Congo-Kinshasa: Denis Mukwege, candidat à la présidentielle - Pari risqué pour un Nobel de la paix

Docteur Mukwege
analyse

On le savait habité par la tentation sans qu'on sache quand est-ce qu'il effectuera le grand saut.

C'est que, depuis quelques mois, une rumeur persistante faisait déjà état d'une éventuelle candidature du gynécologue de renommée mondiale, Denis Mukwege, à la présidentielle congolaise de décembre 2023.

Et depuis qu'il a accepté, il y a une quinzaine de jours de cela, un chèque 100 000 dollars (équivalent de la caution) des mains de représentants de la société civile, l'annonce de sa participation n'était plus qu'une question d'échéance. C'est désormais chose faite : le Nobel de la paix fourbit ses armes pour la bataille du Palais de la Nation.

En effet, hier lundi 2 octobre 2023, au cours d'une conférence de presse tenue à Kinshasa, celui qu'on appelle « l'homme qui répare les femmes » a finalement fendu l'armure : « Je ne vais pas attendre 2028. Je ne le fais pas par intérêt, ni pour le pouvoir, mais pour sauver ma patrie. Demain ce sera trop tard, j'y vais maintenant » a-t-il soutenu.

Colauréat de l'Irakienne Nadia Murat du Prix Nobel de la paix en 2018 pour son engagement contre les mutilations génitales féminines et la prise en charge des femmes victimes d'agressions sexuelles dans un pays où le viol collectif est utilisé comme une arme de guerre, le « citoyen indigné, révolté », comme il s'est présenté à l'annonce de sa candidature, vient allonger ainsi une liste déjà longue de prétendants à la magistrature suprême de la RDC. Parmi lesquels il y a, bien sûr, le président sortant, Félix Tshisekedi, Martin Fayulu, candidat malheureux ou floué de 2018, c'est selon, Moïse Katumbi, ancien gouverneur du Katanga.

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Maintenant qu'il rêve d'un destin national, l'homme aux multiples distinctions internationales parviendra-t-il à accrocher sur son tableau de chasse le seul trophée qui lui manque actuellement ?

Difficile de présager l'issue de cette nouvelle aventure, mais le moins qu'on puisse dire c'est qu'il s'agit-là d'un pari risqué pour l'un des grands maîtres du bistouri, surtout que Félix Tshisekedi se donne tous les moyens pour succéder à lui-même.

C'est vrai que selon le général Charles de Gaulle, connu pour sa grande aversion à l'égard des partis politiques, l'élection présidentielle c'est « la rencontre d'un homme et d'un peuple ». Mais cette vérité gaullienne n'est pas toujours celle de nos jours.

Mais sans parti politique ni machine électorale pour transformer cet élan de sympathie nationale dont il jouit actuellement en suffrage le jour du scrutin, il faut croire qu'il y a encore loin pour Denis Mukwege de l'hôpital de Panzi à Bukavu au Palais de la Nation à Kinshasa.

Certes, la renommée nationale est un grand atout en politique mais elle ne garantit pas toujours le succès électoral. Surtout pas sous nos tropiques où le suffrage est tributaire de bien d'autres facteurs.

En effet, en Afrique comme ailleurs, nombreux sont les célébrités issues des milieux intellectuel, culturel, sportif, économique et financier dont les ambitions politiques ont tourné à la déroute.

Preuve, s'il en est, que l'arène politique n'est pas toujours un terrain qui réussit aux hommes ou aux femmes les plus aimés, ou considérés comme tels, de la nation.

Denis Mukwege, fera-t-il partie d'une de ces rares exceptions ?

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