Le Tchad, un pays aux prises avec d'immenses défis de développement dont les chocs climatiques et la sécurité alimentaire, accueille aujourd'hui un million de réfugiés, ce qui représente une personne sur 17 dans le pays.
Ce chiffre est vertigineux pour un pays affichant un taux de pauvreté de 42 %. Cependant, malgré toutes ces difficultés, le Tchad a gardé ses frontières ouvertes, accueillant les réfugiés et leur garantissant des droits égaux, notamment à la scolarisation et à la libre circulation.
Vu d'en haut, le campement provisoire de transit d'Ourang ressemble à une constellation de petits points blancs éparpillés des deux côtés d'Adré, une petite ville à la frontière entre le Tchad et le Soudan. Établi à la hâte pour répondre à l'afflux de réfugiés venus du Soudan, le campement se trouve à environ 1 000 kilomètres de N'Djamena, la capitale du Tchad.
Ce campement provisoire, qui se résume à un ensemble de tentes faites avec des bâches, abrite majoritairement des femmes et des enfants ayant récemment fui le Soudan, chacun porteur d'une histoire déchirante. Sur le site, deux tentes plus grandes permettent de stocker la nourriture et des kits comprenant des matelas et des bassines pour les réfugiés qui ont dû tout laisser derrière eux. Cependant ces maigres ressources s'avèrent insuffisantes, et les récits des survivants dressent un constat accablant.
Fatna Adam Mahamat, mère de cinq enfants, fait partie des plus chanceuses, qui ont réussi à traverser la frontière vivante. « Des gens sont venus chez nous, nous ont brutalement attaqués et ont volé notre argent, » raconte-t-elle. Son mari n'a pas eu sa chance : il a été assassiné en chemin vers le Tchad.
Susana Borges, coordonnatrice des mesures d'urgence pour Docteurs sans Frontières à Adré, supervise un centre de santé qui fournit son soutien aux enfants et aux mères d'enfants en bas âge au sein de l'unité gynécologique. « Pour l'heure les priorités sanitaires auxquelles nous sommes confrontés sont le paludisme, la diarrhée et la malnutrition. Nous faisons de notre mieux mais les besoins sont énormes ». Malgré les efforts acharnés de son équipe, l'échelle de la crise est écrasante.
Le Tchad, un pays aux prises avec d'immenses défis de développement dont les chocs climatiques et la sécurité alimentaire, accueille aujourd'hui un million de réfugiés, ce qui représente une personne sur 17 dans le pays. Ce chiffre est vertigineux pour un pays affichant un taux de pauvreté de 42 %. Cependant, malgré toutes ces difficultés, le Tchad a gardé ses frontières ouvertes, accueillant les réfugiés et leur garantissant des droits égaux, notamment à la scolarisation et à la libre circulation.
L'inaction n'est pas une option. Le Tchad doit faire l'objet d'une attention internationale, d'une coordination et d'un appui renforcés. Mais pour être efficace, notre action doit s'attaquer à la fois aux besoins immédiats des personnes affectées par de telles crises mais également au développement à plus long terme, raison pour laquelle notre partenariat avec le HCR est si important.
Anna Bjerde, Directrice générale des opérations, Banque mondiale
À l'occasion d'une visite conjointe à la frontière entre le Tchad et le Soudan, aux côtés de Filippo Grandi, le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), Anna Bjerde, la directrice générale des opérations de la Banque mondiale, a annoncé un nouveau financement de 340 millions de dollars pour aider le Tchad à faire face à ces défis multiples, dont 90 millions de dollars destinés à la réponse à l'afflux massif de réfugiés venus des pays voisins.
Ce financement s'ajoute au portefeuille de 2,12 milliards de dollars, dont 235 millions de dollars de financements en cours à l'appui des réfugiés et des communautés hôtes. « L'inaction n'est pas une option. Le Tchad doit faire l'objet d'une attention internationale, d'une coordination et d'un appui renforcés. Mais pour être efficace, notre action doit s'attaquer à la fois aux besoins immédiats des personnes affectées par de telles crises mais également au développement à plus long terme, raison pour laquelle notre partenariat avec le HCR est si important, » souligne Mme Bjerde.
« Nous sommes reconnaissants de l'appui de la Banque mondiale aux réfugiés soudanais et aux généreuses communautés hôtes tchadiennes de l'Est du pays, » souligne Grandi. « Du fait de l'ampleur et de la brutalité de la crise insensée que connaît le Soudan, et étant donné qu'elle risque fort de se prolonger, un appui aussi bien humanitaire que tourné vers le développement est indispensable. Nous espérons que l'exemple de la Banque mondiale inspirera d'autres acteurs du développement à renforcer leurs interventions, car le Tchad ne peut pas être laissé à lui-même pour répondre à cette crise majeure. »
À un peu moins de 50 km d'Adré, le village de Farchana accueille également une large population de réfugiés soudanais. Nombre d'entre eux sont issus de la région dévastée du Darfour, symbole du conflit enlisé au Soudan et se sont installés dans le village il y a déjà 20 ans. Farchana est un bon exemple du genre de partenariat nécessaire pour mieux répondre aux catastrophes telles que la crise actuelle des réfugiés du Soudan. Sur place, la Banque mondiale collabore au côté du gouvernement, du HCR et d'autres partenaires pour appuyer les réfugiés et les communautés hôtes à travers le projet d'Appui aux réfugiés et aux communautés d'accueil (PARCA).
Habiba Bilal a défendu avec succès l'intégration des réfugiés au sein de leur communauté hôte. Avec sa formation d'enseignante, cette mère tchadienne de quatre enfants ne supportait pas de voir les enfants réfugiés et locaux livrés à eux-mêmes toute la journée sans accès à l'éducation. Elle a alors décidé de prendre les choses en main et a construit une hutte pour en faire une salle de classe et commencer à enseigner aux enfants de tous âges.
Aujourd'hui, avec l'appui de la Banque mondiale, cette modeste structure initiale s'est développée pour devenir une école pleinement fonctionnelle qui compte 6 salles de classe équipées de matériel pédagogique. Baptisée "École Habiba Bilal", l'école a été officiellement inaugurée en septembre dernier et accueille plus de 600 enfants issus des communautés locales comme des communautés réfugiées. Le fait que l'école porte son nom remplit Bilal d'une immense fierté.
« Le projet PARCA, qui offre à la fois des services de santé et d'éducation dans plusieurs régions du pays, est une opportunité pour renforcer la résilience des ménages, qu'ils soient réfugiés ou issus des communautés hôtes. Au niveau communautaire, cela permet aussi de promouvoir la cohésion sociale et d'atténuer l'impact à long terme des déplacements forcés, » rappelle Rasit Pertev, directeur des opérations de la Banque mondiale pour le Tchad, qui assistait à l'inauguration de l'école aux côtés d'Anna Bjerde.
Grâce à ce projet financé par la Banque mondiale, le gouvernement appuie également l'activité économique par le biais de transferts monétaires, de plans d'épargne volontaires et de microcrédits. Les bénéficiaires reçoivent aussi des formations pour développer des plans d'affaires afin de lancer leur micro-entreprise.
Halimé Mousa, mère de 5 enfants, partage sa gratitude : « Grâce à cet argent, j'ai pu commencer mon petit commerce. Quand mes enfants sont malades, je n'ai plus besoin de demander de l'aide pour pouvoir les emmener à l'hôpital, » explique-t-elle. Au village de Farchana, la résilience est un mode de vie et l'espoir persiste. Fatma Issa une autre réfugiée soudanaise l'exprime en ces termes : « On a échappé à la mort, mais la vie doit suivre son cours. »