Tous ceux qui espéraient voir débarqué, François Compaoré, poings liés à l'aéroport international de Ouagadougou, pour répondre des faits à lui reprochés dans l'affaire de l'assassinat du journaliste Norbert Zongo et ses compagnons d'infortune, doivent désenchanter. A commencer surtout par les familles des victimes et les organisations de défense des droits humains qui veillent au grain. En effet, la France qui avait validé l'extradition du frère cadet de l'ex-président Blaise Compaoré, vers le Burkina qui en avait fait la demande, vient de se rétracter en annulant le décret ministériel pris en 2020 mais qui, faut-il le rappeler, a été attaqué auprès de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH).
Cette dernière, on s'en souvient, dans son arrêt rendu en septembre dernier, avait conclu à la violation par la France des droits de François Compaoré qui redoute une possible atteinte à son intégrité physique en cas d'extradition vers le Burkina au motif qu'après deux coups d'Etat dans le pays, « le contexte a changé ». Ce faisant, la CEDH avait demandé à la France de réexaminer la procédure d'extradition du requérant. C'est désormais chose faite d'autant plus qu'en lieu et place d'un réexamen, la France a préféré tout simplement annuler le décret autorisant la remise de François Compaoré aux autorités burkinabè.
La tension ne fait que monter davantage entre Paris et Ouagadougou
De là à voir un lien de cause à effet entre cette décision et la détérioration des relations entre Ouagadougou et Paris, c'est un pas que d'aucuns ont vite fait de franchir. Ils n'ont peut-être pas tort. Car, la France a beau justifié l'annulation du décret par sa volonté de se soumettre aux injonctions de la CEDH, d'aucuns y verront une décision politique, prise en représailles à l'humiliation que lui ont fait subir les autorités de la transition au Burkina. En tout cas, Paris, on le sait, n'a pas digéré l'éviction de son ambassadeur et de ses troupes de Ouagadougou, le tout sur fond de dénonciations de plusieurs accords historiques qui la liaient au Burkina.
Tant et si bien que si elle en a l'occasion, elle n'hésiterait pas à prendre sa revanche avec des mesures de rétorsion contre Ouagadougou qui, comme pour ne rien arranger, vient de procéder à l'arrestation, en début décembre courant, de quatre fonctionnaires français accusés d'espionnage. C'est dire si la tension ne fait que monter davantage entre Paris et Ouagadougou, et bien malin qui pourrait en prévoir l'issue. Toutefois, s'il y a quelqu'un à qui profite énormément cette brouille diplomatique, c'est bien François Compaoré qui, sans doute, se frotte les mains. Car, en plus de l'annulation de sa procédure d'extradition, il a vu son contrôle judiciaire levé tant et si bien qu'il est désormais libre de ses mouvements. Rien ne dit d'ailleurs que dans les jours à venir, il ne quitterait pas l'Hexagone pour un pays plus sûr afin de parer à toute éventualité.