Stanis Bujakera termine sa troisième semaine en détention sur la base d'accusations douteuses
Un tribunal de la République démocratique du Congo a rejeté lundi la demande de remise en liberté provisoire du journaliste Stanis Bujakera, ignorant ainsi les normes internationales en la matière et le tollé suscité par son maintien en détention à la prison de Makala, à Kinshasa. Le cas de M. Bujakera met en lumière la répression croissante du gouvernement à l'encontre des médias, à moins de trois mois des élections générales.
Stanis Bujakera, 33 ans, est directeur adjoint du média en ligne congolais Actualite.cd, ainsi que reporter pour Jeune Afrique et l'agence de presse internationale Reuters. Il est le journaliste le plus suivi du pays sur les réseaux sociaux et son professionnalisme a été salué par ses pairs et ses lecteurs, y compris des représentants du gouvernement, des diplomates étrangers et des chercheurs.
La police a arrêté M. Bujakera le 8 septembre à l'aéroport de Ndjili de Kinshasa, alors qu'il s'apprêtait à embarquer sur un vol. D'abord placé en garde à vue, il a été placé en détention préventive et transféré en prison le 14 septembre après avoir été accusé de « propagation de faux bruits », « falsification et usage de faux » et « distribution de faux documents ». Il pourrait encourir jusqu'à 15 ans de prison, selon son avocat. Les interrogatoires de M. Bujakera ont porté sur un article publié par Jeune Afrique citant un présumé rapport de l'Agence nationale de renseignement (ANR) qui aurait fuité sur le meurtre de Cherubin Okende, un cadre de l'opposition retrouvé mort à Kinshasa en juillet. Les autorités affirment que le rapport en question est un faux et accusent Bujakera de l'avoir fabriqué et distribué, bien que son nom ne soit pas cité en tant qu'auteur de l'article.
« Ils veulent que je révèle les sources d'un article que je n'ai pas écrit », a déclaré Stanis Bujakera à Human Rights Watch lors d'une visite à la prison de Makala cette semaine. « C'est pourquoi ils ont confisqué mes téléphones et mon ordinateur portable. »
Des militants de toute l'Afrique, des hauts fonctionnaires étrangers, des groupes de défense de la liberté de la presse et des célébrités internationales ont condamné l'arrestation et la détention arbitraires de Bujakera. Reporters sans frontières a saisi le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire. Le 20 septembre, des dizaines de journalistes ont manifesté à Kinshasa pour demander aux autorités de libérer le journaliste, et de mettre fin aux attaques contre la presse.
S'adressant aux médias à New York la semaine dernière, le président congolais Félix Tshisekedi a déclaré qu'il regrettait ce qui était arrivé à M. Bujakera, mais qu'il ne pouvait « pas faire entrave à la justice et ne pas lui permettre de faire toute la lumière » sur cette affaire. La détention de Stanis Bujakera rappelle cependant que la promesse faite par M. Tshisekedi, peu après son entrée en fonction, de faire des médias « un véritable quatrième pouvoir », apparait désormais bien lointaine. Une démocratie respectueuse des droits ne met pas en prison les journalistes simplement parce qu'ils font leur métier.
Chercheur principal sur la RD Congo