Mali: Les rebelles du CSP diffusent des vidéos de soldats prisonniers

Kidal

Les rebelles du Cadre stratégique permanent (CSP) ont diffusé mardi 3 octobre 2023 sur les réseaux sociaux une série de vidéos de soldats maliens constitués prisonniers lors d'attaques menées ces dernières semaines. Explications.

Au Mali, les rebelles du Cadre stratégique permanent (CSP) ont revendiqué mercredi 4 octobre la prise du camp militaire malien de Taoussa, région de Gao. Et cela alors que l'imposante colonne Forces armées maliennes (Fama)-Wagner partie le 2 octobre de Gao poursuit son chemin en direction de la région de Kidal. La centaine de véhicules a dépassé mercredi la localité de Tabricha, à environ 130 kilomètres au nord de Gao, après avoir subi une série d'incidents.

C'est dans ce contexte que le CSP a diffusé le 3 octobre sur les réseaux sociaux une série de vidéos de soldats maliens constitués prisonniers lors d'attaques menées ces dernières semaines. Trois vidéos, trois militaires en civils capturés lors des attaques des camps militaires de Bourem (12 septembre) et de Léré (17 septembre), tiennent une feuille blanche avec en lettres noires leur nom, leur grade, leur unité. Quelques secondes, quelques paroles seulement à l'écran : le visage presque inexpressif, ils témoignent du contexte de leur arrestation par le CSP.

En diffusant ces vidéos mardi soir, le CSP entend dévoiler des « vérités cachées » sur la réalité des combats et de leur issue. « Nous disons aux familles ce que l'armée et le ministère de la Défense leurs cachent », affirme un cadre du CSP, qui espère que ces quelques images éclaireront l'opinion publique malienne sur la « montée en puissance » de l'armée, tant vantée par les autorités maliennes de transition.

« Vivants et bien traités »

Autre objectif affiché avec la diffusion de ces vidéos : montrer que les prisonniers sont « vivants et bien traités ». Une manière pour les rebelles de tenter de marquer leur différence avec les militaires maliens et leurs supplétifs russes du groupe Wagner, accusés à de nombreuses reprises, par des témoins civils et par des organisations de défense des droits humains, d'avoir torturé et exécuté des prisonniers. Ces quelques vidéos ne permettent cependant pas de juger des conditions de détention générales des prisonniers retenus par le CSP.

Dans une première vidéo diffusée par le CSP dès le 15 septembre, un capitaine capturé à Bourem exhortait les dirigeants maliens de transition à revenir à l'accord de paix et dénonçait les exactions du groupe Wagner contre les civils maliens. Des messages de toute évidence dictés par ses geôliers. Les nouvelles vidéos diffusées ne renouvellent pas le procédé.

À ce jour, le nombre exact de soldats maliens détenus par le CSP n'est pas connu. Ils étaient « plus d'une vingtaine » mercredi, selon les dernières estimations de plusieurs cadres rebelles, qui expliquaient que tous n'avaient « pas encore été amenés à Kidal ». Et c'était avant l'attaque du camp de Taoussa.

Dans ses communiqués récents, le CSP a indiqué avoir libéré plusieurs prisonniers « pour des raisons sanitaires et humanitaires ». Les prisonniers blessés lors des combats seraient libérés « sur place », après les opérations. Dans ses déclarations, la coalition rebelle insiste toujours sur son « respect strict du droit des conflits armés, notamment en ce qui concerne la protection des prisonniers de guerre ». Une phrase devenue récurrente dans la communication de guerre du CSP, qui entend ainsi assoir une forme de légitimité et de respectabilité.

« Curiosité publique »

Un juriste spécialiste du droit international humanitaire (DIH, communément désigné comme « droit de la guerre ») ayant requis l'anonymat précise que les belligérants sont, quelle que soit la nature du conflit, tenus de traiter humainement leurs prisonniers ou encore de leur accorder, le cas échéant, un procès équitable.

Pour autant, compte tenu du caractère interne de ce conflit qui oppose les autorités maliennes de transition aux rebelles du CSP - conflit qui n'engage pas deux États distincts - le DIH, et notamment la Convention de Genève III relative au statut de prisonniers de guerre, « ne s'applique pas ». Si tel était le cas, poursuit le juriste, la diffusion de ces vidéos serait « clairement problématique » : « Les conventions sont anciennes et antérieures aux réseaux sociaux, mais elles prévoient par exemple que les prisonniers ne puissent être soumis ou exposés à la curiosité publique. »

De fait, les vidéos diffusées par le CSP peuvent être jugées dégradantes ou humiliantes pour les militaires maliens exhibés sur la toile. Critique balayée par ce cadre du CSP : « C'est toujours mieux que le traitement réservé par les Fama et Wagner à leurs victimes. »

Après avoir été accusée à de nombreuses reprises d'exactions, a fortiori depuis l'arrivée au Mali de ses supplétifs russes de Wagner, l'armée malienne s'est elle aussi mise à insister dans ses communiqués sur le « professionnalisme » des « vaillantes forces armées maliennes qui respectent les droits humains ».

Sollicitée par RFI au sujet des vidéos de soldats prisonniers diffusés par le CSP, l'armée malienne n'a pas donné suite.

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