Mali: Quelle stratégie sécuritaire et sociale pour l'armée malienne à Kidal?

Des membres du groupe Wagner entraînent les troupes biélorusses.

Cela fait un peu plus d'une semaine que l'armée malienne et ses supplétifs russes de Wagner ont pris le contrôle de Kidal, fief des rebelles du Cadre stratégique permanent (CSP), dans le nord du pays. Les autorités maliennes de transition « invitent » à présent les Kidalois qui avaient fui les violences à revenir et s'engagent à assurer leur protection. Quelle est à présent la stratégie sécuritaire et sociale de l'armée malienne à Kidal ?

Kidal était administrée par les rebelles depuis plus de dix ans. Dans le cadre, depuis 2015, de l'accord de paix. Avant l'arrivée de l'armée le mardi 14 novembre, la ville s'était largement vidée de ses habitants. Tous ceux qui sont partis ne sont pas affiliés au CSP, les civils ont d'abord fui les bombardements. Mais ils s'accommodaient, pour le moins, de l'autorité des rebelles - en l'occurrence des groupes de la Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA), aujourd'hui essentielle composante du CSP - voire la soutenaient.

De la même manière, tous les Kidalois qui sont restés ne combattent pas pour l'armée malienne, mais la soutiennent globalement. Et c'est sur eux que l'armée, nouvelle maîtresse des lieux, s'appuie désormais.

« Elle peut s'appuyer sur les légitimités traditionnelles qui sont restées. Le CSP n'a pas que des amis à Kidal, pointe le chercheur malien Boubacar Ba, directeur du Centre d'analyse sur la gouvernance et la sécurité au Sahel. Il y a des communautés qui n'étaient pas d'accord avec eux. Je ne vais pas citer ces communautés, mais il y a quand même des populations à Kidal qui n'étaient pas très à l'aise, donc l'État va s'appuyer sur eux pour réorganiser la ville, sur des bases de négociation. »

Depuis la conquête de la ville de Kidal, l'armée malienne multiplie les déclarations pour demander aux déplacés et aux réfugiés, de la ville et de toute la région, de revenir. Les Fama s'engagent à assurer leur protection. Mais les Kidalois qui ont fui craignent justement les exactions de l'armée malienne et de ses supplétifs de Wagner. Ils craignent les amalgames et le risque de représailles à connotation ethnique.

Crainte des exactions

C'est ce que confient à RFI des déplacés civils de Kidal, actuellement à la frontière algérienne, avec leur famille. Tous ont en tête les nombreuses exactions dont sont accusés les soldats maliens et leurs alliés, y compris lors de leur progression vers Kidal, comme à Ersane, début octobre, où 17 civils ont été exécutés et décapités. Tous ont également vu sur les réseaux sociaux, les images des pillages qui ont succédé à l'arrivée de l'armée dans la ville et les appels à la violence, y compris au viol, proférés sur ces mêmes réseaux sociaux par des personnalités proches des autorités de transition.

Ils craignent aussi la résurgence des combats : les rebelles du CSP n'ont pas déposé les armes et les jihadistes du Jnim (Groupe de soutien à l'Islam et aux musulmans), liés à al-Qaïda, menacent aussi la ville.

« Les rebelles du CSP se sont repliés vers la zone de Tinzaouatine, frontalière avec l'Algérie, et dans la région de Timétrine, avec les montagnes, explique Boubacar Ba. Les mouvements du CSP pourraient trouver un modus operandi avec le Jnim, parce qu'ils ont quand même des passerelles, pour tenter de résister et de reconquérir la ville de Kidal. »

Les autorités maliennes de transition viennent de remporter un incontestable succès militaire. La prochaine bataille de Kidal sera d'y assurer la sécurité et la cohésion sociale.

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