Mozambique: Les habitants sont de retour à Cabo Delgado

En Mozambique, le mouvement des shebabs, « les jeunes » en arabe, est né il y a environ quelques années, dans la province du Cabo Delgado, tout au nord du pays, à la frontière avec la Tanzanie. Ce mouvement, qui revendique une application stricte du Coran, est estimé à plusieurs centaines de sympathisants.

Le conflit à Cabo Delgado, dans le nord du Mozambique, dure depuis cinq ans et touche lourdement la vie de milliers de personnes. Pour les habitants, les difficultés pour accéder aux services de base comme la santé, l'eau, la nourriture et le logement relèvent d'un combat de tout instant.

Les habitants de Palma et de Mocímboa da Praia sont de retour dans ces deux petites villes portuaires du nord du Mozambique, reprises aux insurgés islamistes, par les forces militaires mozambicaines avec le soutien de l'armée rwandaise et de la communauté régionale, la SADC.

Dans le nord du Mozambique, les traces de guerre sont partout : des murs troués de balles, des maisons, magasins ou encore des véhicules incendiés. Les bâtiments administratifs, les stations-services, les écoles et les banques ont été complétement détruits. Les villes de Mocímboa da Praia et de Palma sont devenues des villes fantômes.

Il est temps de reconstruire, nous raconte João Buchili, administrateur de la ville de Palma. « On est heureux quand on rentre à la maison. Étant donné que la question sécuritaire s'est améliorée, les personnes sont de retour et veulent reprendre leurs vies en main. Elles veulent reprendre leurs activités agricoles. Les personnes coupent du bois pour reconstruire leurs maisons telles qu'elles étaient avant ».

Mocímboa da Praia a été prise le 12 août 2020. Une occupation qui a duré 11 mois et 27 jours, poussant des centaines de milliers de personnes à s'enfuir. Les habitants de la région poussés vers l'exode, vivent encore avec le traumatisme et la peur de nouvelles attaques. Julio Rafael, a 27 ans, il reprend maintenant le lycée pour essayer de décrocher son BAC.

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« Pour habiter ici, il faut avoir du courage »

« On est de retour, mais on pense toujours aux terroristes avec leurs armes qui tuent des personnes, qui brûlent les maisons. Les agents qui ont été assassinés c'étaient des gens comme nous. Alors, quand on y repense, on revoit les images qui défilent dans nos têtes », nous raconte ce jeune qui est de retour à son village.

Des habitants qui vivent dans la peur et pour lesquels il est difficile de penser à l'avenir. Il faut être en mode survie et faire preuve de courage : « On s'est habitué à vivre ici, mais pour habiter ici il faut avoir du courage parce qu'on ne fait confiance à personne. Les terroristes sont arrivés sans prévenir. Alors, on ne sait pas à quoi s'attendre aujourd'hui, on se pose toujours des questions ».

Ils se sont enfuis avec pour seul bien les vêtements qu'ils portaient sur les corps, en direction de la capitale régionale Pemba, d'autres sont partis à Mueda. C'est le cas de Jordão Sabime, 25 ans, qui a pris la fuite avec sa famille, sa belle-mère, son épouse enceinte et ses trois enfants. Ils ont marché trois jours durant pour arriver à la ville de Mueda, à 150 kilomètres, où ils se sont réfugiés.

« On a marché pendant trois jours dans la forêt jusqu'à Mueda où on est resté six mois. On est parti avec la famille, ma femme était enceinte, et elle a accouché pendant notre fuite. On a pris le bébé et on a continué à marcher dans la forêt », nous raconte Jordão Sabime.

Des histoires qui reflètent la violence du conflit en cours

Des parents qui ont été témoins de la mort de leurs enfants, des personnes qui ont vu mourir un membre de leur famille. Aujourd'hui, Sérgio Cipriano, administrateur de Mocímboa da Praia, assure que la situation est en voie de normalisation et la région sécurisée : « Les gens témoignent de notre union, que l'on ne tolèrera des personnes avec de mauvais comportements. Les populations dénoncent ce qui ne va pas. Leur retour est volontaire et les gens arrivent en grand nombre ».

Depuis cinq ans, les combats violents opposent les forces gouvernementales à des groupes armés affiliés à la mouvance islamiste. Ces derniers mois, les insurgés vivent retranchés dans des forêts, dans des zones difficiles d'accès, Nangade, Macomia et Meluco, notamment où ils forment des milices pour mener des actions violentes.

Malgré le retour des populations, des centaines de milliers de personnes sont toujours déplacées dans le nord du Mozambique après avoir fui les combats depuis 2017. Dans cet exode, nombre de personnes ont subi des attaques d'hommes armés. Des enfants ont été enlevés, surtout des filles. On dénonce des violences sexuelles, des mariages forcés ainsi que le recrutement contraint de jeunes garçons dans ces groupes armés.

Les familles séparées se comptent par centaines et essaient malgré tout de se reconstruire dans le ferme espoir que cette page du terrorisme dans le nord du Mozambique soit, désormais, définitivement tournée.

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