Sénégal: Macky Sall ou l'art l'autodestruction

Un manifestant avec le drapeau sénégalais sur la place de la Nation à Dakar lors d'un rassemblement contre un éventuel 3e mandat de Macky Sall, à l'appel de la plateforme d'opposition F24, le 12 mai 2023.
analyse

Le président Macky Sall a annoncé hier jeudi qu'il s'adresserait aux Sénégalais à la fin du dialogue national. Après sa visite au chef des Mourides lundi dernier pour, dit-il, lui réserver la primeur de "grandes décisions qu'il va prendre très prochainement", cette annonce d'une adresse à la nation peut s'analyser comme partie intégrante de la stratégie du camp présidentiel pour reprendre la main dans un Sénégal sous haute tension politique depuis 20 bons mois.

Cette tension a atteint des pics les derniers jours du mois de mai et les premiers de juin. Une semaine de fortes turbulences qui a laissé le pays groggy, lequel retrouve difficilement ses esprits et des repères sur son avenir. C'est dans cette atmosphère de calme précaire que de rares leaders politiques et d'OSC ont appelé le président sénégalais à s'assumer dans la crise qui secoue le pays.

Macky Sall a-t-il enfin pris une décision sur cette question, noeud gordien de la crise sénégalaise ? A-t-il compris et intégré dans son agenda politique les appréhensions, la colère, la révolte de beaucoup de Sénégalais sur sa tentation de prolonger son bail au palais de la République ? Qu'a-t-il dit au Khalife général des Mourides lundi dernier durant leur huis clos à Touba ? Cette question a-t-elle déjà été abordée par les participants au "Dialogue national" qui s'est ouvert le 31 mai dernier ? Quelle est la tendance des débats à ce sujet ? On le voit bien, il y a moult questions auxquelles les Sénégalais attendent des réponses et le plus tôt serait le mieux afin que l'accalmie actuelle se transforme en paix sociale durable, propice à l'élection présidentielle de février 2024.

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L'annonce présidentielle d'une adresse à la nation sénégalaise tient donc tout le pays en haleine, suspendu aux lèvres de celui qui avait fait mordre la poussière électorale à Abdoulaye Wade, fait dissoudre dans des affaires judiciaires les ambitions présidentielles de son fils, Karim Wade, avant de jouer le même tour pendable à Khalifa Sall, l'ancien maire de Dakar. Comme l'appétit vient en mangeant, l'ogre politique Macky Sall cherche à avaler son opposant le plus en vue, assaisonné à la sauce salace d'une affaire de moeurs. Sauf qu'Ousmane Sonko se révèle un os dur à ramollir comme celui de Mor Lam dans la célèbre pièce de théâtre de Birago Diop.

Au demeurant, Macky Sall n'a pas choisi pour rien de s'adresser aux Sénégalais à la fin du "Dialogue national". Ce forum, boycotté par ses opposants les plus en vue, ouvert sans couleurs, a tout de suite été éclipsé par les violentes manifestations de rue suite à la condamnation d'Ousmane Sonko. Macky Sall voudrait donner du relief à ses assises ternes qu'il ne choisirait pas un autre moment qu'à la clôture de leurs travaux pour s'adresser aux Sénégalais.

Dans cette logique, on se risque à devancer l'iguane dans l'eau en pariant que le discours présidentiel à cette occasion ne devrait pas occulter les questions du 3e mandat ; de l'inégibilité des leaders politiques condamnés par la justice ; de la libération des manifestants de l'opposition arrêtés ces 2 dernières années ; de la suppression du système de parrainage des candidats aux élections imposé depuis 2019. Bref, Macky Sall est attendu par son peuple sur toutes ces questions. Sera-t-il à la hauteur de ses aspirations ? Tout le défi pour lui de reprendre la main est là, énorme !

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