L'un des accusés est revenu sur son témoignage
Le procès historique de l'ancien président guinéen et de dix autres personnes, dont plusieurs anciens ministres, accusés pour leur responsabilité dans le massacre et les viols perpétrés dans un stade de Conakry, a repris lundi 10 juillet 2023 après avoir été suspendu pendant un mois et demi.
Le 28 septembre 2009, lors de l'un des épisodes les plus brutaux de l'histoire du pays, les forces de sécurité guinéennes ont ouvert le feu sur des manifestants qui participaient à un rassemblement politique pacifique dans un stade de la capitale, Conakry. Plus de 150 personnes ont été tuées et plus de 100 femmes ont été violées. Les forces de sécurité ont ensuite cherché à dissimuler les faits en déplaçant les corps vers des fosses communes.
Avant la suspension du procès - qui faisait suite à un boycott des avocats de la défense, auxquels les avocats des victimes ont exprimé leur solidarité, et à une grève nationale des gardiens de prison - les juges avaient entendu les onze accusés et étaient passés à la deuxième phase du procès, au cours de laquelle des dizaines de victimes ont témoigné.
Le procès est retransmis en direct à la télévision guinéenne et a captivé la nation dans son ensemble.
La reprise du procès est un soulagement pour les victimes et leurs familles, qui attendent depuis longtemps que la justice soit rendue pour ce massacre.
Lundi, la procédure a pris une tournure inattendue quand l'audition des victimes par les juges a été interrompue pour donner la parole à l'un des accusés, l'ancien membre de la garde présidentielle, le capitaine Marcel Guilavogui, qui a demandé à être entendu une seconde fois. Ceci a conduit l'un des avocats de Guilavogui à mettre immédiatement fin à sa représentation, juste avant que Guilavogui ne revienne sur son ancien témoignage. Dans ses nouvelles déclarations, Marcel Guilavogui a affirmé que l'ancien président, Moussa Dadis Camara, et d'autres personnes, avaient planifié et commis les crimes de 2009. Les avocats de l'ancien président continuent de nier sa responsabilité pour les crimes commis dans le cadre du massacre. Marcel Guilavogui avait précédemment indiqué qu'il n'avait personnellement pas connaissance de ce qui s'était passé pendant le massacre.
L'un des avocats des victimes a déclaré à Human Rights Watch que la déclaration de Guilavogui apportait de nouvelles informations permettant de procéder à des examens complémentaires qui pourraient contribuer à révéler la vérité.
La reprise du procès semble avoir été rendue possible par le fait que le ministère guinéen de la Justice a accepté de débloquer une aide financière pour les avocats, qui disent ne pas disposer de ressources suffisantes. Le barreau guinéen a contribué à faciliter les négociations sur cette question, et les avocats ont donné au ministère de la Justice jusqu'à la fin du mois de juillet pour leur fournir l'aide demandée.
Étant donné que la question de l'aide aux avocats de la défense n'est pas entièrement résolue, et dans un contexte de problèmes budgétaires plus importants, la question de la poursuite du procès constitue une préoccupation majeure qui devrait être considérée comme prioritaire. Les autorités guinéennes et les donateurs internationaux du pays devraient travailler de concert pour s'assurer que ce procès historique dispose de ressources suffisantes pour se dérouler de manière équitable et efficace, et permettre que justice soit rendue aux victimes.
Tamara Aburamadan, Conseillère juridique, programme Justice internationale
Elise Keppler, Directrice adjointe, programme Justice internationale