurs dépens), de s'éterniser au pouvoir. Touadéra ne fait donc pas exception et semble même revenir à la charge. En septembre 2022, le président centrafricain avait eu maille à partir avec la Cour constitutionnelle, qui avait annulé son décret portant institution d'un comité de rédaction d'une nouvelle Constitution. Les sages avaient jugé cet acte illégal, étant entendu que le Sénat, chambre haute du Parlement, n'avait pas été encore mis en place.

Il n'en fallait pas plus pour mettre Touadéra dans tous ses états. La présidente de la Cour constitutionnelle, Danièle Darlan, celle-là même qui osé défier le chef de l'Etat, a été d'office mise à la retraite. Elle a subi la colère du chef. Cet épisode n'a nullement refroidi les ardeurs de Touadéra, de son parti, le Mouvement coeurs unis (MCU) et de ses alliés politiques, qui font des pieds et des mains, pour obtenir la révision de la Constitution par voie référendaire.

Dans sa volonté d'organiser un référendum, le chef de l'Etat dit avoir consulté, au préalable, les présidents de l'Assemblée nationale où son parti est majoritaire et de la Cour constitutionnelle. En donnant cette précision, Touadéra laisse entrevoir que sa décision ne souffre d'aucune légalité, mais l'opposition et les groupes rebelles ne l'entendent pas de cette oreille. Les opposants et les rebelles accusent le président centrafricain de vouloir être président à vie.

Les velléités de 3e mandat du chef de l'Etat centrafricain pourraient provoquer des remous, dans un pays plongé dans une situation sécuritaire préoccupante. Touadéra est sous la pression constante des rebelles plus que jamais actifs dans le pays. Son pouvoir est plus ou moins menacé. Il a failli même ne pas être réélu. Alors qu'ils menaient jusque-là des attaques sporadiques, les six groupes armés les plus puissants du pays s'étaient coalisés pour lancer, courant décembre 2020, une offensive sur Bangui, dans le but d'empêcher Touadéra de rempiler.

A la tête d'une armée démunie, le président centrafricain doit son salut aux mercenaires russes de Wagner, qui ont permis de prendre le dessus sur les assaillants et de sauver son fauteuil. La réélection de Touadéra est contestée par les rebelles et l'opposition, que son aspiration à un 3e mandat ne peut que faire du bruit. La Centrafrique est pourtant dans une situation très compliquée, qu'il ne faut pas en rajouter une couche. Touadéra marche sur des braises et doit savoir à quoi s'en tenir...

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