L'Opérateur de téléphonie mobile dénonce la saisie de ses comptes bancaires. C'était au cours d'un point de presse hier au siège de l'entreprise à Akwa.
Les dirigeants de MTN Cameroon ne souhaitent plus garder le silence sur la situation des comptes bancaires de l'entreprise qui avaient été saisis en septembre 2022, à la demande de l'homme d'affaires Baba Danpullo.
On se rappelle que dans une décision rendue vendredi dernier, 09 juin 2023, le Tribunal de Première Instance de Douala-Bonanjo a ordonné aux banques concernées de transférer immédiatement au Greffier en Chef de ce tribunal, les fonds qu'elles ont cantonnés, sous astreintes pouvant aller jusqu'à 100 millions FCFA par jour de retard.
Réagissant à ce nouveau développement, les dirigeants de MTN ont organisé un point de presse hier 14 juin 2023, au siège de l'entreprise au quartier Akwa à Douala. Au milieu d'une salle prise d'assaut par de nombreux journalistes, Madame Mitwa Ng'Ambi, Directrice Générale qu'accompagnaient Monsieur Jean Akam, Directeur de la Régulation et des Affaires Institutionnelles et Monsieur Felix Fon Ndikum, Directeur Juridique.
Pour la circonstance, un haut responsable du Groupe, Monsieur Ebenezer Asante, Vice-Président du Groupe MTN a tenu à participer à ce point de presse par vidéoconférence. Chose extrêmement inédite, également, Monsieur Colin Mukete, actionnaire de MTN Cameroon et Président du Conseil d'Administration de l'entreprise dont les sorties médiatiques sont plutôt rares, a lui aussi participé à ce point de presse par vidéo-conférence.
Ton grave et ferme
Les dirigeants de MTN se disent que leur entreprise est victime d'un « braquage » et d'une grosse injustice. Dans un ton grave et ferme, ils égrènent les raisons pour lesquelles ils contestent la saisie des comptes bancaires de l'entreprise ordonnée par le Président du Tribunal de Première Instance de Douala-Bonanjo. « MTN conteste fermement la saisie de ses comptes bancaires, qu'elle considère comme abusive, frauduleuse et inacceptable étant donné que MTN CAMEROON n'a aucune relation avec BESTINVER et son Banquier sud-africain », soutient l'entreprise dans une déclaration distribuée à la presse.
Du coup, les représentants de MTN balaient d'un revers de la main, les prétentions selon lesquelles l'entité sud-africaine Public Investment Corporation, présentée comme un des actionnaires du banquier avec lequel Baba Danpullo est en conflit, serait également l'actionnaire majoritaire de MTN Cameroon. La déclaration de MTN Cameroon se veut claire à ce sujet :
« Premièrement, et contrairement à ce qui est allégué, ni le Banquier de BESTINVER, ni la PUBLIC INVESTMENT CORPORATION ne sont actionnaires de MTN CAMEROON. La composition de l'actionnariat de MTN CAMEROON est de notoriété publique et est disponible depuis plusieurs années au greffe du Tribunal de Première Instance de Douala-Bonanjo, où MTN CAMEROON SA est légalement constituée.
Deuxièmement, nous considérons que le litige commercial entre BESTINVER et son Banquier sud-africain est une affaire privée entre eux et nous ne voyons pas comment MTN CAMEROON peut être impliquée dans cette affaire. Nous avons obtenu les dossiers des tribunaux sud-africains relatifs à l'affaire BESTINVER et MTN n'est en aucune façon liée aux procédures judiciaires en Afrique du Sud.
Troisièmement, à supposer que PIC soit un actionnaire de MTN CAMEROON, ce qui n'est absolument pas le cas, en vertu du droit OHADA en vigueur au Cameroun, MTN CAMEROON est une entité distincte de ses actionnaires. Elle ne peut être tenue responsable de leurs obligations. Dans le pire des cas, ce sont les dividendes de l'actionnaire qui peuvent être saisis, et non les comptes de la société, au risque de porter atteinte aux droits et intérêts d'autres actionnaires non impliqués dans le litige. »
Déni de justice
Les dirigeants de MTN Cameroon révèlent que plus de 20 procédures ont été initiées devant le Tribunal de Première Instance de Douala-Bonanjo et la Cour d'Appel du Littoral pour contester les saisies des comptes bancaires de l'entreprise et en demander la levée. Mais, toutes ces procédures restent pendantes. Dans ce qui s'apparente à un déni de justice, aucune décision n'a été rendue sur le fond près de 10 mois plus tard, alors que la plupart des actions ont été initiées en procédure d'urgence.
Malgré tout, MTN garde confiance dans le système judiciaire. L'entreprise entend « utiliser tous les moyens légaux possibles pour faire échec aux manoeuvres de braquage actuellement en cours ». MTN estime en effet, avoir droit, « comme tous les justiciables, à une justice juste, équitable et impartiale ».
Interrogé sur les intentions du Groupe MTN dans le cas où l'entreprise n'était pas rétablie dans ses droits, le Vice-Président Ebenezer Asante rassure sur les engagements de l'Opérateur au Cameroun : « Le Cameroun est un pays important pour l'Ambition africaine de MTN. Nous avons toujours eu de bonnes relations avec le Cameroun.
Nous avons des investissements importants en cours d'exécution pour plus d'inclusion digitale et plus d'inclusion financière. Nous n'avons pas envisagé un départ du Cameroun et espérons que cette affaire qui a un impact considérable sur nos activités au Cameroun trouvera bientôt une issue ».
La point de presse des dirigeants de MTN Cameroon intervenait quelques 24 heures après le communiqué de presse rendu public par la Ministre des Affaires Etrangères d'Afrique du Sud, qui a exprimé les vives inquiétudes de son pays sur le traitement actuellement réservé au Cameroun aux entreprises à capitaux sudafricains, MTN Cameroon et CHOCOCAM
Les aveux de Danpullo
Au début de cette affaire qui vient un peu brouiller les relations entre le Cameroun et l'Afrique du Sud, l'homme d'affaires Baba Danpullo se plaint d'avoir été spolié par son Banquier sud-africain la First Rand Bank, de ses biens immobiliers en Afrique du Sud dont il estime la valeur à 200 milliards FCFA. Il cherche à récupérer cet argent auprès des entreprises à capitaux sud-africains basés au Cameroun, avec manifestement l'aide du système judiciaire local.
Mais, Danpullo a-t-il vraiment dit toute la vérité sur l'affaire de ses biens en Afrique du Sud ? Il semble que non. La déclaration sous serment que Danpullo avait faite en décembre 2020 devant la Haute Cour de Justice en Afrique du Sud est totalement en contradiction avec ses prétentions au Cameroun.
Cette déclaration sous serment à laquelle Le Messager a eu accès, permet de comprendre clairement que Baba Danpullo n'a pas dit la vérité à la justice camerounaise sur la valeur de ses immeubles en Afrique du Sud. Il en a exagéré la valeur auprès des autorités camerounaises, pour créer une disproportion choquante entre la valeur de sa dette et celle de ses biens saisis.
Un peu comme s'il avait voulu dramatiser la situation dans le but sans doute de crédibiliser la thèse de la spoliation ; et ainsi s'attirer les bonnes faveurs des autorités nationales et de l'opinion publique. Ce document signé de Danpullo lui-même, indique également que ses immeubles ne lui ont pas été arrachés, puisqu' il les avait librement hypothéqués, c'est-à-dire apportés en garanties des prêts importants que son Banquier sudafricain lui avait accordés.
L'homme reconnaît dans sa déclaration avoir manqué à de nombreuses obligations qui conditionnaient ces prêts, obligeant ainsi la banque à saisir certains des immeubles hypothéqués comme le prévoyaient les accords de prêts ; ceci après près de trois ans de discussions et de négociations qui n'ont pas abouti à une résolution amiable du différend commercial.
Si cette déclaration signée de Danpullo est authentique, elle constitue un terrible aveu ; et la preuve que l'homme d'affaires a volontairement induit le système judiciaire en erreur, au point d'entraîner le Cameroun dans une brouille avec un autre pays africain. Nous y reviendrons