Il y a six mois, une guerre fratricide entre le chef de l'armée, le général al-Burhan et son rival, le commandant des paramilitaires, les Forces de soutien rapide, le général Hamdane Daglo dit Hemedti, éclatait au Soudan.Aujourd'hui, le pays compte plus de cinq millions de déplacés, et 25 millions de personnes - soit la moitié de la population - ont besoin d'une aide humanitaire d'urgence selon l'ONU. Pour les rares habitants qui ont fait le choix de rester à Khartoum, il faut vivre avec la menace permanente de la guerre.
Rammah a 31 ans. Il vit à Bahri, un quartier proche du centre de Khartoum contrôlé par les paramilitaires d'Hemedti. Sa famille a fui la capitale il y a quelques mois pour se réfugier en province, lui est resté seul pour garder la maison et éviter les pillages. Depuis six mois, il vit terré, sans eau ni d'électricité et sort le moins possible, juste pour aller chercher de quoi manger et de quoi boire.
« Les soldats de FSR sont partout, ils quadrillent le quartier toute la journée. S'ils vous entendent parler au téléphone, ça peut être dangereux. Tous les magasins du quartier sont fermés, il y a juste des étals, où les gens vendent des biens volés, raconte le jeune homme. Moi, je cherche à manger dans les maisons voisines qui sont vides, les portes ont été défoncées par les FSR et je peux facilement m'y glisser la nuit pour chercher de la nourriture. C'est dur, confie-t-il, le quartier s'est vidé. Si rien ne change d'ici décembre, je partirai », ajoute-t-il la voix nouée.
« Nous n'avons pas les moyens de partir ».
De l'autre côté du Nil, Omdurman ville jumelle de Khartoum où l'armée, encerclée par les paramilitaires, tient encore plusieurs positions. Les combats sont incessants raconte Amin, qui vit avec ses parents et ses deux soeurs. « Chaque jour, il y a des bombardements, des tirs de roquettes, il y a toujours des gens qui meurent. Quand je me réveille et j'apprends que quelqu'un est mort... Le quartier est presque vide les FSR de Hemedti ont chassé la plupart des gens du quartier, il ne reste que quatre ou cinq familles. Les soldats se sont installés dans ces maisons, et la nuit, ils volent et terrorisent les gens », témoigne-t-il.
« Et puis ils violent les femmes, déplore le jeune homme. Ils sont rentrés chez un voisin, ils ont pris la fille et l'ont violé dans la pièce d'à côté, le père n'a rien pu faire. Si vous êtes une femme vous ne pouvez pas sortir. Moi, j'ai deux soeurs et ma mère et j'ai tout le temps peur que ça leur arrive. Les FSR rentrent dans les maisons comme ils veulent, on ne peut pas les empêcher... Tous ceux qui doivent sortir comme moi, pour aller chercher à manger ou à boire, on est constamment menacés. Ils peuvent vous tirer dessus à n'importe quel moment. Rien ne les arrête ; c'est pour ça que la plupart des gens sont partis. Nous, on ne peut pas partir, parce que ça coute trop cher. C'est vraiment difficile pour ceux qui restent, ajoute-t-il. On ne peut rien faire ! On attend... On attend qu'ils nous tuent ou qu'ils arrêtent ».
Lui et sa famille restent cloitrés chez eux « car nous n'avons pas les moyens de partir ».