Guinée: Poursuivre le procès

Le 10 juillet 2023, l'accusé Marcel Guilavogui a fait un nouveau témoignage dans le cadre du procès sur les crimes commis lors du massacre, des viols et autres abus dans un stade de Conakry en Guinée, le 28 septembre 2009. © 2023 Abdoulaye Bella Diallo

Depuis fin mai dernier, le procès du massacre du 28 septembre 2009, en Guinée, est perturbé par des revendications pécuniaires des avocats des différentes parties. Les conseils des accusés et des victimes sollicitent une aide financière de l'Etat, parce que la plupart de leurs clients sont sans le sou.

Les auditions devaient reprendre, hier lundi, mais c'est le calme plat à Conakry, à ce que l'on constate. Tenant coûte que coûte à obtenir gain de cause, les avocats refusent d'assister aux audiences, ce qui plombe la bonne marche du procès. Ils fondent leurs doléances sur l'article 12 d'une loi adoptée la veille de l'ouverture du procès. Cet article stipule que les avocats peuvent demander de l'aide juridictionnelle avant, pendant et après l'instance pour tout justiciable. L'attitude des hommes en toge noire ne plait pas au ministre de la Justice, Alphonse Charles Wright, qui ne s'attendait pas à tel blocage. Pour lui, les avocats ont librement discuté de leurs honoraires, en l'absence de l'Etat et cela n'engage qu'eux.

Dans le dossier, a indiqué le ministre de la Justice, un seul avocat a été commis d'office, lequel est régulièrement payé. M. Wright laisse entrevoir, à travers cette observation, que l'exécutif guinéen respecte ses engagements. S'il ne voit pas d'un bon oeil le combat des avocats, le Garde des Sceaux leur a tendu la main et une solution serait en passe d'être trouvée, selon des confidences faites au journal Jeune Afrique. Le gouvernement, qui table sur une mesure d'accompagnement et non une aide juridictionnelle, serait prêt à décaisser de l'argent pour les avocats. Qu'il en soit ainsi. Il faut à tout prix lever cet obstacle et permettre au procès de reprendre incessamment.

Alors que les sceptiques n'y croyaient plus, ce jugement est devenu une réalité, 13 ans après les faits, grâce à l'engagement de l'Etat guinéen et à la pression de la Cour pénale internationale (CPI). Ce n'est pas neuf mois après son démarrage, que le procès doit se gripper pour des histoires d'argent. Il ne faut pas en rajouter à la peine des proches des victimes du massacre, perpétré le 28 septembre 2009 à Conakry, lors d'une manifestation de l'opposition contre le régime du capitaine, Moussa Dadis Camara. Ceux-ci attendent, depuis longtemps, que la lumière soit faite sur cette ténébreuse affaire.

Le massacre avait fait 157 morts et 1500 blessés, selon des chiffres officiels. De même, 109 femmes avaient été victimes de violences sexuelles. Ces faits assez graves ne doivent pas rester impunis et c'est bien pour cette raison, qu'il faut saluer la tenue effective du procès. Une dizaine d'accusés, y compris l'ancien Président Moussa Dadis Camara, rentré d'exil en décembre 2021, doivent s'expliquer. Tout comme son aide de camp, Toumba Diakité, qui a voulu lui ôter la vie, l'ex-chef de l'Etat guinéen est passé à la barre, avec quelques interruptions dues à des problèmes de santé.

Dadis Camara a nié toute implication dans les tueries du 28 septembre 2009, criant au complot contre sa personne. A son avis, c'est Toumba Diakité qui est l'unique responsable de ce drame. Dans un de ses témoignages devant les juges, Dadis Camara a accusé son ex-aide de camp de l'avoir contraint à rester au bureau le jour-J, permettant à son assistant d'aller commettre le massacre à son insu. Chaque accusé y va de ses arguments, mais il faut que le procès reprenne, et au plus vite, pour permettre aux juges de situer à terme les responsabilités. -

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