En pleine crise humanitaire, la suspension de programmes d'aide vitale fait du tort aux civils
Cette semaine, alors que ses forces pilonnaient Gaza depuis le ciel suite aux attaques meurtrières menées samedi par le Hamas, le gouvernement israélien a également coupé l'électricité, le carburant, l'eau et la nourriture à Gaza dans le cadre d'un « siège complet ». Le carburant de la seule centrale électrique de Gaza est épuisé, et celle-ci a été fermée. Au-delà des coupures de carburant et d'électricité, l'accès à Internet souffre d'interruptions et les puits de pompage d'eau de la région pourraient être mis hors service. Ces mesures risquent d'aggraver la situation à Gaza, où les conditions étaient déjà désastreuses après 16 ans de restrictions écrasantes. Dans ce contexte, les récentes annonces de certains gouvernements européens concernant le gel de l'aide au développement à la Palestine sont profondément inquiétantes.
Les autorités israéliennes, considérées comme puissance occupante à Gaza selon le droit international, ont pourtant l'obligation de veiller à ce que les besoins fondamentaux de la population soient satisfaits. Au lieu de cela, depuis 2007, ils gèrent Gaza comme une « prison à ciel ouvert », imposant des restrictions draconiennes à la circulation des personnes et des biens. À la suite des attentats du week-end, les autorités ferment encore davantage les murs de ces prisons.
Les combattants du Hamas ont tué d'Israéliens dans leurs maisons, massacré des jeunes qui assistaient à un festival de musique et kidnappé des habitants dont des enfants et des personnes âgées. Tirer délibérément sur des civils et prendre des civils en otages constituent des crimes de guerre. Les individus qui ont perpétré ces atrocités doivent être traduits en justice.
Mais priver l'ensemble de la population de Gaza d'électricité et de carburant pour les actions individuelles est une forme de punition collective. Le ministre israélien de l'Énergie et des infrastructures a indiqué que les récentes attaques du Hamas étaient « la raison pour laquelle nous avons décidé d'arrêter l'approvisionnement en eau, électricité et carburant » à Gaza. Ces tactiques constituent toutefois des crimes de guerre, tout comme l'utilisation de la famine en tant qu'arme de guerre.
Le Procureur de la Cour pénale internationale a affirmé que son mandat s'applique aux crimes commis lors des hostilités actuelles. La communauté internationale devrait apporter un soutien pratique et politique aux enquêtes de la CPI.
En raison des bombardements aériens indiscriminés d'Israël, les hôpitaux, qui manquent d'espace, de capacité à traiter les patients et de nombreux médicaments, ne sont plus des refuges sûrs. L'Organisation mondiale de la santé a recensé 22 attaques contre des établissements de santé à Gaza depuis le 7 octobre. Les camps de réfugiés, les écoles et les bâtiments de l'ONU n'ont pas été épargnés par les bombardements des derniers jours.
En réponse aux attaques dévastatrices du Hamas, plusieurs pays européens ont suspendu leurs programmes bilatéraux d'aide au développement, qui soutenaient Gaza, l'Autorité palestinienne en Cisjordanie, les organisations de la société civile palestinienne et les programmes de l'ONU ; il s'agit notamment de l'Allemagne (131 millions de dollars), de l'Autriche (20 millions de dollars), du Danemark (13 millions de dollars) et de la Suède (5 millions de dollars). Le Royaume-Uni réexamine actuellement ses programmes de développement, mais n'a pas suspendu l'apport d'aide financière.
Plus tôt dans la semaine, l'Union européenne a indiqué que la poursuite de l'aide au développement serait réexaminée afin d'éviter tout soutien, même indirect, au Hamas. Mardi, le chef de la politique étrangère de l'UE, Josep Borrell, a précisé qu'« une écrasante majorité des États membres de l'UE » préférait un soutien continu à l'Autorité palestinienne, et a assuré que toute révision serait rapide et n'affecterait pas les paiements dus. Borrell a ajouté qu'il ne croit pas que le financement apporté par l'UE ait pu être alloué aux « activités terroristes » du Hamas.
Le financement de l'aide humanitaire ne semble pas menacé pour le moment, mais dans la pratique, aucune aide n'arrive actuellement à Gaza. Israël aurait également menacé de bloquer l'entrée de l'aide humanitaire via l'Égypte.
En fait, il est peu probable que les assaillants du 7 octobre soient les premiers à souffrir du gel de l'aide par l'Allemagne, l'Autriche, la Suède et d'autres pays. Le Hamas est désigné depuis longtemps comme organisation terroriste, et ne peut donc pas bénéficier directement d'une forme d'aide. Ces décisions de suspendre l'aide humanitaire ou de la réexaminer affectent plutôt le soutien apporté aux organisations de la société civile et à l'Autorité palestinienne en Cisjordanie, punissant ainsi des millions de civils palestiniens qui sont déjà confrontés à une répression et à des violences sans précédent.
Certains donateurs se sentent obligés de vérifier rigoureusement si une partie de leur aide a fini dans les poches du Hamas, même si ceci semble douteux en raison des garanties existantes. Mais ils ne devraient pas interrompre les paiements ou les livraisons d'aide pendant qu'ils effectuent ces examens. S'opposer à l'attaque du Hamas ne nécessite pas de couper les cordes de sauvetage vitales pour le peuple palestinien.
Akshaya Kumar, Directrice du plaidoyer sur les situations de crise