Libérer le potentiel de transformation - Le réacheminement des DTS via les banques multilatérales de développement stimulera le développement durable en Afrique

20 Septembre 2023
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African Development Bank (Abidjan)
communiqué de presse

[Cette tribune a été publiée dans International Banker.

Lien du texte original publié en anglais : https://internationalbanker.com/finance/unlocking-transformative-potential]

Par M. Akinwumi A. Adesina, président du Groupe de la Banque africaine de développement

En juin dernier, les dirigeants du monde entier se sont réunis à Paris à l'occasion du Sommet pour un nouveau pacte financier mondial. L'objectif était d'examiner et de réviser l'architecture financière mondiale actuelle afin de créer un système plus juste et plus bénéfique, en particulier pour les pays et les populations du sud.

Les discussions ont notamment porté sur le réacheminement des droits de tirage spéciaux (DTS) du Fonds monétaire international (FMI) (des actifs de réserve internationaux) via les banques multilatérales de développement. Cette initiative est menée par la Banque africaine de développement et la Banque interaméricaine de développement (BID). En cas de succès, elle pourrait permettre de débloquer des fonds importants pour relever les défis mondiaux urgents et catalyser le développement durable dans les pays à faible revenu, en particulier en Afrique et en Amérique latine.

Au plus fort de la pandémie de Covid-19 en 2021, le FMI a pris la mesure audacieuse de soutenir l'économie mondiale en allouant un montant historique de 650 milliards de dollars en DTS. Cette action décisive a démontré la capacité de la communauté mondiale à répondre de manière adéquate à des crises sans précédent. Cependant, sur les DTS nouvellement émis, l'Afrique n'a reçu qu'environ 5 % de l'allocation totale, soit la part la plus faible par rapport aux différentes régions du monde. L'allocation à toute l'Afrique, un continent de 1,2 milliard d'habitants, était inférieure à celle reçue individuellement par certains pays.

Depuis 1969, les DTS ont constitué une bouée de sauvetage cruciale pour les pays les plus pauvres et les plus fragiles du monde. Aujourd'hui, cependant, de nombreux pays cherchent désespérément davantage de solutions de financement pour relever un éventail croissant de défis. Il s'agit notamment de la reprise économique après les effets dévastateurs du Covid-19, des coûts de la lutte contre les changements climatiques, des crises alimentaires déclenchées par la guerre russo-ukrainienne et d'autres objectifs de développement cruciaux.

Le besoin de ressources supplémentaires pour aider les pays à relever ces défis économiques est plus urgent que jamais. Reconnaissant cette nécessité, des membres du FMI ont accepté de canaliser certaines ressources en DTS vers les pays en développement par le biais du Fonds fiduciaire pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance (fonds fiduciaire RPC) qui existe déjà et du Fonds fiduciaire pour la résilience et la durabilité (fonds fiduciaire RD) nouvellement créé par le FMI.

Bien que ces mesures soient louables, la Banque africaine de développement estime qu'une troisième option plus ciblée et complémentaire est nécessaire : réacheminer les DTS par l'intermédiaire des banques multilatérales de développement (BMD). Pourquoi les banques multilatérales de développement ? La réponse réside dans leur proposition de valeur unique : les BMD peuvent multiplier les DTS réacheminés par au moins trois à quatre fois leur valeur initiale.

Cet effet multiplicateur signifie que 5 milliards de dollars de DTS réacheminés pourraient être transformés en un extraordinaire nouveau financement de 15 à 20 milliards de dollars pour l'Afrique. Cette promesse est d'autant plus convaincante que les gouvernements du monde entier sont aux prises avec le fardeau de la dette post-pandémique et ont désespérément besoin de mécanismes rentables pour stimuler la croissance et le développement.

Les effets résiduels de la pandémie de Covid-19 et les impacts croissants des changements climatiques et des phénomènes météorologiques extrêmes ont fait basculer de nombreux pays africains dans la récession économique. Pour l'ensemble du continent, il s'agit de la première récession depuis de nombreuses années. Cette situation risque d'anéantir les gains de développement durement acquis au cours des deux dernières décennies.

Elle menace également la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies d'ici 2030, un objectif qui est déjà précaire compte tenu des réalités actuelles. Ajoutez à cela les défis de développement actuels posés par les déficits béants en matière d'infrastructures, l'insécurité alimentaire généralisée, les disparités entre les genres et l'augmentation du chômage des jeunes, et il devient vite évident que les DTS réacheminés sont des injections vitales de financements indispensables.

Des appels ont été lancés au niveau mondial pour que les banques multilatérales de développement se transforment et fassent davantage pour relever les défis mondiaux croissants, en plus de leurs mandats de développement traditionnels. Ces banques peuvent donc certainement renforcer leurs capacités à mener des programmes de développement durable, stimuler les innovations et galvaniser les transformations systémiques conformément à ces appels mondiaux. S'ils sont utilisés efficacement, les DTS peuvent jouer un rôle central dans la résolution de plusieurs problèmes cruciaux de notre époque : les changements climatiques, les pandémies et les conflits mondiaux.

Il serait difficile d'exagérer l'importance de cette initiative. Elle montre la manière dont les mécanismes financiers innovants peuvent permettre aux pays, en particulier ceux qui sont confrontés à des difficultés économiques, de répondre à des besoins urgents et de s'engager sur la voie du développement durable.

La réallocation des DTS est une démonstration claire de solidarité et d'action collective. Elle témoigne de l'engagement de la communauté internationale à soutenir la croissance inclusive et le progrès dans des régions qui luttent depuis longtemps contre la pauvreté et les disparités économiques. En mobilisant des ressources financières substantielles, cette initiative peut combler des déficits de financement critiques et ouvrir la voie à des projets transformateurs qui vont considérablement améliorer la qualité de vie de millions de personnes.

Pour l'Afrique, la proposition de réacheminer les DTS par l'intermédiaire de la Banque africaine de développement a recueilli un soutien substantiel. Lors de la Conférence des chefs d'État et de gouvernement de l'Union africaine (UA) en 2022, un appel unanime a été lancé en faveur de la réallocation de DTS des économies avancées qui le souhaitent vers le continent. Les dirigeants africains continuent de parler d'une seule voix et de multiplier les appels pour qu'une partie des DTS soit canalisée vers la Banque africaine de développement. Il en va de même pour le secrétaire général des Nations unies, António (Manuel de Oliveira) Guterres.

Le réacheminement des DTS n'imposera pas de charges financières supplémentaires aux contribuables des pays riches en DTS désireux de prêter leurs DTS aux banques multilatérales de développement.

Compte tenu de l'énorme effet de levier qu'exercerait le réacheminement des DTS vers les banques multilatérales de développement sur l'accélération du développement, les DTS devraient peut-être aussi être considérés comme un « soutien à la revitalisation du développement ».

À PROPOS DE L'AUTEUR

M. Akinwumi A. Adesina est le président du Groupe de la Banque africaine de développement depuis 2015. Il est largement reconnu pour son leadership visionnaire et sa passion pour la transformation de l'Afrique. Sous sa direction, la Banque a réalisé sa plus forte augmentation de capital depuis sa création en 1964. Ancien ministre de l'Agriculture et du Développement rural du Nigéria, il a mis fin à 40 ans de corruption dans le secteur des engrais du pays en développant et en mettant en oeuvre un système innovant de portefeuille électronique.

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