Centrafrique: Le référendum présente des risques

Faustin Archange Touadera
communiqué de presse

Nairobi — Une mesure liée au mandat présidentiel menace la société civile et la liberté d'expression

Un référendum constitutionnel prévu en République centrafricaine pourrait restreindre davantage l'espace civique et risque de compromettre les progrès démocratiques réalisés depuis 2015 dans le pays, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui.

Le président centrafricain, Faustin-Archange Touadéra, a annoncé le 30 mai 2023 sur Facebook qu'il convoquait un référendum portant sur une nouvelle constitution. Bien que le texte n'ait pas encore été rendu public, le changement de constitution pourrait permettre à Faustin-Archange Touadéra de rester président après 2025, date à laquelle son mandat actuel arrivera à son terme. Fidèle Gouandjika, ministre et conseiller spécial du président, a déclaré à l'AFP qu'un référendum ne permettrait pas à Touadéra de briguer un troisième mandat, mais que « les compteurs seront remis à zéro » et que le président pourrait se représenter.

« Ce référendum intervient au moment où des institutions gouvernementales, notamment la police, ont menacé des militants de la société civile et empêché des manifestations de l'opposition politique », a déclaré Carine Kaneza Nantulya, directrice adjointe de la division Afrique à Human Rights Watch. « Le président Touadéra devrait annoncer publiquement qu'il encourage un débat libre et équitable sur le bien-fondé de ce changement de constitution et permettre à ses détracteurs de s'exprimer librement et ouvertement ».

Dans sa déclaration, Faustin-Archange Touadéra a indiqué que la constitution actuelle, ratifiée en 2016, « ne reflète pas suffisamment les aspirations profondes du peuple centrafricain » et qu'il ne pouvait pas rester « insensible aux demandes pressantes et légitimes du Peuple souverain de doter notre pays d'une nouvelle constitution ». Le référendum devrait avoir lieu le 30 juillet prochain.

Les principes directeurs de la constitution de la République centrafricaine ont été initialement énoncés dans les recommandations du Forum de Bangui de 2015, une série de consultations nationales tenues afin de définir une transition politique après les violences à grande échelle en 2013 et 2014. Les recommandations incluaient la suppression du mandat illimité du chef de l'État ainsi que la nécessité de mettre un terme à l'impunité, au tribalisme, à la corruption et aux coups d'État.

L'idée du référendum est apparue pour la première fois en mars 2022, quand le gouvernement, dans le cadre d'un dialogue national conçu comme un outil de réconciliation avec l'opposition, a décidé de promouvoir une modification de la constitution afin d'ouvrir la voie à un troisième mandat présidentiel. Alors que le débat sur un référendum constitutionnel s'intensifiait, le gouvernement a empêché les partis d'opposition de protester contre le changement proposé, tout en autorisant ses partisans à organiser des rassemblements, parfois sous protection policière.

Malgré la résistance de l'opposition et les déclarations de plusieurs membres de la communauté internationale faisant part de leurs préoccupations, le président Touadéra et son parti ont continué à plaider en faveur d'une modification de la constitution, en proposant notamment la mise en place d'un comité technique chargé de recommander les changements nécessaires. La Cour constitutionnelle a jugé qu'un tel comité était inconstitutionnel. En réponse, Faustin-Archange Touadéra a destitué la présidente de la Cour, déclenchant une crise judiciaire qui continue de menacer la légitimité de la Cour.

L'ancienne présidente de la Cour, Danièle Darlan, a déclaré à Human Rights Watch que le 7 mars 2022, des responsables de l'ambassade de Russie lui avaient rendu visite et lui avaient demandé des conseils sur la manière de modifier la constitution afin de permettre au président Touadéra de rester au pouvoir. « Il n'était pas normal pour un diplomate d'approcher la présidence de la Cour pour examiner comment maintenir le président au pouvoir », a déclaré Danièle Darlan. Mme Darlan a aussi évoqué la tentative des diplomates russes de pousser en faveur d'une modification de la constitution lors d'un entretien accordé à un journal au mois de mai.

En janvier, la Cour constitutionnelle, désormais dirigée par un nouveau président, Jean-Pierre Waboué, a déclaré que le projet de référendum était légal, ouvrant ainsi la voie à une modification de la Constitution. En avril, Human Rights Watch a publié un rapport décrivant comment le gouvernement réprime la société civile, les médias et les partis politiques d'opposition qui critiquent le référendum.

Les tentatives des diplomates russes d'influencer les processus politiques en République centrafricaine exacerbent les craintes quant au rôle de la Russie dans le pays, a déclaré Human Rights Watch. Des forces russes du groupe Wagner, une société privée russe de sécurité militaire liée au gouvernement de Russie, se trouvent dans le pays depuis 2018, où elles opèrent dans le cadre d'accords de formation militaire avec le gouvernement. Human Rights Watch a documenté que des forces russes, possiblement liées au groupe Wagner, ont exécuté sommairement, torturé et passé à tabac des civils depuis 2019.

Deux associations politiques étroitement liées au parti au pouvoir, le Mouvement des Coeurs unis (MCU), ont coordonné le soutien populaire en faveur du référendum, y compris parfois en payant certaines personnes pour qu'elles manifestent en faveur du projet. Ces deux organisations, les Requins et Galaxie Nationale, ont joué un rôle de premier plan dans le harcèlement d'opposants, aussi bien en ligne que dans la rue. Le groupe Wagner a apporté un soutien financier à Galaxie Nationale, selon des informations relayées dans les médias.

Des élections locales, qui devaient avoir lieu en septembre 2022 et qui ont été reportées à juillet 2023, seront à nouveau repoussées pour permettre au référendum d'avoir lieu en premier. Le Bloc Républicain pour la Défense de la Constitution (BRDC), une coalition de partis d'opposition, a annoncé qu'il boycotterait les élections locales.

Au lieu d'amplifier la voix de ceux qui veulent étouffer les discussions sur le référendum, le gouvernement devrait encourager un dialogue ouvert et prévenir les menaces et intimidations à l'encontre des opposants au changement de constitution, y compris de la part de membres du parti au pouvoir, a déclaré Human Rights Watch. Les diplomates en poste à Bangui, qui disent encourager les autorités à respecter les droits des opposants politiques, journalistes et activistes, devraient encourager publiquement le président Touadéra à autoriser les manifestations pacifiques contre le référendum.

« Les observateurs de la République centrafricaine savent que ce référendum devrait avoir lieu et qu'il permettra probablement au président de rester au pouvoir », a déclaré Carine Kaneza Nantulya. « La grande question est maintenant de savoir si les Centrafricains qui s'opposent au référendum seront autorisés à faire entendre leur voix ».

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