Gabon: Un rapport dénonce le bilan «peu glorieux» d'Ali Bongo

Présentation de voeux à la nation du Président Ali Bongo Ondimba (31/12/2021)

Pendant dix mois, une équipe de chercheurs, économistes et bénévoles ont enquêté sur les différentes réalisations du pouvoir gabonais durant le dernier septennat (2016-2023). Sur 105 promesses, l'enquête inédite estime que seules 13 ont été tenues, 59 sont non réalisées, les autres ne l'ont été que partiellement. Les auteurs disent vouloir aider les citoyens à faire un choix éclairé lors de la présidentielle du 26 août.

« C'est un bilan peu glorieux », estime Mays Mouissi, un des auteurs du rapport. L'économiste explique que sur les 105 promesses contenues dans « Mon engagement pour un Gabon émergent », le programme du président Ali Bongo à la présidentielle de 2016, seules 13 ont été tenues. Soit un taux de réussite de seulement 12%. « Les résultats ne sont pas à la hauteur. Il y a eu trop d'occasions manquées », estime le chercheur gabonais.

Le rapport a classé les 105 promesses en trois catégories, trois priorités : la paix (34 promesses), l'emploi pour tous (46 promesses) et de meilleures conditions de vie (25 promesses). Les résultats eux sont répartis selon cinq niveaux, avec donc 59% des promesses non réalisées, 20% très partiellement, 11% partiellement, 12% réalisées et 1% non évalué.

L'enquête avait pour but de faire un « bilan factuel, précis et documenté » du programme électoral. Pendant dix mois, une trentaine de personnes ont vérifié le niveau de réalisation de chacune des 105 promesses. L'équipe a collecté des textes de lois, documents financiers, rapports, communiqués institutionnels. Les membres se sont rendus sur le terrain, ont estimé l'évolution des projets, mené des entretiens avec l'administration, des élus, des bailleurs de fonds, des personnes impliquées, etc.

Le rapport note quelques succès, notamment lorsque les promesses reposent sur l'adoption de textes, quelques réalisations aussi dans le secteur portuaire ou la construction d'écoles primaires et secondaires. Mais finalement, au regard des chiffres, le bilan « est un échec » selon le document qui parle d'une « incapacité à mettre en place le programme présidentiel ».

Un programme détaché de la réalité

Pourquoi un tel échec ? Mays Mouissi parle d'abord d'un programme « détaché de la réalité ». Le candidat Ali Bongo en 2016 avait par exemple promis de construire 700 crèches. Un chiffre « disproportionné par rapport au pays », estime l'économiste, qui dénonce aussi des « promesses exagérées, sans liens les unes avec les autres, avec une incohérence globale », dit-il. Ensuite, le chercheur pointe l'instabilité gouvernementale avec une valse des remaniements et des ministres restant parfois en poste quelques mois seulement. Trop peu pour espérer mettre en place des projets.

Mais alors quid du Covid-19 ? De la guerre en Ukraine ? Éléments qui ont pu perturber le septennat. « Tous les pays ont été perturbés par ces événements. D'ailleurs, nous en avons tenu compte, mais un président est d'abord élu sur un programme », déclare Mays Mouissi.

Au titre des promesses tenues, on peut citer la réhabilitation de l'hôpital de Melen, la construction de neuf collèges et huit écoles primaires, d'un port commercial et d'un port minéralier, la protection de 23% des eaux territoriales, le renforcement du droit des femmes, ou encore la naissance d'une commission pour la régulation des ressources naturelles.

Par contre, c'est l'échec sur un grand nombre de mesures. L'engagement de 25 000 jeunes au sein d'un service civique jamais créé, la construction de 700 crèches, de cinq barrages hydroélectriques, un accès à l'eau courante pour 100 000 personnes supplémentaires, etc.

Et, entre les deux, des dizaines de promesses partiellement ou très partiellement réalisées. Par exemple, sur les 27 centres de santé promis, seulement huit sont sortis de terre. Environ 1 300 jeunes se sont vus proposer des contrats d'apprentissage au lieu des 3 000 annoncés. Enfin, dans le soutien à la culture, il y a bien eu un décret instaurant la Direction générale des arts et industries culturelles. Mais elle n'a pas obtenu de moyens et la création d'un prix annuel de la meilleure création culturelle n'a jamais vu le jour.

Rapport à charge

Ce rapport est en tout cas largement critiqué par le parti présidentiel PDG. Son porte-parole, Frédéric Massavala Maboumba, dénonce son manque d'objectivité: « Je suis étonné par cette enquête. Quand on parle de bilan, on fait le point de l'actif et du passif. Là, ce n'est pas un bilan. C'est une litanie de projets soi-disant non réalisés. Je suis surpris de voir que des intellectuels ne font pas l'effort d'être objectifs. Ce sont des contempteurs, des accusateurs, des procureurs. Ils oublient volontairement ce qui a été fait, tout en exagérant ce qui ne l'a pas été ». Le responsable du mouvement liste à son tour des projets qui eux ont été réalisés, mais dont le rapport ne parle pas ou pas assez.

Pour les routes et ponts, Frédéric Massavala Maboumba cite les voies désormais entièrement goudronnées entre Libreville, Ntoum, Kango, Bifoun, Lambaréné, Fougamou, Mouila, Ndendé et Lébamba. Il ajoute aussi les axes de Bifoum, jusqu'à Oyem et Bitam. Quant aux ponts, le Gabon a construit, sur la liaison Port Gentil-Omboué, l'un des plus longs ponts d'Afrique, en deux séquences, soit une dizaine de kilomètres au-dessus de la mangrove. « C'est phénoménal, c'est extraordinaire », indique le porte-parole. Dans tous les secteurs, ce dernier cite des actions du chef de l'État couronnées de sujet, comme la construction de trois centres de formation à Nkok, Port Gentil et Franceville.

La hausse des salles de classe. Les huit centres médicaux devenus hôpitaux départementaux grâce à la qualité de leurs plateaux techniques, de Fougamou, à Lékoni en passant par Okondja et Médouneu. « Tout cela montre un président actif, soucieux du bien-être des Gabonais. Mais le rapport lance des accusations erronées, à charge », selon Frédéric Massavala Maboumba. Ce dernier reconnaît que l'enquête a bien nommé divers facteurs comme la guerre en Ukraine, le Covid-19, l'AVC d'Ali Bongo en 2018, sans que ces derniers soient pris en compte. « Forcément, ces événements ont des répercussions. Beaucoup de projets ont démarré et ont été ralentis. Ces retards sont appelés à être comblés », indique le porte-parole du PDG.

Dans tous les cas, Mays Moussi souhaite qu'avec ce rapport, les Gabonais se prononcent en connaissance de cause aux prochaines élections, que les politiciens ne répètent pas les mêmes erreurs, que les responsables assument leur bilan. L'économiste et son équipe vont continuer leur travail et prévoient notamment une analyse comparative des programmes des candidats. Frédéric Massavala Maboumba lui n'est pas inquiet pour d'éventuelles répercussions dans les urnes. Ali Bongo sera candidat à sa propre succession et son entourage « montrera ce qui a été fait » !

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