Le temps presse pour aider l'Afrique à se nourrir

17 Novembre 2023
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African Development Bank (Abidjan)
opinion

Article original : https://www.newsweek.com/time-running-out-help-africa-feed-itself-opinion-1844136

Le défi de nourrir le monde est immense, compte tenu des effets implacables du changement climatique, que ce soit les sécheresses ou les inondations, qui ont toutes deux augmenté en fréquence et en intensité en Afrique. Pour assurer l'approvisionnement alimentaire mondial d'ici 2050, date à laquelle la population mondiale atteindra 9,6 milliards d'habitants, l'Afrique doit faire partie de la solution.

Le Sommet mondial sur la sécurité alimentaire, qui se tient ce mois-ci à Londres, représente une étape importante pour galvaniser l'action des dirigeants qui comprennent la gravité du problème. L'Afrique qui dispose de 65 % des terres arables non cultivées de la planète, a le potentiel pour atteindre l'objectif de la sécurité alimentaire intérieure et jouer un rôle plus important dans l'alimentation du monde. Des terres plus productives pourraient créer une économie alimentaire et agro-industrielle d'une valeur d'un milliard de dollars d'ici 2030 et faire passer l'Afrique d'un statut d'importateur net de denrées alimentaires à celui d'exportateur net.

L'heure du changement a sonné

Trois éléments clés sont nécessaires pour opérer un changement transformationnel. Il est essentiel d'investir davantage dans la recherche et le développement pour accroître la productivité globale. Il est également nécessaire d'accroître les financements pour les systèmes agricoles à l'épreuve du climat, en particulier en fournissant des technologies agricoles intelligentes face au climat à des millions d'agriculteurs. Il est essentiel que le secteur privé investisse davantage dans le développement de chaînes de valeur agricoles plus efficaces qui, à leur tour, réduisent les pertes de denrées alimentaires. Ces éléments doivent s'accompagner d'une forte volonté politique. Le Sommet « Nourrir l'Afrique » de Dakar qui s'est tenu en janvier [2023] et auquel ont participé 34 chefs d'État et de gouvernement a permis de mobiliser 72 milliards de dollars à l'échelle mondiale pour soutenir des pactes de fourniture de denrées alimentaires et de produits agricoles dans les pays africains.

Il est temps de mettre à l'échelle les technologies et les innovations agricoles

Le programme Technologies pour la transformation de l'agriculture africaine (TAAT), qui réunit les centres mondiaux de recherche agricole du CGIAR, des organismes de recherche nationaux et régionaux et des entreprises agro-industrielles du secteur privé, donne des résultats impressionnants à une échelle encore jamais vue en Afrique. Il a fourni des variétés de blé, de riz et de maïs intelligentes face au climat à plus de 12 millions d'agriculteurs au cours des quatre dernières années. Avec le soutien de l'initiative TAAT du Groupe de la Banque africaine de développement, des variétés de blé résistantes à la chaleur ont été cultivées par des millions d'agriculteurs en Éthiopie, et ont aidé le pays à atteindre l'autosuffisance en blé en quatre ans. Ce n'est là qu'un exemple de réussite parmi tant d'autres.

Mais dans l'ensemble, la capacité à accélérer l'adoption et à transposer à plus grande échelle des projets prometteurs reste limitée. Pour ce faire, le CGIAR doit doubler son budget annuel d'ici 2030 pour atteindre 2 milliards de dollars par an. Les recherches montrent que ce serait de l'argent bien dépensé, car un dollar d'investissement dans ses travaux procure 10 dollars d'avantages aux communautés agricoles locales. Les innovations du CGIAR ont besoin d'une courroie de transmission pour accélérer leur intégration dans le portefeuille des grands financeurs, notamment les institutions financières internationales telles que la Banque mondiale, la Banque africaine de développement et d'autres acteurs clés.

Un agriculteur labourant un champ avec son tracteur à Shendi, sur les rives du Nil à 190 kilomètres de Khartoum, le 5 octobre 2023. AFP VIA GETTY IMAGES

Des Zones spéciales de transformation agro-industrielle pour aider à réduire les pertes

On estime que la transformation du système alimentaire en Afrique nécessitera 614 milliards de dollars jusqu'en 2030. Sur ce montant, 15,4 milliards de dollars par an devraient provenir de fonds publics et 68,1 milliards de dollars du secteur privé. La raison en est que lorsque les deux investissent efficacement ensemble, le financement public dérisque et suscite l'investissement privé.

Africa Improved Foods, le premier grand partenariat public-privé du continent visant spécifiquement à éradiquer la faim et la malnutrition, a démarré en 2016 avec un investissement de 65 millions de dollars d'un consortium comprenant le gouvernement du Rwanda et le groupe mondial DSM spécialisé dans les sciences de la vie. Aujourd'hui, il profite à 1,6 million de personnes par jour et travaille avec 90 000 petits exploitants agricoles auprès desquels il achète des produits à des prix prédéterminés.

Mais pour gagner la confiance et l'investissement du secteur privé, les gouvernements doivent d'abord tenir leurs promesses. Ce qu'il faut, c'est un écosystème qui profite à toutes les parties prenantes grâce à des politiques favorables aux entreprises et aux investissements.

La Banque africaine de développement, le Fonds international de développement agricole et la Banque islamique de développement investissent plus de 1,5 milliard de dollars dans 25 Zones spéciales de transformation agro-industrielles. L'Afrique perd une grande partie des denrées alimentaires qu'elle produit en raison d'un stockage inadéquat ainsi que d'un traitement et d'une transformation post-récolte médiocres. Investir dans le développement d'infrastructures qui soutiennent l'agriculture et l'agro-industrie, comme les Zones spéciales de transformation agro-industrielle, est la clé de la création de nouvelles richesses dans les économies rurales de l'Afrique, grâce à la transformation et à l'ajout de valeur aux produits agricoles de base.

Irriguer pour prospérer

Les dernières pièces du puzzle pour rendre l'Afrique autosuffisante sur le plan alimentaire sont un approvisionnement en eau fiable et que les exploitants agricoles aient de bonnes compétences en matière de gestion. Actuellement, moins de 10 % des terres arables africaines sont irriguées, contre 30 % en Asie.

La clé est de veiller à ce que les agriculteurs décident des technologies à acheter et à utiliser. En Tanzanie, lorsque cette approche a été adoptée, les agriculteurs ont constaté une amélioration de 55 % de la fiabilité de l'approvisionnement en eau.

De même qu'une amélioration de l'irrigation augmentera la production agricole, une amélioration des connaissances des agriculteurs le fera également. Les efforts visant à éduquer les agriculteurs et à leur donner accès aux informations sur les marchés et les conditions météorologiques peuvent être bénéfiques. Digital Green, qui opère en partenariat avec le gouvernement éthiopien depuis 2011, a touché plus de 560 000 petits exploitants agricoles par le biais de vidéos, de la radio et de la téléphonie mobile, leur prodiguant des conseils sur les pratiques durables et la nutrition. Il a également permis à 3,5 millions d'agriculteurs supplémentaires d'accéder à des services numériques locaux et pertinents de conseils sur le climat.

Les gouvernements ont depuis longtemps reconnu l'importance de mettre fin à l'insécurité alimentaire en Afrique, pour notre bien à tous. Il est temps à présent de passer des paroles aux actes. Lors de la COP28, les pays développés doivent tenir leur promesse de doubler le financement de l'adaptation d'ici 2025. Ce n'est qu'alors que l'Afrique pourra prendre les mesures nécessaires pour se nourrir et jouer un rôle plus important pour aider à nourrir le monde.

Macky Sall est le président du Sénégal.

Akinwumi Adesina est le président de la Banque africaine de développement.

Patrick Verkooijen est le PDG du Centre mondial pour l'adaptation.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles des auteurs.

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