Ile Maurice: Des panneaux photovoltaïques sur chaque toit

Panneaux solaires
27 Novembre 2023

Alors qu'il y a toujours une polémique autour de l'affaire CorexSolar et qu'une autre a émergé quant à la préférence étrangère aux dépens de promoteurs locaux, un chercheur mauricien propose la production d'énergie à partir de panneaux photovoltaïques par chaque ménage.

Démocratiser la production d'énergie et privilégier des solutions locales est possible. Joanna Bérenger avait, lors d'une conférence de presse, le 16 septembre, non seulement exposé des irrégularités concernant le contrat accordé à l'entreprise réunionnaise, mais elle s'était aussi demandé pourquoi allouer un contrat à Rs 5 milliards à une compagnie étrangère qui rapatrierait annuellement ses bénéfices, faisant ainsi perdre de précieuses devises à notre pays. Autrement dit, pourquoi les revenus générés à partir d'un marché captif devraient-ils être perdus pour le pays ?

En attendant, l'express a pris connaissance d'une étude, publiée en juillet 2023, par un enseignant à l'université des Mascareignes, Dhirajsing Rughoo, qui démontre qu'il est possible et souhaitable que les ménages produisent leur propre énergie. Comment ? Tout simplement en installant des panneaux photovoltaïques (PV) sur le toit de chaque maison ou du moins, chez ceux qui le veulent. Tout comme le chauffe-eau solaire qui est déjà installé sur 60 000 maisons. L'universitaire parle de démocratisation de la production d'énergie. «The policy strategy adopted is focused mainly on the democratization of energy consumption by ensuring participation of residents rather than employing policies to assist Independent Power Producers (IPPs), primarily owned by foreign investors. The general trend is such that more emphasis is being placed on distributed energy generation rather than more centralized forms of renewable energy systems.»

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200 % de nos besoins

Le scientifique a fait une étude sur la possibilité de l'installation de PV dans le village de Goodlands, en utilisant le logiciel QGIS qui lui a permis de prendre des photos des habitations du ciel. De là, à la suite de calculs savants, Rughoo démontre que ce village pourrait fournir à lui seul 3,6 % de la consommation nationale d'électricité, et le district de Plaine-Wilhems, 57,7 %. Si l'on installe des PV sur toutes les maisons et tous les bâtiments du pays, on pourra produire 200 % de notre besoin pour l'année ! Il a pris en compte les différences dans le taux de radiation du soleil dépendant des lieux, des saisons et de la météo (quand il pleut, les PV refroidissent), entre autres.

Ces panneaux photovoltaïques permettent non seulement de produire sa propre électricité, mais aussi d'en revendre au CEB et d'isoler son toit de la chaleur...

Le surplus d'énergie solaire produit par chaque ménage pourrait, selon lui, être revendu au Central Electricity Board (CEB) grâce au système de «net-metering» (gross-metering à partir de 2021). Ou alors être stocké et distribué dans des lieux qui ne produisent pas d'énergie solaire. Dhirajsing Rughoo propose aussi une solution pour tout excès d'énergie : pomper l'eau des rivières et des canaux vers nos réservoirs pendant le jour et l'utiliser ensuite pour faire tourner des turbines la nuit pour produire de l'électricité. La production sur place de l'énergie solaire évite aussi la perte lors de la transmission.

Selon Pavitra Maulloo, un ingénieur avec dix ans d'expérience dans le domaine, un toit de 500 pieds carrés pourrait être couvert de PV de 5 kW, qui pourront produire 650 kWh par mois en moyenne. Les panneaux solaires occuperont dans ce cas la moitié de la superficie du toit, ce qui laisserait amplement la place pour un réservoir. Pour un ménage moyen, il suffirait d'installer 7 PV de 25 m2 chacun. Pour une consommation de 400 kWh d'électricité mensuellement, le ménage pourrait économiser jusqu'à Rs 2 750. Cependant, pour une consommation de moins de 200 kWh par mois et si des PV de 3kW sont utilisés, le temps pour recouvrir l'investissement sera plus long. On pourrait en effet, dépendant de la taille du toit, produire plus, pour ensuite revendre l'excès d'électricité produit au CEB, à travers le Gross-metering qui a remplacé le net-metering depuis décembre 2021.

Pour un ménage normal, l'investissement dans des PV peut être amorti en 11 ans. Sauf si l'État ou le CEB vient avec un plan d'aide aux ménages qui en ont besoin. L'entretien des PV, lui, ne coûterait presque rien : il suffirait de les nettoyer de temps à autre pour enlever la poussière ou autres éléments qui pourraient empêcher un bon captage des rayons du soleil.

Dhirajsing Rughoo rappelle que 78,2 % de notre production d'électricité provient de la combustion de carburants polluants importés à Rs 39 milliards en 2017, et qui représente 17 % de nos importations totales. Encore des fuites de devises qui provoquent l'inflation.

Autres avantages

L'installation de PV sur les toits pourrait apporter d'autres avantages inattendus, nous explique un ingénieur. En période de grandes chaleurs, les toits sont les plus exposés aux rayons ardents du soleil qui sont absorbés et stockés par la dalle en béton. C'est pour cela que les occupants ressentent encore plus la chaleur intense. En recouvrant le toit, même en partie, avec les PV, la dalle est protégée du soleil. D'ailleurs, certains habitants du littoral qui ajoutent un deuxième toit en tôle pour que le toit ne fuite plus en temps pluvieux ont remarqué que leur maison est aussi protégée de la chaleur intense, d'où l'utilisation moindre de la climatisation.

Déjà en 2008...

Le député travailliste Osman Mohamed nous rappelle que le projet de production d'énergie à partir de PV sur les toits par les ménages et les entreprises avait déjà été lancé en 2008. «J'étais le directeur de Maurice île Durable et, avec le ministère de l'Énergie et l'aide de l'UNDP, on avait travaillé sur un tarif supérieur que le CEB allait payer aux producteurs individuels. Plusieurs personnes ont commencé la production à partir de 2010.» Le gouvernement, nous dit-il, avait voté un budget de Rs 50 millions, payable au CEB qui l'utilisait pour payer les producteurs. L'excès d'énergie produit était vendu au CEB.

Projet agri-solaire

SUNfarming, le projet agri-solaire de technologie allemande installé à Gros-Cailloux, y a lancé sur une base pilote un projet en août (voir l'express du 28 août 2023). Selon Chetan Jankee, le Project Manager à Maurice, le système propose de faire de l'agriculture sous abri («sheltered farming»), l'abri étant constitué de panneaux solaires qui produisent de l'électricité. Ce n'est pas tout. Le système fournit aussi l'irrigation goutte-à-goutte (optimisation de l'utilisation d'eau) et permet de pratiquer l'agriculture bio avec le contrôle des intrants. Une merveille, diriez-vous ? D'autant que ce genre de projet permet de ne pas gaspiller nos rares ressources en terre et que ce projet semble parfaitement cadrer avec les grandes envolées écologiques de nos dirigeants.

Pourtant, SUNfarming ne semble pas particulièrement intéresser le gouvernement, en tout cas pas dans la pratique. Ainsi, des propriétaires de terrains agricoles qui avaient trouvé l'idée proposée par SUNfarming géniale ont vite désenchanté lorsqu'ils ont rencontré des représentants du CEB. Ils nous ont tous donné le nom d'un même ingénieur qui a tout fait pour les décourager dans cette voie, en leur faisant comprendre, entre autres, que le CEB n'approuvera pas de projet agrisolaire pour des raisons administratives. Au CEB, on nous fait savoir pourtant qu'un «Agro-Solar Scheme» est en cours d'élaboration et notre interlocuteur ne comprend pas pourquoi l'ingénieur en question tient de tels propos. Mais comment SUNfarming a-t-elle pu lancer son projet sans que le CEB suive ? Un ingénieur nous explique : «Certains au gouvernement ne s'intéressent à des projets que s'ils leur rapportent personnellement. Pas au pays, aux Mauriciens ou à l'environnement.»

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