De la refonte de la loi sur les investissements au pacte public-privé pour l'industrialisation, en passant par les appuis apportés aux secteurs d'avenir et les entreprises innovantes, plusieurs signes encourageants sont perceptibles et devraient booster les investissements. Et l'unanimité est acquise sur le fait que le pays a sérieusement besoin de revigorer son écosystème des investissements.
D'après l'Economic Development Board of Madagascar (EDBM) qui, en passant, vient de décrocher le prix « Trade & Promotion agency of the Year » décerné par l'African Leadership Magazine, la nouvelle loi sur les investissements est l'aboutissement d'un long processus de réforme mené avec le ministère en charge de l'Industrialisation, du Commerce et de la Consommation (MICC). Une initiative placée au coeur de la politique de promotion des investissements par l'amélioration du climat des affaires. «Nous avons franchi une étape majeure dans le processus d'amélioration du cadre juridique sur les investissements à Madagascar», a commenté l'EDBM avant de rappeler que les préparatifs liés à cette réforme ont démarré en 2019. Une manière de souligner que ce n'est jamais aisé de mener jusqu'au bout un projet de cette envergure.
En tout cas, cette refonte de la loi sur les investissements est perçue comme un moyen de donner un nouveau souffle à l'environnement des affaires et de permettre l'arrimage aux principes et standards internationaux du cadre d'action visant à attirer les capitaux, qu'ils soient nationaux ou étrangers. Pour le gouvernement, «la nécessité de maintenir les avancées de la loi de 2007 tout en y apportant des améliorations, d'ériger les investissements privés directs nationaux (IDN) et les investissements directs étrangers (IDE) comme un des piliers de l'émergence économique de Madagascar», était devenue urgente, tout comme celle d'instaurer un traitement égalitaire entre tous les investisseurs, de renforcer le cadre de la prévention de litiges entre les entreprises et l'administration, et de privilégier la transparence institutionnelle et procédurale.
Désormais, selon les responsables, l'écosystème des investissements dans le pays accorde la priorité à l'équité, la transparence, la responsabilité sociale et environnementale, et la création d'un environnement favorable au financement des secteurs économiques les plus prometteurs. A noter que le nouveau texte comprend notamment la consécration formelle des grands principes en matière de droit des investissements, tels que le traitement juste et équitable et l'égalité de traitement, la promotion de la responsabilité sociétale de l'entreprise et l'unification des dispositions régissant les modes de règlement des litiges pour les investisseurs nationaux et étrangers.
Booster les investissements industriels
Il est intéressant de remarquer que le pays est de plus en plus enclin pour accroitre les investissements au profit de son secteur industriel. Pour le ministre de l'Industrialisation, du Commerce et de la Consommation, Edgard Razafindravahy, la mise à jour de la loi sur le développement industriel, l'adoption du projet de loi sur les investissements, la mise en place prochaine du Fonds National pour le Développement Industriel et l'élaboration du Pacte pour l'industrialisation sont autant d'initiatives qui vont apporter un nouveau dynamisme au tissu productif malgache qui ambitionne de fabriquer localement les produits de consommation courante dont les populations ont besoin.
De son côté, le Syndicat des Industries de Madagascar (SIM), actuellement présidé par Tiana Rasamimanana, rappelle que le taux de contribution de l'industrie malgache au Produit Intérieur Brut (PIB) est d'environ 15%. Et cette organisation d'ajouter que le pays a « toutes les composantes et matières premières permettant de développer considérablement le secteur de transformation locale ». D'où son assurance que le secteur manufacturier représentera 30% du poids économique du pays avant la fin de la prochaine décennie.
Pour y arriver, les industriels estiment qu'il faudrait opérer «un changement de mentalité et une mise en place de stratégies efficaces». Et le SIM de poursuivre que tous les points discutés et décisions prises lors des séances de travail avec l'État doivent être «pris en compte et concrétisés». Rappelons que les Journées de programmation industrielle organisées récemment ont permis d'avancer significativement dans le cadre du programme de renforcement de la collaboration entre le secteur public et les entreprises, et de la définition des orientations majeures du secteur industriel à Madagascar.
Le MICC a tenu, pour sa part, à souligner qu'un commun accord est nécessaire pour disposer d'une feuille de route industrielle viable et d'identifier ensemble les moyens permettant de développer les secteurs prioritaires, la stratégie permettant de lever les freins à l'industrialisation, et les mesures d'incitation permettant de stimuler le secteur industriel. Et ce département ministériel de noter aussi que «le grand enjeu pour Madagascar, actuellement, est d'étendre significativement le tissu industriel par la promotion des petites et moyennes structures industrielles à travers les régions et districts». Manière d'assurer que la stratégie de développement industriel privilégie l'inclusivité.
Quant aux partenaires techniques et financiers, le fait que les responsables publics et les acteurs du secteur privé sont parvenus à tracer une trajectoire commune, constitue un point essentiel permettant d'accélérer les réformes nécessaires pour «satisfaire les besoins de la population». Pour la Banque Africaine de Développement (BAD), le secteur industriel est un moteur d'un développement soutenable et durable, essentiel pour le renforcement de la résilience de Madagascar et pour réduire significativement la pauvreté via la création d'emplois décents et la promotion de l'investissement.
L'ONUDI ou Organisation des Nations-Unies pour le Développement Industriel partage ce point de vue. Cette dernière, par ailleurs, n'a cessé ces dernières années de souligner que le secteur industriel est caractérisé par le manque d'investissement et sa faible diversification : elle est principalement basée sur l'industrie alimentaire, l'industrie des boissons, l'énergie et les zones et entreprises franches.
Investir dans les régions
La tenue, au mois d'avril, à Toamasina, du Business Forum Régionaux, mettant en avant les potentialités économiques et d'affaires de l'Atsinanana, de l'Alaotra-Mangoro et de l'Analanjirofo, a démontré une fois de plus la nécessité de mieux capter les investisseurs pour booster l'économie régionale.
Développement des Zones d'Émergence Industrielles, accompagnement du secteur privé local, promotion des filières porteuses comme l'économie bleue et l'énergie renouvelable, amélioration de l'offre touristique ou encore modernisation des infrastructures, de nombreuses thématiques ont été au menu de cet événement initié par l'EDBM avec divers partenaires. Les échanges, à cette occasion, ont permis notamment d'identifier les actions permettant de mobiliser plus de ressources afin que les différentes régions du pays puissent émerger économiquement. L'occasion a aussi été marquée par le souhait des dirigeants régionaux et des opérateurs économiques locaux de pouvoir miser sur des infrastructures modernes afin d'accélérer le développement régional.
L'EDBM qui a aussi mis à profit l'événement pour soutenir que les investissements pour les régions doivent en priorité améliorer la compétitivité de la chaîne de valeur agricole et agro-industrielle. «Il est important d'intensifier les investissements dans la connectivité rurale, d'étendre les superficies agricoles et de renforcer la sécurité foncière», a-t-il souligné en se référant au constat de la Banque mondiale.
L'institution qui recommande également la libération des ressources pour les investissements dans les infrastructures régionales. Elle estime en outre que les mesures comme la levée de l'interdiction d'exportation des variétés de riz haut de gamme, ainsi que de la vanille conditionnée sous vide, des récoltes précoces de litchis, de l'ylang-ylang ou du bétail pourraient permettre d'augmenter les revenus des producteurs et encourager les investissements.
A noter que les discussions sur les moyens d'accroitre les investissements dans les régions se tiennent dans un contexte où le pays se prépare à matérialiser le Plan national de décentralisation émergente (PNDE). Pour le ministère de l'Intérieur et de la Décentralisation, la décentralisation économique n'est pas un choix mais une obligation, que le pays ambitionne de rendre effective en 2030 pour asseoir un développement économique inclusif et équilibré.
Du côté du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), on indique qu'une stratégie d'identification des actions à mettre en oeuvre dans le cadre du PNDE a été lancée avec succès. Les informations collectées ont été confrontées aux réalités territoriales. La démarche vise, a-t-on soutenu, à mieux intégrer les réformes de la décentralisation engagées. Mais c'est aussi l'occasion de mieux cerner les forces et faiblesses des différentes régions dans la perspective d'accompagner efficacement le développement des économies locales.
Capter les capitaux
Cinq secteurs mis en avant
Dans le cadre des efforts pour améliorer le climat des affaires et doper les investissements, les autorités ont retenu cinq secteurs économiques prioritaires. Il s'agit de l'agrobusiness, du textile, de la transformation minière, de l'exploitation des huiles essentielles et des énergies renouvelables. Pour Christian Rasoamanana, conseiller auprès du ministère de l'Industrialisation, du Commerce et de la Décentralisation (MICC), l'agrobusiness est essentiel car «nous importons encore trop y compris les produits de première nécessité».
Quant au textile, la filière génère des recettes d'exportation de 500 millions de dollars mais on peut faire quatre ou cinq fois plus, le pays étant confronté à des contraintes de l'offre mais non pas de la demande. Pour les huiles essentielles, le chiffre d'affaires des opérateurs tourne actuellement autour de 100 millions de dollars, mais la marge de croissance est encore très large.
Et ce ne sont là que quelques exemples des filières qui offrent de bonnes opportunités d'investissement. Rappel est aussi fait que la concurrence ne cesse de s'intensifier entre les pays pour attirer les investissements directs étrangers (IDE). Certes, la Grande île possède des atouts certains pour capter l'intérêt des détenteurs de capitaux, mais elle doit aussi montrer à une large échelle que ses régions constituent des destinations des investissements plus attrayantes que celles des autres pays. Selon les chiffres disponibles, la région Afrique de l'Est et océan Indien compte pour 19,9 % des flux d'IDE dirigés vers l'Afrique. Et en 2019, pour la première fois depuis 2013, les flux d'IDE entrant dans cette zone géographique ont diminué de 10,8 % pour s'établir à 9 milliards USD.
Cette baisse s'explique en grande partie par celles observées en Ethiopie (-24 %), au Kenya (-18,1 %) et à Madagascar (-35,5 %). C'est dire que le challenge est de taille pour remonter la pente. D'après la publication des services économiques de la région Afrique de l'Est et océan Indien du ministère français des Affaires étrangères, le principal détenteur d'IDE à Madagascar est la France, devant Maurice, la Corée du Sud et la Chine. Le stock est estimé à environ 3 milliards USD.
Il est cependant utile de préciser que ce montant peut être sous-estimé dans la mesure où certaines données ne sont pas encore connues. On sait, en revanche, que les principaux investissements des dernières années se concentrent sur le secteur minier. Le rapport note aussi que le gouvernement malgache promeut son attractivité par rapport aux investisseurs étrangers dans le cadre du projet de Plan Émergence de Madagascar (PEM), donnant la priorité à la réforme visant l'harmonisation du cadre juridique des investissements et aux secteurs cités plus haut.
VERBATIM
Raphaël Jakoba, juriste international et fondateur du cabinet MCI
«Madagascar est obligé d'attirer plus de grands investisseurs pour soutenir sa croissance. Le pays a besoin de près de 1,5 milliard de dollars d'investissement annuel pour que les effets de la croissance puissent être ressentis par la population. L'épargne intérieure brute de la Grande île est, pour le moment, loin de pouvoir combler cet énorme besoin. C'est pourquoi les autorités malgaches se doivent de favoriser l'attractivité du pays pour inciter les investisseurs directs étrangers à accompagner son développement ».
Volatiana Rakotondrazafy,
Représentante de l'ONUDI à Madagascar
«L'Organisation des Nations-Unies pour le Développement Industriel est présente à Madagascar depuis trente cinq ans et continue à se positionner comme un acteur multilatéral de premier plan pour la promotion des investissements au profit de l'industrie verte, résiliente, inclusive et durable grâce à un partenariat renouvelé entre les pays industrialisés et les pays en voie de développement ».