Reprise hier lundi 13 novembre 2023 du procès du massacre du 28 septembre 2009 à Conakry.
Après près de trois semaines de suspension due à une grève des avocats dont l'un avait été physiquement agressé par le procureur de la République près le tribunal de première instance de Coyah, c'est le retour au prétoire pour les accusés, poursuivis pour le meurtre de 156 personnes et le viol de 109 femmes.
Mais c'est dans une atmosphère particulièrement tendue et confuse que l'ancien chef de l'Etat, Moussa Dadis Camara, et ses coaccusés ont repris le chemin du tribunal criminel spécial de la Cour d'appel de Conakry pour une audience consacrée à l'audition des témoins.
En effet, depuis le 4 novembre dernier, toute la Guinée n'en finit pas de s'interroger sur les circonstances exactes de cette tentative d'évasion de l'ex-numéro un du Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD) et trois de ses co-pensionnaires de la Maison centrale.
Si le capitaine Moussa Dadis Camara, Moussa Thiégboro Camara, anciennement directeur des services spéciaux chargé de la lutte contre la drogue et le crime organisé et Blaise Goumou ont pu être rattrapés et reconduits en cellule, il n'en est pas de même pour Claude Pivi, toujours en cavale.
Ministre chargé de la Sécurité présidentielle lors de la répression du 28 septembre, réputé et redouté à la fois pour son ardeur militaire et les pouvoirs mystiques qu'on lui prête, le fugitif est aujourd'hui l'objet d'une véritable chasse à l'homme. Et pour cause !
Rien de surprenant donc que sa tête soit mise à prix pour un montant de 500 millions de francs guinéens, soit l'équivalent de 35 millions de FCFA. Cela d'autant plus que pour certains, derrière cette tentative d'évasion se cacherait quelque chose d'autrement plus sérieux, notamment un projet de coup d'Etat contre le Colonel Mamady Doumbouya. On se rappelle que ce dernier, dès sa prise du pouvoir en septembre 2021, a fait de la tenue du procès une de ses priorités.
Comme il fallait s'y attendre, l'écho de ce « prison break à Conakry » a retenti à l'audience d'hier dans la mesure où les avocats de la défense ont soulevé des questions liées à leur propre sécurité et les difficultés qu'ils rencontrent désormais pour avoir accès à leurs clients.
Après plusieurs heures de suspension, le procès a enfin pu reprendre son cours avec la poursuite du passage de certains témoins.
Leur audition permettra-t-elle d'en savoir davantage sur ce qui s'est réellement passé le jour du massacre et d'en situer les responsabilités ?
Difficile pour le moment de répondre à cette question que se posent les parents des victimes depuis près de quinze ans.
En tout cas, jusque-là, les onze accusés ont plaidé chacun non coupable sur fond d'accusations mutuelles.
Mais pour d'aucuns, cette tentative de se faire la malle sonne comme un aveu de culpabilité de Moussa Dadis Camara et de ses trois autres camarades de prison qui auraient voulu ainsi anticiper un verdict inéluctablement défavorable.
Certes, une enquête a été ouverte sur cette nouvelle affaire mais on se demande si dans le procès en cours elle n'influencera pas la décision du juge qui pourrait avoir la main particulièrement lourde contre des prévenus ayant tenté de se soustraire à la justice.