C'est dans un climat délétère et de fortes tensions que les Malgaches étaient appelés aux urnes, le 16 novembre 2023, pour élire leur nouveau président.
Des tensions exacerbées par la répression des manifestations de l'opposition dont la dizaine de candidats réunis au sein d'un « Collectif des 10 », a appelé au boycott du scrutin, faute d'en avoir obtenu le report. Elle pointe du doigt des irrégularités, tout en contestant l'éligibilité du président sortant, Andry Rajoelina, qui brigue un second mandat.
De quoi jeter une ombre sur une élection qui a déjà fait couler beaucoup d'encre et de salive et qui fait craindre une crise post-électorale, après celle préélectorale qui a émaillé la campagne et dont l'enjeu majeur restait le taux de participation des électeurs au scrutin d'hier. Toujours est-il qu'en l'absence des dix candidats de l'opposition qui ont opté pour le boycott, la compétition se jouait entre le président sortant, Andry Rajoelina et ses deux challengers que sont Siteny Randrianasoloniaiko, le député de Tuléar, et Sendrison Raderanirina qui est plutôt un novice qui semble faire ses premières armes en politique.
Au regard de son histoire, les votes ont toujours été des moments d'angoisses à Madagascar
C'est dire si sauf cataclysme, le locataire du palais présidentiel est bien parti pour rempiler pour ce second mandat qui semble lui tenir à coeur. Et ce, à en juger par les moyens colossaux qu'il a déployés lors d'une campagne rondement menée à l'américaine pendant que ses adversaires les plus farouches de l'opposition, se perdaient en recours pour l'invalidation de sa candidature ou le report du scrutin, si ce n'est pour réclamer la recomposition de la Commission électorale ou exiger l'instauration de nouvelles règles du jeu.
Et le taux de participation ne semble pas être pour Rajoelina, une préoccupation particulière même si cela pourrait affecter sa légitimité en cas de victoire sur fond de faible participation de l'électorat. En tout cas, au regard de son engagement et de sa détermination, tout porte à croire que seule compte pour TGV, comme on surnomme le DJ devenu président, sa réélection.
Et ce, dans un contexte de fortes contestations qui préfigurent une crise post-électorale dans un pays chauffé à blanc par de vives tensions qui ont nécessité l'instauration d'un couvre-feu, à la veille du scrutin. De quoi se poser des questions sur l'avenir de ce pays qui ne déroge pas à la règle des violences pré et post-électorales au point que la question qui se pose à l'issue du scrutin d'hier, est la suivante : quels lendemains pour la Grande île ?
La question est d'autant plus fondée qu'au regard de son histoire, les votes ont toujours été des moments d'angoisses à Madagascar. Et cette année encore, les ingrédients d'une crise post-électorale sont réunis au point que l'on peut redouter que la Grande Île renoue avec ses vieux démons. Comment peut-il en être autrement quand les critiques sur l'organisation du scrutin, restent nombreuses ?
La hantise d'une crise post-électorale fait planer des menaces sur la stabilité du pays
Comment peut-il encore en être autrement quand la division profonde que traverse la classe politique, tend à rendre inéluctable la contestation des résultats ? Comment peut-il enfin en être autrement quand les lignes de fracture restent aussi saillantes entre les acteurs politiques ? Avec, d'une part, une opposition toujours aussi grincheuse, et, de l'autre, un président-candidat qui semble prêt à tout pour sa réélection et qui n'attend que le verdict des urnes pour légitimer un pouvoir que lui contestent déjà ses contempteurs ?
C'est dire si à Madagascar, la crise reste profonde et rien ne dit que le vote du 16 novembre dernier, permettra de la résorber, pour autant que ce premier tour du scrutin puisse désigner déjà un vainqueur. En attendant, la hantise d'une crise post-électorale fait planer des menaces sur la stabilité du pays. C'est pourquoi ces tensions électorales à répétition doivent interpeller la classe politique malgache dans son ensemble, à changer son fusil d'épaule.
Il faut créer les conditions d'une vraie démocratie qui prenne en compte les aspirations du peuple malgache. Un peuple qui fait partie des plus pauvres de la planète et qui aspire depuis toujours à un mieux-être. Car, quand ce ne sont pas des questions d'ego surdimensionnés, tout porte à croire que ce sont des rancunes tenaces qui ne font que creuser le fossé de la division entre les fils de ce pays.
Toutes choses qui tendent à reléguer les questions de développement au second plan. La Grande Île mérite mieux. Surtout qu'au-delà de la victoire à la présidentielle, il y a une économie à redresser d'urgence. Ce qui est en soi déjà une lourde responsabilité pour le futur président, dans un pays où près de la moitié de la population n'a pas accès à l'eau potable.