Mali: La fin de la mission de l'ONU ouvre un vide sécuritaire pour le pays et le Sahel

Gardiens de la paix de la MINUSMA au Mali.

Créée en 2013 pour aider à stabiliser un Etat menacé d'effondrement sous la poussée djihadiste et protéger les civils, la mission a cessé officiellement ses activités pour se concentrer dorénavant sur son retrait, « avec l'objectif de terminer ce processus d'ici le 31 décembre 2023 ». La décision de mettre un terme à celle-ci, annoncée le 30 juin par le Conseil de sécurité, ne surprend guère puisque Bamako faisait pression pour obtenir son départ « sans délai », feignant d'ignorer les conséquences sécuritaires qui en résulteront.

La résolution adoptée à l'unanimité par les quinze membres du Conseil de sécurité, qui a lancé un retrait sur six mois de la Mission des Nations unies au Mali (Minusma), va plonger dans l'inconnu un pays toujours aux prises des attaques djihadistes. Malgré cela, cette mission, forte de 13 000 hommes, aura jusqu'à fin septembre prochain la possibilité de protéger les civils « aux alentours immédiats », une dizaine de bases réparties sur le territoire.

Le Conseil de sécurité n'a pas eu d'autre choix que de sonner le glas de la Minusma, réclamé à cor et à cri par la junte malienne. Pourtant, à en croire la dernière évaluation du secrétaire général de l'Organisation des Nations unies (ONU), Antonio Guterres, et de plusieurs membres de l'organe, tous recommandaient le maintien de la force à effectifs constants, en la recentrant sur des priorités limitées. Quelques pays de la région « particulièrement préoccupés par l'expansion des groupes extrémistes » et « le risque de propagation de l'instabilité » ont tout aussi plaidé pour un renforcement de son mandat. Fort malheureusement, le 16 juin, dans un discours devant le Conseil de sécurité qui avait fait l'effet d'une bombe, le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, dénonçant l' « échec » de la mission de l'ONU, avait exigé son retrait.

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Pour le moment, la situation n'est pas totalement désespérée mais le jour où le départ de la Minusma sera effectif, les choses pourront se compliquer davantage, jugent des analystes. Ils soutiennent cette idée parce que les forces armées maliennes n'auront pour partenaire que les mercenaires russes du groupe Wagner, qui sont toujours présentés par la junte comme des « instructeurs ».

Djallil Lounnas de l'université marocaine d'Al Akhawayn et d'autres analystes estiment que la perspective est sombre. « Le vide sécuritaire existe déjà. Mais c'est le coup final (...). On est face à une désagrégation de l'Etat malien », affirme Djallil Lounnas, ajoutant : « Mais les Casques bleus couvraient une partie du territoire » qui excède 1,24 million de kilomètres carrés dont une majorité d'espaces semi-désertiques, délaissés depuis des années par l'Etat central.

Les extrémistes saisiront l'opportunité pour accroître les violences

Si les autorités maliennes assurent que le départ de la Minusma ne leur fait pas peur et qu'elles ont de quoi défendre le territoire national, des observateurs préviennent qu'il ouvre un vide sécuritaire béant pour le pays et le Sahel tout entier, en même temps qu'il soulève des craintes pour la population malienne. Cela dit parce que même si cette force ne représentait pas un acteur militaire majeur face aux groupes djihadistes en ce sens que son mandat était dépourvu de fonctions offensives, elle contribuait néanmoins à la sécurité des grandes villes du Nord du pays.

« Il est probable que les extrémistes saisissent l'opportunité du retrait de la mission de l'ONU pour accroître leurs violences », a commenté Julie Grégory, du groupe de réflexion américain Stimson Center. « Les responsables de l'ONU craignent que quand les soldats de la paix quitteront leurs bases, Wagner prenne simplement le contrôle des installations », estime Richard Gowan, de l'International Crisis Group.

Un élu de Tombouctou pense que les paramilitaires russes auront des difficultés à ramener la paix partout. « L'armée malienne ne mène quasiment pas d'opérations militaires sur le terrain et se contente souvent de frappes aériennes coordonnées par Wagner. Cette stratégie a ses limites », affirme-t-il. Michael Shurkin, spécialiste américain du Sahel, note que « l'armée malienne est meilleure qu'avant mais elle est trop petite et trop faible pour être à plus d'un endroit en même temps ».

La junte malienne compte sur le soutien des mercenaires russes parce qu'après la rébellion avortée du chef de Wagner, Evguéni Prigojine, le 24 juin, Moscou a assuré que la société privée des paramilitaires continuerait d'opérer au Mali, où elle est régulièrement accusée de violations des droits humains.

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