Comores: Présidentielle - Enjeux et promesses des candidats

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Azali Assoumani Président des Comores

Deux élections auront lieu dans une semaine tout juste, le 14 janvier prochain, aux Comores. Le plus attendu est le scrutin présidentiel, pour lequel le chef de l'État Azali Assoumani brigue un nouveau mandat face à cinq candidats d'opposition. Les Comoriens voteront également pour les postes de gouverneurs. Quels sont les principaux enjeux de la présidentielle ? Comment les candidats entendent-ils y répondre ? Le scrutin s'annonce-t-il crédible ?

Azali Assoumani brigue un nouveau mandat. S'il est réélu, le président sortant souhaite poursuivre le travail initié depuis 2016 avec la mise en oeuvre de son « Plan Comores émergent ». Priorités affichées : « La paix, la sécurité et la démocratie. » Pour attirer les investisseurs étrangers, Azali Assoumani prône « une justice équitable » : un comité anti-corruption créé par une loi votée en septembre dernier doit être installé au sein de la Cour suprême. Le président sortant promet aussi de créer des instituts techniques pour renforcer la formation des jeunes afin, une fois encore, d'attirer des entrepreneurs mais aussi de dissuader les candidats à l'émigration. Côté santé, le président sortant envisage de créer une assurance maladie généralisée.

Élu en 2016, puis réélu en 2019 lors d'une présidentielle anticipée faisant suite à une révision constitutionnelle, Azali Assoumani pourrait, s'il sort à nouveau vainqueur, rester au pouvoir jusqu'en 2029. Pour rappel, ce Colonel avait déjà dirigé le pays après un coup d'État militaire en 1999, avant d'être élu démocratiquement en 2002. Il n'avait, à la fin de son mandat en 2006, pas cherché à se maintenir au pouvoir. L'intéressé rappelle d'ailleurs lui-même que depuis 2002, « le pays a connu cinq alternatives politiques pacifiques constitutionnelles ».

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Tournante sur-mesure

La Constitution comorienne prévoit une présidence tournante entre les trois îles qui forment l'archipel - Grande Comore, Mohéli et Anjouan ; la quatrième, Mayotte, ayant choisi d'appartenir à la France, ancienne puissance coloniale, dont elle est aujourd'hui un département. Mais la révision constitutionnelle de 2018 autorise deux quinquennats successifs, contre un seul auparavant. C'est ce qui permet à Azali Assoumani de se représenter ce 14 janvier. Et c'est d'ailleurs l'un des principaux sujets revenant dans les programmes des candidats d'opposition.

Sans remettre en cause le principe même de présidence tournante, certains dénoncent une disposition sur-mesure pour prolonger le pouvoir d'Azali Assoumani et plaident pour un retour au quinquennat unique, comme Mouigni Baraka Saïd Soilihi, du Rassemblement démocratique des Comores pour l'égalité et Daoudou Abdallah Mohamed, du parti Orange.

A cette fin, les différents candidats d'opposition proposent de modifier la Constitution ou d'en adopter une nouvelle. Bourhane Hamidou, du mouvement Woneha, fait même de la suspension du texte fondamental actuellement en vigueur sa « première priorité ».

Vie chère et éducation

Mais les électeurs, et donc les candidats, ont aussi des préoccupations plus concrètes et quotidiennes. Contre la vie chère et l'inflation, Aboudou Soefo propose par exemple de diminuer les taxes douanières et de lutter contre la spéculation des commerçants. Le candidat du parti Tsasi souhaite également « opérationnaliser rapidement l'assurance maladie généralisée » pour diminuer les charges des ménages en matière de santé. Daoudou Abdallah Mohamed propose, lui, de s'attaquer à l'inflation en réformant le système fiscal, et de relancer l'emploi des jeunes. Salim Issa Abdillah, médecin de formation et candidat de Juwa, promet la gratuité des urgences et la diminution des taxes douanières « pour un quotidien acceptable ». Mouigni Baraka Saïd Soilihi entend quant à lui diminuer le train de vie de l'État - salaire du Président, voyages officiels - pour réorienter les financements vers la santé ou l'éducation.

Alors que les enseignants du public ont mis fin le 4 janvier à une grève d'un mois et demi, pour leurs salaires, les candidats s'adressent d'ailleurs presque tous au secteur éducatif. Bourhane Hamidou assure qu'il s'agit d'une autre de ses priorités, Daoudou Abdallah Mohamed promet de travailler avec les partenaires sociaux, Aboudou Soefo entend « démocratiser » l'enseignement dont il déplore qu'il périclite actuellement dans le public « au profit du privé ».

Droits humains et crédibilité du scrutin

Les candidats d'opposition expriment enfin des inquiétudes quant à la transparence du scrutin. Daoudou Abdallah Mohamed souhaite que les forces de l'ordre se tiennent à l'écart du processus et met en cause l'indépendance du président de la Céni (Commission électorale nationale indépendante). Bourhane Hamidou, par la voix de son porte-parole, rappelle que les conditions même de convocation du corps électoral n'ont pas été conformes, selon lui, à ce que prévoit la législation.

Plus généralement, Aboudou Soefo affirme que le régime en place « piétine les libertés élémentaires » et « tripatouille au quotidien les institutions ». Salim Issa Abdillah promet quant à lui, parmi ses premières mesures s'il était élu, « la libération des prisonniers politiques ». Au premier rang desquels l'ancien Président et membre du parti Juwa, Ahmed Abdallah Sambi, condamné en novembre 2022 à la prison à vie pour des faits de corruption, au terme d'un procès dénoncé comme inéquitable par l'opposition.

Reprochant au président-candidat Azali Assoumani de ne pas respecter les lois qu'il a lui-même fait voter, le candidat du parti Juwa ne cache pas ses craintes pour cette « élection pas comme les autres » et en appelle à l'implication des partenaires internationaux, notamment européens et américains, pour « éviter tout trucage » et garantir un scrutin transparent, crédible et apaisé.

Face à ces critiques, Azali Assoumani juge que « tous les éléments ont été mis en place pour la transparence » mais que « ça n'empêche pas les gens de dire ce qu'ils veulent ». « Les politiciens qui disent qu'il y a des prisonniers politiques ne sont pas en prison », rétorque également le chef de l'État, qui demande aux Comoriens de « faire confiance à la justice ».

Boycott ?

L'opposition n'a pas réussi à s'accorder sur une candidature unique et se présente donc divisée. Certains candidats n'excluent pas pour autant la possibilité de ralliements, même si la probabilité d'un tel scénario ne cesse de se réduire à mesure que le scrutin du 14 janvier approche.

Enfin, de nombreux opposants, aux Comores et au sein de la diaspora, appellent quant à eux à boycotter l'élection et à ne pas se rendre aux urnes. C'est le cas d'une frange du parti Juwa et d'autres membres de l'opposition rassemblés au sein du « Front commun élargi des forces vives contre la dictature », dont les dirigeants sont pour beaucoup exilés en France. Une marche des partisans du boycott est d'ailleurs déjà prévue mardi 9 janvier à Moroni.

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