En Libye, les recherches se poursuivent pour tenter de retrouver les milliers de personnes portées disparus. Mais la population veut commencer à avoir des réponses. La catastrophe était sans précédent, mais la rupture de deux barrages n'est pas seulement le fait de la tempête Daniel. Les autorités locales et les experts pointent du doigt les défaillances d'un État libyen failli.
La tempête Daniel a eu raison des barrages. Mais ce n'était qu'une question de temps. Le maire de Derna a révélé que la dernière maintenance de l'une des deux constructions remontait à 2002.
Pour Malak al-Taïeb, chercheuse spécialisée dans les questions d'eau en Afrique du Nord, la vétusté des constructions réalisées il y a 50 ans par une société yougoslave, a contribué au drame humain. « La faiblesse des structures des barrages et aussi la présence de fissures à l'intérieur des constructions ont affaibli la solidité des barrages au cours des années. Je pense que cela a contribué à augmenter les menaces d'inondations. »
Pour la chercheuse, le passage de la tempête Daniel en Grèce quelques jours auparavant aurait dû alerter les autorités libyennes. « Des mesures auraient pu être prises comme une évacuation vers des zones plus sûres situées en hauteur. Cela n'aurait pas été parfait, mais, au moins, des gens auraient été sauvés. »
Ces deux barrages n'étaient pas les plus grands du pays. Et les experts préviennent qu'ils sont tous dans un état plus ou moins fragile à cause du manque de maintenance.
La cause climatique
Mais si les observateurs pointent des systèmes d'alerte défaillants et l'effondrement de deux barrages vieillissants, la catastrophe trouve aussi une explication climatique. Car la tempête Daniel est un cyclone subtropical méditerranéen, aussi qualifié de « Medicane » par les experts. Ce terme vient de la contraction de Méditerranée et « hurricane », ouragan en anglais.
La puissance de ce cyclone s'explique par la température moyenne très élevée de la mer cet été, 28°C. Près des côtes libyennes, elle a dépassé les normales de 3 à 4°C. Il s'agit là d'une conséquence des dérèglements climatiques. Cela renforce l'évaporation. Ainsi, l'air présent à la surface de l'eau se réchauffe et devient de plus en plus humide. L'écart se creuse alors avec les températures d'altitude très froides, donnant naissance à un cyclone.
Les vents tourbillonnants peuvent atteindre une vitesse de 160 km/h et portent avec eux des précipitations très abondantes. Dans la région de Derna, le centre météorologique national de Libye a mesuré jusqu'à 400 mm de précipitations en une journée, cent fois plus que d'habitude en septembre. Les sols très secs n'ont pas pu absorber ces quantités d'eau extrêmes.