Afrique: ONU - L'eau et l'assainissement, un enjeu crucial pour le continent africain

Le Pavillon des ODD dans les jardins du siège de l'ONU à New York.

Durant l'Assemblée générale des Nations unies qui se tient actuellement à New York, Antonio Guterres a appelé à « aider à sauver les Objectifs de développement durable (ODD) et à lutter pour un avenir meilleur que chaque individu mérite ». Parmi ces 17 ODD, le 6e vise à garantir l'accès à tous à l'eau et à l'assainissement et assurer une gestion durable des ressources en eau, un point crucial pour le continent africain.

De notre envoyée spéciale à New York,

L'eau est au coeur du développement durable et est essentielle au développement socio-économique. Elle est également au coeur de l'adaptation aux changements climatiques. En 2023, plus de la moitié de la population mondiale, soit 4,2 milliards de personnes, manque de services d'assainissement gérés de manière sûre. Près de 300 000 enfants de moins de 5 ans meurent chaque année de maladies causées par l'insalubrité de l'eau et des pratiques sanitaires et hygiéniques inadéquates.

Sur le continent africain, trois catégories se distinguent. Les pays qui subissent des sécheresses, ceux du Sahel où l'eau n'est pas suffisamment présente pour approvisionner l'ensemble de la population. Puis viennent ensuite les pays qui sont, eux, très riches en eau, qui se trouvent majoritairement en Afrique centrale. Là, l'eau y est abondante mais il existe de nombreux problèmes systémiques qui empêchent l'approvisionnement en eau à l'ensemble des populations. La dernière catégorie de pays englobe les États où pénurie et abondance se côtoient, mais avec un manque d'approvisionnement. « Ce qu'on constate sur presque tout le continent africain, c'est qu'il n'y a quasiment aucun pays qui a un accès universel à l'eau potable », analyse Balwant Godara, conseiller politique au partenariat mondial de Sanitation and Water for All (SWA)*.

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C'est le cas en Côte d'Ivoire, pays où l'eau est abondante dans certaines zones mais où des inégalités d'accès se font sentir. « Nous sommes en train de capitaliser pour que le maximum de citoyens ait accès à l'eau, et nous mettons tout en oeuvre pour y parvenir », explique Hélène Bragori, directrice de l'assainissement en milieu rural au ministère de l'Hydraulique, de l'Assainissement et de la Salubrité ivoirien. Actuellement, 72% de la population de Côte d'Ivoire a accès à l'eau (plus de 87% en zone urbaine et autour de 57% en zone rurale), ce qui fait de ce pays un exemple en la matière.

Pour y parvenir, Abidjan a mis en place de nombreux programmes, le pays travaille avec l'Unicef, l'Usaid (Agence américaine pour le développement international), la Banque africaine de développement, la Banque mondiale, etc. « Tout cela est motivé par le fait que le gouvernement a pris conscience de l'importance de cette question et a décidé de prendre en charge le problème de l'eau et de l'assainissement, insiste Hélène Bragori. Nous faisons aussi de la formation auprès des acteurs locaux, comme les maçons afin qu'ils puissent construire des toilettes aux normes. » Et la responsable de raconter qu'en 2018, plus de 6 000 écoles primaires publiques en milieu rural ne possédaient pas de toilettes. Aujourd'hui, des sanitaires ont été mis en place dans plus de 1 000 d'entre elles, et les efforts se poursuivent.

Car qui dit eau dit aussi assainissement. Or cet élément n'est toujours pas assez pris en compte. Deux raisons expliquent la difficile réalisation de cet ODD à l'horizon 2030 : nombre de pays mettent l'accent sur l'eau potable mais pas assez sur l'assainissement. Son importance, cruciale, n'a pas été saisie. La seconde raison est logistique : dans le secteur privé, l'eau et l'assainissement ne sont pas ou peu considérés car pas assez rentables. Puis l'aide au développement est aussi en baisse. « La question financière, capitale, va être le grand frein pour parvenir à atteindre cet ODD, renchérit le conseiller politique de SWA. Mais il est cependant réalisable dans beaucoup de pays d'Afrique de l'Ouest où les progrès s'enchaînent. » « L'ODD-6, nous estimons qu'il est au centre de tous les autres ODD. On ne peut pas lutter contre la pauvreté quand on n'a pas accès à l'eau potable, on ne peut pas parler de santé sans assainissement. L'ODD-6 est central et c'est lui qui permettra d'atteindre les autres Objectifs du développement », insiste pour sa part la directrice de l'assainissement en milieu rural au ministère de l'Hydraulique, de l'Assainissement et de la Salubrité ivoirien.

Un élément d'émancipation pour les femmes

L'eau et l'assainissement sont aussi une question de droits. Des installations sanitaires propres et privées sont nécessaires, en particulier pour les femmes et les jeunes filles afin de gérer la maternité et les menstruations dans la dignité et la sécurité. L'assainissement est donc aussi une question de dignité humaine.

« La question de l'eau potable me ramène toujours à un problème de genre, explique avec émotion Hélène Bragori. Le stress hydrique et la pénibilité reviennent aux femmes, et surtout aux petites filles. Quand le problème de l'eau sera réglé, les filles pourront être scolarisées. Les conséquences sur la société sont donc énormes, et pas seulement sanitaires. Imaginez les dangers auxquels s'expose une femme quand elle doit aller dans la brousse en pleine nuit pour satisfaire ses besoins... »

L'enjeu de l'eau est-il suffisamment considéré au niveau mondial ?

L'assainissement est donc un élément central des ODD. Ses répercussions se font aussi sentir sur le changement climatique, les inondations en zones urbaines seraient par exemple moindres si les services d'assainissement étaient adéquats. L'argument est donc multiple car il est économique, climatique, sanitaire, et élément de dignité.

En un demi-siècle, seules deux conférences sur l'eau se sont tenues au niveau onusien. La seconde a eu lieu en mars dernier à New York. Elle s'est achevée par l'adoption d'un Programme d'action contenant plus de 700 engagements. « La question de l'eau n'est pas comme celle de la santé, elle n'est pas "thématique" mais absolument transversale, note Balwant Godara. C'est une question de ressources naturelles, de services sociaux, d'infrastructures publiques. Toutes les entités du développement pourraient ainsi avoir un lien avec l'eau, de près ou de loin, d'où l'immense complexité conceptuelle et méthodologique. »

La question de l'eau est aussi cruciale dans les conflits sur le continent africain, comme ceux entre les agriculteurs et les pastoralistes qui sont, à titre d'exemple, en partie liés aux ressources en eau.

« Nous sommes des pays en voie développement, nous attendons beaucoup sur toutes ces questions, conclut la responsable ivoirienne. Nos populations attendent beaucoup. Nous avons besoin de financements face à tous ces changements climatiques. Nous devons aller vers la durabilité. Et nous sommes optimistes. Nous avons confiance. » Une note d'espoir malgré un constat qui reste alarmant : les Objectifs de développement durable adoptés il y a huit ans par les États du monde entier ne sont pas en bonne voie et ont besoin d'un plan de sauvetage mondial, a plaidé lundi le Secrétaire général de l'ONU, António Guterres. Ce 18 septembre, les dirigeants présents à l'ONU ont adopté une Déclaration politique soulignant leur engagement collectif à construire un monde durable, inclusif et prospère d'ici 2030. Les intentions sont ainsi clairement au rendez-vous. Reste à les appliquer.

* SWA, qui signifie « assainissement et eau pour tous », est un partenariat mondial associé aux Nations unies, avec 350 entités partenaires volontaires, société civile, bailleurs et banques de développement, acteurs privés et 85 gouvernements nationaux.

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