LUSAKA — La Zambie s'engage auprès des Centres africains de contrôle et de prévention des maladies (Africa-CDC) à établir sur son sol le centre de production de vaccins anticholériques du continent.
Le président zambien, Hakainde Hichilema, l'a fait savoir lors de la troisième Conférence internationale sur la santé publique en Afrique (CPHIA) qui s'est tenue à Lusaka en Zambie du 27 au 30 novembre 2023.
« Nous voulons que la Zambie soit considérée comme le fabricant du vaccin contre le choléra », a-t-il affirmé.
''Nous avons pu réfléchir à la feuille de route en termes de ce qui est nécessaire pour que la fabrication locale de vaccins arrive à terme. Nous pourrons atteindre 60% des vaccins fabriqués sur le continent''Akhona Tshangela, Africa CDC
En effet, dans une interview avec SciDev.Net en marge de la conférence, Akhona Tshangela, coordonnatrice du programme PAVM[1] chez Africa CDC, a révélé que le vaccin oral contre le choléra a été intégré parmi les 22 vaccins prioritaires à être produits localement.
« Plusieurs vaccins candidats ont été proposés pour être produits sur le continent, qu'il s'agisse de vaccins du programme élargi de vaccination (PEV) ou de nouveaux vaccins tels que ceux contre la tuberculose et le paludisme », confirme Kudzai Makomva, associée directrice de Market Access Africa, une organisation qui fournit des solutions de santé transformationnelles pour l'Afrique.
Akhona Tshangela souligne que parmi les vaccins figurant en tête de liste des priorités, la fabrication locale de vaccins oraux contre le choléra sur le continent a été spécifiquement identifiée, en réponse à une demande croissante pour ce type de vaccin.
A l'en croire, cette initiative vise à résoudre le problème critique de l'approvisionnement exacerbé par la capacité de production limitée et les défis logistiques liés à la chaîne d'approvisionnement.
Car, SciDev.Net a appris qu'actuellement, la production de ce vaccin est faite par un nombre restreint d'organisations, et l'engagement en faveur de la production locale représente une réponse stratégique pour atténuer ces contraintes et renforcer l'accès au vaccin contre le choléra.
Dès lors, la « Déclaration de Lusaka » adoptée au cours de cette conférence plaide en faveur de solutions locales par la mise en place d'une production locale de vaccins, de diagnostics, de thérapies et d'autres produits médicaux.
1% de vaccins produits en Afrique
Selon Africa CDC, environ de 1% des vaccins, 5% des diagnostics et 30% des produits thérapeutiques utilisés en Afrique sont actuellement fabriqués sur le continent.
Les experts soulignent en conséquence le besoin urgent de renforcer les capacités de production médicale de l'Afrique afin d'améliorer son autosuffisance médicale et de réduire sa vulnérabilité aux ruptures d'approvisionnement.
« Au cours des deux dernières années, nous avons pu réfléchir à la feuille de route en termes de ce qui est nécessaire pour que la fabrication locale de vaccins arrive à terme. Nous pourrons atteindre 60% des vaccins fabriqués sur le continent et destinés à être utilisés par la population », soutient Akhona Tshangela.
Actuellement certains pays sont en phase de préparation pour la mise en place des industries de fabrication de vaccins, en particulier des vaccins à ARN messager qui seront fabriqués en Afrique. Il s'agit en notamment du Rwanda, du Sénégal et de l'Afrique du Sud. Mais, d'autres pays comme le Kenya, le Nigéria, le Maroc et la Tunisie souhaitent s'y lancer également.
Jean Kaseya, le directeur général d'Africa CDC, souligne que la fabrication locale de vaccins et d'autres produits médicaux représenterait la deuxième indépendance de l'Afrique.
Il ajoute que l'augmentation de la production locale de vaccins, de médicaments et de diagnostics serait un moyen important d'améliorer la santé publique sur le continent.
Toutefois, « l'Afrique manque d'infrastructures, de capacités de production et de savoir-faire pour créer un écosystème robuste et d'autres produits médicaux dont nous avons besoin », regrette Jean Kaseya.
C'est pour cela que, affirme ce dernier, « au-delà des vaccins, les pays africains ont décidé de créer la plateforme pour la fabrication harmonisée de produits de santé en Afrique (PHAHM)».
Evaluation de faisabilité
Selon Kudzai Makomva, l'innovation est en cours à différents niveaux sur le continent, mais n'en est généralement qu'à ses balbutiements.
Pour cette dernière, les pays doivent procéder à des évaluations de faisabilité solides, en examinant la taille du marché et les possibilités de commercialisation, avant de se lancer dans les investissements importants qui sont nécessaires.
Elle ajoute que les pays doivent également travailler ensemble pour contribuer collectivement aux efforts de fabrication. Il n'est peut-être pas nécessaire ou productif, explique-t-elle, d'essayer d'avoir une fabrication de vaccins indépendante dans chaque pays par exemple ; mais différents pays peuvent participer à différentes activités et à différentes parties de la chaîne de valeur.
Kudzai Makomva soutient enfin que certains pays peuvent se spécialiser dans différents segments pharmaceutiques et biotechnologiques tels que les diagnostics, les vaccins, les thérapies, etc.
Quant à Sylvia Masebo, ministre zambienne de la santé, elle pense que « la volonté politique est nécessaire pour construire des systèmes de santé durables. Toutefois, les dirigeants doivent adopter une approche globale et travailler avec d'autres ministères concernés par la santé. L'assainissement, l'éducation, par exemple ».
En 2020, le centre technologique de l'ARN messager Afrigen créé en 2014 en Afrique du Sud a été reconnu par l'OMS et la Communauté de brevets sur les médicaments comme référence pour les pays à revenu faible et intermédiaire.
En 2021, les dirigeants africains se sont engagés à faire passer la part des vaccins fabriqués en Afrique de 1 % en 2021 à 60 % en 2040. En 2022 l'Agence africaine des médicaments (AMA) a été créée au Rwanda.
Pour l'heure, l'Égypte, le Maroc, le Sénégal, l'Afrique du Sud et la Tunisie abritent les usines de fabrication de vaccins qui fournissent 1% de la consommation actuelle de vaccins en Afrique.