L'Égypte vient s'ajouter à la liste des soutiens de poids obtenus par la Somalie dans son bras de fer avec l'Éthiopie.
Au début de ce mois de janvier, Addis-Abeba a conclu un accord-cadre avec le Somaliland, territoire autoproclamé indépendant de la Somalie, mais non reconnu par la communauté internationale. Le texte accorde aux Éthiopiens un accès à la mer sur la côte du Somaliland, la construction d'un port et d'une base militaire navale. Mogadiscio a crié à une violation de sa souveraineté. De nombreux acteurs de la communauté internationale ont soutenu sa cause. Le président somalien était, dimanche 21 janvier, en Égypte. Il a reçu un appui total du président al-Sissi.
C'est un soutien, on ne peut plus franc, que l'Égypte apporte à la Somalie.
C'est un soutien, on ne peut plus franc, que l'Égypte apporte à la Somalie. « Le Caire ne permettra pas une quelconque menace contre la Somalie ou qu'on touche à sa sécurité », a déclaré le président Al Sissi, brandissant même la menace d'un conflit armé. « Ne provoquez pas l'Égypte, n'essayez pas de menacer nos frères, surtout s'ils nous demandent d'intervenir », a-t-il ajouté.
Une rhétorique très ferme du maréchal qui va plus loin que les premières déclarations officielles du Caire, après la signature de l'accord, et une aubaine pour le président somalien qui multiplie les déplacements internationaux pour rallier un maximum de soutiens à sa cause. Hassan Cheikh Mohamoud a rencontré au Caire le secrétaire général de la Ligue arabe, soutien de Mogadiscio, puis le président de l'Assemblée égyptienne.
« Nous ne permettrons pas qu'une partie de notre territoire soit saisie par un autre pays, y compris l'Éthiopie », a répété le président somalien.
À Addis-Abeba, le conseiller à la sécurité, Redwan Hussein, a rejeté ces attaques, parlant du « sang et de la sueur » versés par les Éthiopiens en faveur de la sécurité en Somalie, une allusion au dossier très sensible de la lutte contre le terrorisme, alors que l'Éthiopie a des troupes déployées dans le pays, au sein de la force africaine, mais aussi de façon bilatérale, dans la lutte contre les terroristes shebabs.
Enjeux politiques
Joint par RFI, Omar Mahmood, chercheur à l'International Crisis Group, estime que ce soutien égyptien est tout à fait logique.
RFI : Que pensez-vous de ce soutien de l'Égypte à la Somalie ?
Omar Mahmood: Il y a des enjeux géopolitiques derrière. L'Égypte a une rivalité avec l'Éthiopie, avec des tensions au sujet de la construction du barrage de la Renaissance sur le Nil, et auquel Le Caire s'oppose, depuis le début. Dans ce contexte, la Somalie a décrit l'accord-cadre comme une agression contre sa souveraineté. Donc, pour l'Égypte, c'est tout à fait logique de soutenir Mogadiscio. Par ailleurs, dans le passé, l'Éthiopie et l'Égypte ont eu des avis opposés, comme par exemple sur le cas des Kurdes. Parfois, il était demandé à la Somalie de voter sur cette question dans les forums internationaux et ça mettait Mogadiscio dans une position délicate, étant donné que les Somaliens sont voisins des Éthiopiens et dépendent en partie d'eux pour leur sécurité. Mais en même temps, ils sont musulmans et auront naturellement un avis proche de celui de l'Égypte. Donc, la solidarité musulmane peut jouer, mais ça va au-delà, avec des aspects géopolitiques sous-jacents et des questions de domination régionale.
Est-ce que l'Égypte réagit aussi fermement parce qu'elle ne supporte pas l'idée d'une base navale militaire éthiopienne dans cette région ?
Oui, certainement. Cette base pourrait inquiéter l'Égypte. La mer Rouge est un espace géographique très intéressant à travers lequel transite une grande partie du commerce maritime mondial, mais c'est aussi un passage très étroit. Avec bien sûr, d'un côté, on a le canal de Suez égyptien. La côte du Somaliland, elle ne se situe pas de ce côté de la mer Rouge, mais elle est dans le golfe d'Aden qui est à proximité. Donc, une telle infrastructure poserait certainement un défi pour Le Caire.
Est-ce que vous craignez que cette crise n'entraîne des violences, voire un conflit ?
Jusqu'à présent, le conflit a été pour l'essentiel rhétorique et diplomatique. Si l'accord commence à se mettre en place sur le terrain, je ne pense pas qu'on tombera dans un conflit frontal. Par contre, je suis plus inquiet pour les effets secondaires. Par exemple, l'Éthiopie et la Somalie collaborent étroitement dans la sécurité, et surtout dans la lutte contre les shebabs. L'Éthiopie a des troupes déployées en Somalie. Si les deux pays rompaient leurs relations, cette coopération pourrait brutalement s'arrêter et créer un vide dont les shebabs pourraient profiter.