Le Tribunal d'instance de Ziguinchor va édifier, ce jeudi 12 octobre, Ousmane Sonko, sur son avenir politique en perspective de l'élection présidentielle du 25 févier 2024. Saisie d'un recours déposé par les avocats de Sonko, le 4 octobre dernier, pour l'annulation de la mesure de radiation de leur client des listes électorales, le juge est appelé à trancher cette question qui fait objet de plusieurs controverses au sein même du gouvernement.
Jour de vérité pour le maire de Ziguinchor. Candidat déclaré à la présidentielle du 25 février prochain, Ousmane Sonko joue son avenir politique en perspective de cette élection de 2024. Aujourd'hui, jeudi 12 octobre 2023, le Tribunal d'instance de Ziguinchor va statuer sur son recours pour l'annulation de la mesure de sa radiation des listes électorales. En effet, arrêté le 28 juillet dernier, pour vol de téléphone portable d'une Gendarme dont le véhicule serait, selon le Procureur de la République, tombé en panne aux abords de son domicile, Ousmane Sonko a été finalement inculpé et placé sous mandat de dépôt, trois jours après, le 31 juillet, pour huit chefs d'accusations dont des crimes tirés, selon le Procureur de la République, de ses différentes déclarations entre mars 2021 et juin 2023.
Transféré à la prison de Sébikhotane, il a rédigé en personne, le 02 août 2023, l'acte de non-acquiescement de sa condamnation, le 1er juin dernier, par contumace, à deux ans de prison ferme, pour corruption de la jeunesse dans l'affaire de «viol répété et menace de mort» qui l'opposait à Adji Sarr, employée d'un salon de massage. Cependant, deux semaines environ après sa lettre de non-acquiescement adressée au greffier en chef du Tribunal de grande instance hors classe de Dakar, le magazine «Jeune Afrique», citant des sources gouvernementales dans un article publié le 14 août dernier sur son site internet, annonce, à la surprise générale, la radiation des listes électorales de Ousmane Sonko. Confortant cette information relative à la perte de qualité «d'électeur» de Ousmane Sonko, nos confrères du quotidien du Groupe futur média, «L'Observateur», ont indiqué que cette radiation est la conséquence de sa condamnation, prononcée le 1er juin 2023, dans l'affaire l'opposant à l'ex-jeune masseuse Adji Raby Sarr.
UNE RADIATION A PLUSIEURS INTERPRETATIONS
Officieusement, le régime en place justifie la radiation des listes électorales du maire de Ziguinchor par sa condamnation, le 1er juin dernier, dans l'affaire l'opposant à l'ex-jeune masseuse Adji Raby Sarr, par la Chambre criminelle de Dakar. Mais, officiellement, c'est un cafouillage total au sommet de l'Etat. Le ministre de la Justice, Ismaïla Madior Fall, qui semble être le point focal dans la communication gouvernementale sur cette question, ne cesse de varier ses positions au fur et en mesure que les jours passent.
En effet, quelques jours après les premières fuites de cette information relative à la radiation de Sonko des listes électorales, le professeur Ismaïla Madior Fall a accordé un entretien au magazine Jeune Afrique diffusé en ligne, le mercredi 30 aout dernier. Dans cette interview, le ministre de la Justice, Ismaïla Madior Fall, a affirmé avec force que la condamnation de Sonko était définitive dans l'affaire de «viol répété et menace de mort». «Pourquoi ne s'est-il pas constitué prisonnier, s'il entendait obtenir que sa condamnation par contumace soit anéantie ? Celle-ci est entretemps devenue définitive. Sonko a été déchu de ses droits électoraux et qu'il a été radié des listes. Il n'y a là aucune cabale en vue d'évincer un candidat à la présidentielle», avait tranché Ismaila Madior Fall, le Garde des Sceaux.
Invité de l'émission «Point de vue», chez nos confrères de la Radiotélévision sénégalaises (Rts), du dimanche 1er octobre dernier, le ministre porte-parole du gouvernement, Abdou Karim Fofana, a indiqué pour sa part que la mesure de radiation de Sonko des listes électorales a été prise en application des décisions de justices rendues dans l'affaire qui l'oppose à Mame Mbaye Niang. «Nous sommes une République et la République, c'est des règles. Pour être candidat, il faut d'abord être sur le fichier électoral. Ousmane Sonko a perdu ses droits civiques du point de vue de sa capacité à être électeur. Et du point de vue de notre loi, si vous n'êtes pas électeur, vous ne pouvez pas être candidat. C'est la conséquence normale des décisions de justices intervenus dans l'affaire Mame Mbaye Niang-Ousmane Sonko. Le sous-préfet lui a notifié cet état de fait. Si vous allez à la Direction générale des élections retirer des fiches de parrainages pour quelqu'un qui souhaite être candidat alors que la loi ne lui permet pas parce qu'il n'est pas sur le fichier, naturellement, on ne lui donnera pas ces fiches», avait laissé entendre le ministre porte-parole du gouvernement qui répondait à une interpellation sur le refus de la Direction générale des élections (Dge) de remettre les fiches de parrainages au mandataire du candidat déclaré Ousmane Sonko.
Deux jours après cette sortie du ministre porte-parole du gouvernement, Abdou Karim Fofana, c'est autour du ministre de la Justice de s'illustrer à nouveau sur cette question à travers une nouvelle déclaration qui contredit la position qu'il avait toujours défendue. En effet, invité de l'émission «Sen Show» de la SEN TV, le Garde des Sceaux, répondant à une interpellation sur cette radiation de Sonko des listes électorales, a commencé par faire une mise au point en déclarant, à la surprise générale, pour une première fois, que la condamnation par contumace de Ousmane Sonko, dans l'affaire Adji Sarr, ne peut pas être définitive. «La condamnation par contumace ne peut être définitive. C'est le Code électoral qui dit, en son article L29, que ne sont pas inscrits sur les listes électorales, ceux qui sont en état de contumace. Ce n'est pas moi qui le dis. C'est le Code électoral qui dit : vous ne pouvez pas être inscrit sur les listes si vous êtes en état de contumace et que même si vous êtes déjà inscrits vous devez être radiés», a-t-il informé, tout en précisant, sans le nommer, que Sonko est libre de contester son état de contumax en déposant des recours au niveau des juridictions.
Il faut dire également que plusieurs juristes dont le Pr Ndiack Fall, Enseignant chercheur en droit pénal à la retraite, et des experts électoraux dont Ababacar Fall, Secrétaire général du Gradec, ont contesté la légalité de la procédure de radiation du maire de Ziguinchor des listes électorales. Interrogé par Sud Quotidien, l'Enseignant chercheur en droit pénal à la retraite déclare : «invoquer l'état de contumace pour radier Sonko des listes électorales serait illégal». «On ne peut pas tirer prétexte d'une condamnation anéantie pour en tirer des conséquences de droit qui entraînerait une quelconque radiation sur les listes électorales de monsieur Ousmane Sonko. C'est clair qu'une volonté de radiation de monsieur Ousmane Sonko des listes électorales serait tout à fait illégale», insiste-t-il.
Pour sa part, Ababacar Fall du Gradec estime que Ousmane Sonko est toujours éligible. «La radiation annoncée des listes électorales, du leader de Pastef, ne me semble pas fondée dans la mesure où il n'est pas définitivement condamné dans les trois dossiers pour lesquels il est poursuivi. Dans le dossier Mame Mbaye Niang, sa condamnation n'est pas définitive, puisque qu'elle fait l'objet d'un recours devant la Cour de cassation. Concernant le dossier Adji Sarr pour lequel il a été condamné par contumace, «tout le monde est d'avis, sauf ceux qui le poursuivent, que le jugement est anéanti» dès lors qu'il est en détention, malgré les élucubrations de ceux qui prétendent qu'il a été arrêté pour une autre affaire».