L'évacuation, le 7 juin dernier, de 300 enfants et de 71 employés dévoués de l'orphelinat Mygoma a apporté une lueur d'espoir dans le chaos des violents combats qui déchirent Khartoum depuis plus de six semaines. Leur destination : Wad Madani, à quelque 200 kilomètres de la capitale soudanaise.
Coordonnatrice Protection au Soudan et membre de l'équipe du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) chargée de l'évacuation, Carin Naike Kohl nous donne des éclaircissements sur la nature de l'opération et les difficultés associées.
Il devenait de plus en plus urgent que ces enfants reçoivent les soins médicaux appropriés dont ils avaient besoin, mais aussi de les mettre en sécurité.
Comment s'est passé le voyage en car jusqu'à Wad Madani ?
La situation a suscité des émotions contradictoires. On a bien sûr ressenti un soulagement général car les passagers savaient qu'ils mettaient le cap vers un lieu sûr, loin du danger des combats. Mais une certaine tristesse était aussi présente pour les employés qui ont dû laisser derrière eux leur foyer et le lieu où ils travaillaient depuis des années, sans savoir ce qui les attendait. Les enfants plus âgés étaient très contents, tandis que les plus jeunes n'ont sans doute pas tout à fait compris ce qui se passait. En bref, cela restera un moment doux-amer pour toutes les personnes concernées.
Dites-nous quelques mots sur les difficultés auxquelles l'équipe a dû faire face pendant l'évacuation.
L'équipe a relevé des défis considérables, en particulier concernant la logistique qu'implique l'évacuation d'un groupe d'enfants aussi important. Il a été très compliqué d'organiser le transport en car et l'approvisionnement en nourriture et autres biens essentiels. Cependant, grâce à un remarquable travail d'équipe et à de nombreuses discussions et collaborations à différents niveaux, l'opération a été couronnée de succès.
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Quel rôle le CICR a-t-il joué pour garantir le transfert en toute sécurité et le bien-être des enfants et du personnel de l'orphelinat Mygoma ?
Nous avons joué un rôle essentiel en tant qu'intermédiaire neutre en répondant à la demande du ministère du Développement social de l'aider à évacuer les enfants et le personnel de l'orphelinat. Notre mission a avant tout consisté à obtenir les garanties de sécurité nécessaires de la part des parties au conflit, mais aussi à coordonner les aspects logistiques tels que le transport et l'intendance. En outre, il nous incombait bien sûr de maintenir un contact permanent avec l'orphelinat et les ministères du Développement social et de la Santé. Nous avons transféré les enfants en toute sécurité de Khartoum à Wad Madani - un voyage de trois heures à l'issue duquel ils ont été confiés au ministère du Développement social, qui assurera la poursuite de leurs soins et leur placement.
Quels enseignements avez-vous tirés de cette opération d'évacuation ?
Quel que soit le niveau de préparation, il est impossible d'anticiper toutes les complexités d'une telle entreprise. Mais les efforts collectifs et l'unité au sein de l'équipe ont porté leurs fruits. Même des personnes qui n'avaient encore jamais pris soin d'un bébé auparavant ont prêté main forte, et tous ont veillé à assurer le respect de la dignité des personnes ainsi qu'un bon équilibre entre l'urgence de partir et la nécessité de maintenir le calme. La pression était encore accrue par les combats tout proches - nous avons évacué avec le bruit des bombardements en fond sonore. C'était la bonne décision, il était temps de partir. Le sentiment de soulagement a grandi quand nous avons franchi les postes de contrôle : même les bébés ont semblé percevoir que leur environnement changeait.
Effectuerez-vous d'autres évacuations à l'avenir ?
Le CICR se tient prêt à apporter son soutien, mais il est indispensable d'obtenir des garanties de sécurité de toutes les parties avant d'envisager la moindre opération d'évacuation. Nous ne pouvons en aucun cas intervenir sans ces garanties.