Madagascar: Michel Arrion - « Le cacao malgache a une très bonne réputation »

Le MICC avec les experts du panel Ad Hoc du cacao fin
interview

Le Directeur exécutif de l'Organisation international du cacao (ICCO) explique la teneur du Panel d'experts sur le cacao fin qui se tient à Madagascar en ce moment sous l'égide du ministère de l'Industrialisation, du commerce et de la consommation. Il parle également de la place et de l'avenir du cacao malgache sur le marché mondial.

D'abord, quand est-ce que le cacao est qualifié de fin ?

Il n'y a pas à proprement parler de certification relative à un cacao fin. C'est-à-dire que l'ICCO n'a pas pour mandat de dire qui fait du cacao fin et qui n'en fait pas. Cacao fin veut simplement dire cacao de très grande qualité telle que reconnue par les professionnels du cacao et qui permet de fabriquer le produit principal qui est le chocolat. En fait, le cacao fin permet de produire du chocolat fin.

Mais n'y a-t-il pas une définition technique qui permet de le qualifier ?

En effet, il y a quand même une définition du cacao fin mais qui est assez générique. Le cacao fin est le cacao qui a des propriétés organoleptiques, c'est-à-dire qui a un goût, un arôme, une senteur particulière avec des tonalités florales ou arborées, un peu comme un vin grand cru. La définition du cacao fin est donc un grand cru du cacao, très apprécié par les fins connaisseurs.

Et comment un pays peut jouir du titre de pays producteur de cacao fin ?

L'ICCO a quand même dans son mandat l'organisation à intervalle régulier, c'est-à-dire tous les quatre ans, d'une réunion de panel d'experts pour définir les pourcentages de cacao fin dans les exportations de certains pays qui voudraient se retrouver sur la liste des pays producteurs de cacao fin. C'est ce qu'on appelle l'annexe C de la convention de base de l'iCCO qui liste tous les pays du cacao fin. Cette réunion du pannel est en fait une révision de cette annexe C. La dernière réunion date de 2019 et c'est Madagascar qui accueille en ce moment l'édition 2023 de ce panel.

Pourquoi le choix de Madagascar ?

Nous sélectionnons chaque année le pays qui va accueillir ce panel. Nous consultons donc à chaque fois nos membres et au mois de septembre de l'année dernière, Madagascar a été sélectionné pour accueillir la réunion cette année. C'est une très bonne chose pour Madagascar puisque ça met le pays sur les écran-radars des experts en cacao fin et aromatiques mondiaux. Si les experts se réunissent à Madagascar, cela veut dire qu'il y a du cacao aromatique dans le pays.

Et quel est l'objet de cette réunion ?

Nous examinons aujourd' hui les dossiers d'une vingtaine de pays producteurs de cacao qui nous disent, je produits du cacao fin et dans la quantité de cacao que j'exporte, il y a 5 ou 10 ou 50 ou 100% de cacao fin. Et nous validons ça grâce à un panel d'experts, aujourd'hui nous avons douze experts, qui examinent les dossiers. C'est un examen administratif avec des critères administratifs, c'est-à-dire que les experts ne vont pas goûter le cacao. Les représentants de chaque pays défendent directement virtuellement via zoom leurs dossiers. Faire partie des pays producteurs de cacao fin est un argument marketing très fort.

Pouvez-vous parler de ces critères ?

En fait, il faut se référer au vin. Qu'est ce qui fait qu'un vin est qualifié de grand vin ? D'abord, c'est son prix. Est-ce que vous êtes capables de vendre votre cacao plus cher que le marché du cacao normal ? Ça c'est le premier critère important. Le second critère ce sont les prix ou les médailles que vous avez gagnés dans des concours, ll y a notamment ce qu'on appelle le cacao d'excellence. C'est un grand concours organisé tous les deux ans et dont les prix sont remis au salon international du chocolat à Paris. Et dans ce grand concours, il y a un panel d'experts en arômatique qui goûtent et jugent si le cacao est fin et arômatique. Les prix sont ensuite attribués selon l'appréciation des experts.

Et le troisième critère ?

Le troisième critère c'est : est-ce que vous avez une longue tradition de culture du cacao avec des pratiques agricoles et culturales de qualité ? Il faut avant tout comprendre que ce qui fait un bon cacao est avant tout la technique de fermentation post-récolte. C'est-à-dire qu'après la récolte du fruit du cacaoyer, c'est-à-dire la cabosse, vous retirez la fève, ensuite vous le faites fermenter et le tout entre six et une douzaine de jours et c'est pendant ce processus qu'a lieu la fermentation qui donne le cacao fin.

La décision du panel d'experts sera donc connue demain (ndlr : aujourd'hui)?

Demain (ndlr : aujourd'hui), nous allons avoir un avis provisoire, une recommandation des experts. Mais la décision finale sera prise par le conseil de l'ICCO en septembre.

Connaissez-vous bien le cacao de Madagascar, étant certainement un connaisseur ?

Un peu mais j'avoue que je ne suis par personnellement un spécialiste des arômes du cacao. L'ICCO est une organisation internationale qui traite à la fois du cacao fin et du cacao normal. Le cacao fin représente 5% de la production mondiale de cacao qui est de près de cinq millions de tonnes. Les 95% restant sont du cacao qu'on appelle « standard» qu'on peut appeler aussi une matière première.

« Faire partie des paysproducteurs de cacao fin

est un argument marketing très fort. »

Néanmoins, avec votre grande connaissance de la filière et du marché du cacao mondial, vous pouvez quand-même donner une appréciation du cacao malgache ?

Oui, bien sur. Le cacao malgache jouit d'une très bonne réputation. Madagascar obtient des prix dans les concours, Madagascar fournit à des chocolatiers de qualité dans le monde, en Europe, en Suisse. Il faut comprendre que le cacao utilisé par les grandes marques de chocolat ne sont pas d'origine. C'est-à-dire qu'on cite rarement que c'est du chocolat de Madagascar ou du Venezuela, par exemple. Traditionnellement, l'origine du caco ce sont les pays d'Amérique latine et des Caraïbes où l'on fait du cacao et du chocolat depuis cinq ou six siècles.

Est-ce que l'ICCO intervient sur le prix ?

Non, le marché cacao est entièrement libre pour le cacao fin. Ce sont les entreprises acheteurs avec les vendeurs qui fixent les prix ensemble. Il n'y a pas non plus de prix indicatif. Ce qu'il faut savoir c'est que le prix du cacao fin doit obligatoirement être manifestement supérieur au prix normal du cacao standard défini tous les jours en bourse mais je ne peux pas dire de combien. Il y a deux bourses du cacao standard matière première dans le monde, à Londres et à New York.

Madagascar subit souvent la loi des acheteurs qui bradent ses produits d'exportation comme la vanille ou le cacao justement. L'ICCO peut-elle intervenir dans ces cas?

Non, nous définissons les bonnes pratiques de durabilité que nous essayons de recommander. Notre organisation regroupe tous les producteurs mais aussi tous les consommateurs. Nous ne sommes pas non plus une organisation qui défend l'intérêt des producteurs ni les consommateurs. L'Union européenne, par exemple, est membre de notre organisation, la Suisse est membre de notre organisation, la Russie aussi est membre de notre organisation. Ce n'est pas le cas pour le cacao fin puisque Madagascar arrive à bien valoriser son cacao qui s'attaque à un marché de niche. Il y une demande qui croît tout le temps pour le cacao fin, contrairement au cacao standard ou la production est excédentaire.

Vous voulez dire que Madagascar doit limiter sa production ?

Je n'ai pas dit ça. Il faut bien veiller à ne pas sacrifier la qualité pour la quantité. C'est-à-dire, toujours maintenir un standard de qualité élevé. Je vous conseille de produire plus tout en gardant la haute qualité. Si c'est pour produire plus et faire de la qualité standard, n'en fait pas.

Comment se porte le cours mondial du cacao aujourd'hui ?

La demande en cacao reste forte. Les deux grands marchés de la consommation aujourd'hui ce sont l'Europe et l'Amérique du nord et aussi le Japon. Ce sont des pays très développés avec des pouvoirs d'achat très élevé. On constate aussi maintenant que, progressivement, les demandent augmentent dans les pays émergeants, en Asie et en Afrique du nord comme en Algérie, l'Égypte, la Turquie, l'Inde, la Chine.

Comment voyez-vous l'avenir du cacao malgache ?

Madagascar a des pays concurrents qui sont les pays traditionnels comme en Amérique du sud mais je ne pense pas qu'il ait une menace concurrentielle pour le pays. Ce qu'il faut, ce sont des efforts pour améliorer la qualité et d'augmenter le volume tout en conservant la même qualité. J'entends qu'il ya des nouvelles plantations qui s'ouvrent mais il faut faire attention sur la qualité et bien valoriser.

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