Le départ de la MINUSMA soulève de profondes inquiétudes quant à la surveillance des droits humains et l'obligation de rendre des comptes pour les violations
Le Conseil de sécurité de l'ONU a voté aujourd'hui pour la dissolution de sa force de stabilisation au Mali, un coup dur pour l'avenir de la surveillance des droits humains et de la protection des civils dans une région déchirée par un conflit.
Le Conseil a déclaré que le retrait des quelque 15 000 membres du personnel civil et en uniforme de la Mission multidimensionnelle intégrée pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) débuterait en juillet pour s'achever le 31 décembre. Le gouvernement militaire de transition malien assumera la responsabilité de protéger les civils à l'issue du retrait de la MINUSMA. Cette annonce était attendue depuis le 16 juin, lorsque le Mali a révoqué son consentement à accueillir la Mission.
Le mandat de la MINUSMA consistait, parmi d'autres tâches, à documenter et à enquêter sur les allégations de graves violations des droits humains, ainsi qu'à protéger les civils contre le risque d'attaques. Il est difficile de savoir qui mènera à présent des enquêtes crédibles et indépendantes dans un pays où les groupes armés islamistes ainsi que les forces gouvernementales, les combattants étrangers alliés et les milices qui les combattent se livrent à des exactions.
« Il faut veiller à ce que le départ de la MINUSMA ne crée aucune faille en matière de protection des civils, et en matière de monitoring et documentation des violations des droits humains », a souligné Alioune Tine, l'expert indépendant de l'ONU sur le Mali.
La junte militaire malienne s'est opposée à tout contrôle extérieur de ses opérations de contre-insurrection, rejetant les allégations d'abus. Elle considère que ces violations présumées - qui comprennent des exécutions sommaires, des violences sexuelles et des pillages commis par ses forces de sécurité et ses combattants affiliés - font partie d'une « campagne de désinformation » destinée à la discréditer.
Début 2022, les autorités maliennes ont recouru à des zones d'exclusion aérienne pour entraver une enquête de la MINUSMA sur le massacre présumé de plus de 500 personnes par les forces de sécurité de l'État et des combattants étrangers alliés dans la ville de Moura. La junte a fustigé les critiques exprimées par l'ONU au sujet de son bilan en matière de droits humains, et a expulsé deux hauts responsables de la Mission : son porte-parole, Olivier Salgado, et son responsable des droits humains, Guillaume Ngefa.
La documentation sur les violations des droits ne doit pas prendre fin avec le démantèlement de la MINUSMA. Les observateurs indépendants, comme la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples (CADPH) et la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), devraient faire pression sur les autorités maliennes pour qu'elles les laissent coopérer avec la Commission nationale des droits de l'homme du Mali, afin de jeter les bases de futures poursuites judiciaires.
Coordinatrice senior, division Afrique