Alors qu'un groupe de militaires a annoncé ce 30 août 2023 l'annulation des résultats de l'élection présidentielle au Gabon et la dissolution des institutions, le coup de force en cours à Libreville est le dernier en date d'une série de coups d'États qui ont secoué le continent africain ces derniers mois.
- Le coup d'État de 2020, puis de 2021 au Mali
Le 18 août 2020, le président Ibrahim Boubacar Keïta est renversé par une junte militaire menée par le colonel Assimi Goïta. Dans la foulée, le Conseil national de salut du peuple (CNSP) est formé et la junte promet des élections dans les trois ans. L'ancien ministre de la Défense Bah N'Daw est nommé président de transition et Assimi Goïta vice-président.
Le 24 mai 2021, un coup d'État dans le coup d'État a lieu. L'armée malienne arrête et détient le président de transition Bah N'Daw, son Premier ministre Moctar Ouane et le ministre de la Défense Souleymane Doucouré. Le 26 mai, Bah N'Daw et Moctar Ouane démissionnent, Assimi Goïta devient président de la Transition.
Lors des « Assisses nationales pour la refondation », en décembre 2021, Assimi Goïta annonce vouloir prolonger la transition de six mois à cinq ans. Après d'âpres négociations avec la Cédéao, qui impose de lourdes sanctions économiques au pays, les autorités maliennes de transition programment finalement une élection présidentielle devant marquer le retour à l'ordre constitutionnel pour février 2024.
Par ailleurs, le 31 janvier 2022, la junte au pouvoir demande à l'ambassadeur de France à Bamako de quitter le Mali. Le 18 février, les autorités demandent à la France de retirer les forces Barkhane et Takuba (force mêlant plusieurs pays européens) du Mali. En juin 2023, Bamako demande le départ de la Minusma, la mission onusienne dans le pays, dont le personnel quittera le pays d'ici la fin de l'année.
Depuis décembre 2021, plus d'un millier de supplétifs russes du groupe russe Wagner accompagnent les forces maliennes sur le terrain. De nombreux témoignages font état d'exactions contre la population civile. Bamako dément toujours la présence du Groupe Wagner au Mali, ne reconnaissant que le recours à des « instructeurs russes » dans le cadre d'une « coopération d'État à État », en dépit des multiples confirmations émanant des autorités russes elles-mêmes.
- Le coup d'État de 2021 en Guinée
Au matin du 5 septembre 2021, des tirs à l'arme lourde sont entendus dans la capitale Conakry. Une unité des forces spéciale de l'armée guinéenne, le Groupement des forces spéciales, s'introduit dans le palais présidentiel à Conakry, capturent le président Alpha Condé et le démettent de ses fonctions. Le président guinéen, en poste depuis 2010, venait de se faire réélire en 2020 pour un troisième mandat après avoir fait modifier la Constitution pour pouvoir se présenter. Il est alors détenu en résidence surveillée et bien traité, mais refuse de démissionner.
Le 1er octobre 2021, le chef de la junte, le colonel Mamadi Doumbouya, est investi président de la Transition. En mai 2022, une première transition de trois ans et trois jours est annoncée, ramenée ensuite à trois ans et écourtée à deux ans à partir de janvier 2023.
La charte de transition affirme par ailleurs que Mamadi Doumbouya et les autres membres de la junte sont inéligibles pour les futures élections. Le colonel Doumbouya a assuré qu'il « ne passera pas un jour de plus à l'issue des vingt-quatre mois de la transition. Il a donné sa parole au peuple de Guinée », selon des propos rapportés le 9 février 2023 par le porte-parole du gouvernement, Ousmane Gaoual Diallo, après un conseil des ministres.
- Les coups d'État de 2022 au Burkina Faso
En 2022, le Burkina Faso subit deux coups d'États en moins d'un an. Le premier commence par une mutinerie de soldats dans la nuit du 23 au 24 janvier 2022, à Ouagadougou et dans plusieurs villes du pays. Le président Roch Marc Christian Kaboré, qui avait été élu démocratiquement pour un deuxième mandat en novembre 2020, est renversé par les militaires qui reprochent au gouvernement son incapacité à lutter contre la menace jihadiste.
Le 31 janvier, le leader des putschistes, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, est nommé président de la Transition du pays pour trois ans. Sa prise de pouvoir sera de courte durée.
Le 30 septembre, des échanges de tirs nourris sont entendus dans le quartier Ouaga 2000 de la capitale. Des éléments de l'armée, menés par le Capitaine Ibrahim Traoré et mécontents de l'incapacité du nouveau gouvernement de transition à mettre hors d'état de nuire les insurgés jihadistes, démettent de ses fonctions de président de la transition, le lieutenant-colonel Damiba qui démissionne officiellement le 2 octobre. Le capitaine Ibrahim Traoré est investi président de transition le 21 octobre.
- Le coup d'État de juillet 2023 au Niger
Le 26 juillet 2023, des militaires de la garde présidentielle retiennent le président nigérien Mohamed Bazoum, élu démocratiquement en 2021. Le soir même, un groupe de soldats annonce la formation d'une junte militaire qui prend le nom de Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP).
Le général Abdourahamane Tiani apparaît ensuite lors d'une allocution sur Télé Sahel, en tant que président du CNSP. « L'action du CNSP est motivée par la seule volonté de préserver notre chère patrie face, d'une part, à la dégradation continue de la situation sécuritaire dans notre pays - et cela sans que les autorités déchues ne nous laissent entrevoir une véritable solution de sortie de crise -, d'autre part, la mauvaise gouvernance économique et sociale », lance-t-il.
Il décrète quelques semaines plus tard une période de transition de trois ans pour tourner la page de la 7e république du Niger.
La situation déclenche une crise régionale, car la Cédéao, qui a condamné le coup d'État, exige la libération du président Bazoum et menace d'intervenir militairement. Quatre jours après le coup d'État, des manifestations éclatent à Niamey. Des milliers de personnes se rassemblent notamment devant l'ambassade de France. Paris décide de lancer une opération pour évacuer les ressortissants français qui le souhaitent.
Le 26 août, un mois jour pour jour après le début du coup d'État, la junte ordonne à l'ambassadeur de France à Niamey de quitter le pays dans les 48h ce que la France a refusé.
- Le coup de force des militaires au Gabon du 30 août 2023
C'est le dernier coup de force en date qui a secoué le continent. Ce mercredi 30 août, quelques minutes après la diffusion des résultats officiels des élections générales indiquant la victoire d'Ali Bongo avec 64,27% des suffrages exprimés, un groupe de militaires a annoncé à la télévision l'annulation du scrutin et la dissolution des institutions.
« Nous avons décidé de défendre la paix en mettant fin au régime en place », a annoncé l'un des militaires présent. « À cet effet, les élections générales du 26 août 2023 ainsi que les résultats tronqués sont annulés [...]. Toutes les institutions de la république sont dissoutes, le gouvernement, le Sénat, l'Assemblée nationale, la Cour constitutionnelle [...]. Nous appelons la population [...] au calme et à la sérénité. Nous réaffirmons notre attachement au respect des engagements du Gabon vis-à-vis de la communauté nationale et internationale », ont-ils poursuivi, proclamant aussi la fermeture des frontières du pays « jusqu'à nouvel ordre ».
Le président du Gabon Ali Bongo Ondimba est « en résidence surveillée » entouré de sa famille et de ses médecins et l'un de ses fils a été arrêté.
Au Soudan, quand le coup d'État aboutit à une guerre civile
Le 11 avril 2019, Omar el-Béchir est renversé après des semaines de manifestation de masse dans les rues de Khartoum. L'armée choisit de s'emparer du pouvoir en promettant la mise en place d'un gouvernement civil. Le général Abdel Fattah al-Burhan est nommé à la tête de la junte dès le lendemain. Le 17 août un accord portant sur la création d'un Conseil de souveraineté est signé, le 20 août suivant, l'économiste Abdallah Hamdok est nommé Premier ministre.
Hamdok ne restera cependant pas longtemps en poste. Face à leur nombreux désaccords avec le gouvernement civil, la junte mène un coup d'État contre le gouvernement de transition dirigé par l'économiste. Au moins cinq hauts responsables du gouvernement soudanais ont été arrêtés, dont le Premier ministre civil. La junte nomme un nouveau gouvernement de civils le 6 avril 2023 sans toutefois nommer un Premier ministre. Elle garde entre ses mains les clefs du pouvoir et refuse de se mettre autour de la table du dialogue avec les civils. Elle accuse les parties politiques de responsabilité dans cette situation étant donné leurs divisions. Mais très vite, les positions irréconciliables du général al-Burhan et du général Hemedti, qui ont mené ensemble le coup d'État, apparaissent au grand jour et aboutissent à la guerre civile qui secoue le pays depuis le 15 avril 2023.