Certains médias comme SOS Media Burundi affirment qu'une quarantaine de Rwandais sont en détention au Burundi, tandis que d'autres auraient été expulsés la semaine dernière.
Selon les autorités burundaises, le groupe Red-Tabara (Résistance pour un Etat de droit au Burundi) a lancé une attaque, le 22 décembre dernier, près de la frontière avec la République démocratique du Congo, tuant 20 personnes, dont des femmes et des enfants.
Le président burundais, Evariste Ndayishimiye, avait accusé, fin décembre, le Rwanda de soutenir les rebelles, des accusations démenties par Kigali.
Les relations entre les deux pays ont toujours été en dents de scie, précise Ariane Mukundete, spécialiste des médias numériques qui suit de près l'actualité dans la région des Grands lacs.
Elle rappelle que déjà en 2015, lorsque le président Nkurunziza voulait se faire réélire, il y a eu un coup d'Etat avorté et les commanditaires se seraient réfugiés au Rwanda. Depuis, le Burundi accuse le Rwanda d'héberger ceux qui veulent déstabiliser son régime.
"Il y a évidemment des gens qui pensent que le Burundi a le droit de faire ce genre de chose, je les comprends parce qu'il y a beaucoup d'infiltration en pareille situation. Ceci dit, le Burundi doit être vigilant pour éviter que des innocents en paient le prix. Si la jeunesse entre en jeu entre les deux pays, c'est très grave. Je vois aussi ce qui se passe entre la RDC et le Rwanda, la population rwandaise est prise entre deux pays frères. Le moment est venu de s'asseoir et de discuter. "
Conflits cycliques?
L'intellectuel burundais David Gakunzi, qui vit aujourd'hui en exil, assimile la décision de la fermeture de la frontière et tous les discours rwandophobes à la poussée fiévreuse d'une maladie chronique.
Le Rwanda et le Burundi sont deux pays jumeaux avec les mêmes potentialités économiques. Cependant, alors que le Rwanda progresse au niveau économique, le Burundi régresse à cause des problèmes de gouvernance et de cohésion interne.
Pour David Gakunzi, au lieu d'admettre sa responsabilité, le leadership burundais a souvent tendance à désigner le Rwanda comme bouc émissaire.
"Si le Burundi s'entête dans cette attitude de chercher un bouc émissaire extérieur à ses problèmes intérieurs, il est évidemment possible que la situation dégénère. Je vois mal le Rwanda rester les bras croisés s'il est attaqué par le Burundi."
Qu'en est-il des Red Tabara qui auraient pour base arrière le Sud-Kivu en RDC ?
Le chercheur congolais Josaphat Musamba rappelle que la RDC et le Burundi partagent des renseignements sur les questions sécuritaires.
Il souligne que le groupe Red Tabara a connu de nombreux changements à la tête de son commandement. Il existerait une nouvelle version localisée dans le Lulenge, dans le territoire de Fizi, au Sud-Kivu, très loin de la frontière avec le Burundi. L'expert s'interroge également sur une nouvelle branche qui roderait dans le secteur entre le Rwanda et le Burundi.
"Les Task Force Commando (les forces burundaises) sont postés à la fois dans le secteur d'Itombwe et le secteur de Lulenge et il y a un autre positionnement qui est à Mikenge. Je vois très mal qu'ils (les autorités burundaises, ndlr) puissent dire que les Red Tabara sont dans toutes ces zones et qu'ils ont traversé toutes ces collines, les hauts et les moyens plateaux, pour aller faire des attaques au Burundi. Peut-être que c'est une nouvelle version de ce groupe qui est à l'intérieur du Burundi, ou alors elle bouge entre les frontières rwando-burundaises, c'est aussi une autre réalité."
Les relations entre le Burundi et le Rwanda ont souvent été tumultueuses. Une légère amélioration a été notée après l'arrivée au pouvoir d'Evariste Ndayishimiye en 2020, mais depuis, les liens se sont à nouveau distendus quand le Burundi a envoyé des troupes pour aider à lutter contre les rebelles du M23 - soutenus par Kigali - dans l'est de la RDC.
Le Burundiavait déjà fermé sa frontière avec son voisin rwandais en 2015, les deux pays s'accusant mutuellement de soutenir des mouvements rebelles. La frontière avait été rouverte en 2022.