Sénégal: Conditions d'invalidation de la candidature de Karim Wade - Le PDS obtient sa Commission d'enquête parlementaire

Les députés sénégalais en session pour la création d'une Commission d’enquête parlementaire sur le processus électoral
1 Février 2024

L'Assemblée nationale a adopté hier, mercredi 31 janvier, la proposition de résolution de mise en place d'une Commission d'enquête parlementaire sur les conditions de l'élimination de Karim Wade de la liste des candidats à l'élection présidentielle du 25 février 2024, par 120 voix pour, 24 contre et zéro (0) abstention. Proposé par le Groupe parlementaire «Liberté démocratie et changement», ce texte a été soutenu par les députés du Groupe parlementaire majoritaire, Benno bokk yaakaar (Bby).

Le Groupe parlementaire «Liberté démocratie et changement» du Parti démocratique sénégalais (Pds) obtient sa Commission d'enquête parlementaire en vue d'éclaircir les conditions de l'élimination de Karim Wade de la liste des candidats à l'élection présidentielle du 25 février 2024. Réunis en session plénière hier, mercredi 31 janvier, les députés ont finalement adopté par 120 voix pour, la résolution de mise en place de cette Commission d'enquête parlementaire proposée par le Groupe parlementaire «Liberté démocratie et changement» soutenu par le Groupe parlementaire majoritaire, Benno Bokk Yaakaar. 24 députés membres du Groupe parlementaire Yewwi askan wi (proche du maire de Ziguinchor) ont voté contre ce texte lors du scrutin après les débats en plénière marqués par zéro (0) abstention.

Cette commission sera composée de 11 membres dont six issus du Groupe parlementaire Benno bokk yaakaar (Bby), 02 du Groupe parlementaire Liberté démocratie et changement et 01 représentant des Non-inscrits. Le Groupe parlementaire Yewwi askan wi (Yaw), qui devait être représenté par 02 membres, a décidé, selon le président de l'Assemblée nationale, de ne pas y siéger. Les députés retenus, en fonction de leurs Groupes parlementaires, pour siéger au sein de cette Commission d'enquête parlementaire sont : Abdou Mbow, Ibrahima Baba Sall, Astou Ndiaye, Seydou Diouf, Cheikh Seck, Moussa Diakhate, pour le Groupe parlementaire de la majorité Benno bokk yaakaar. Du côté du Groupe parlementaire Liberté démocratie et changement, c'est Saliou Dieng et Sira Ndoye Sall qui sont désignés pour accompagner leur président de groupe, Mamadou Lamine Thiam, par ailleurs auteur de cette proposition de résolution.

La prochaine étape, après ce vote, portera sur une rencontre des nouveaux membres de la commission, pour mettre en place un bureau composé d'un président, d'un vice-président et d'un rapporteur. S'en suivra le travail d'enquête sur les allégations soulevées par leurs collègues libéraux, pour une durée de six mois.

QUAND LA QUESTION DU REPORT OU NON DE LA PRÉSIDENTIELLE DU 25 FÉVRIER PROCHAIN DOMINE LES DÉBATS

Ce vote est intervenu à l'issue d'un débat houleux de plusieurs tours d'horloge entre les 65 députés qui ont pris la parole, lors des discussions générales qui ont été plus orientées sur la question du report ou non de la présidentielle du 25 février prochain. En effet, dans leurs interventions, la plupart des députés du Groupe parlementaire du Parti démocratique sénégalais qui ont pris la parole ont formellement exigé l'arrêt du processus électoral en cours et le décalage de la date de la présidentielle, pour permettre aux onze (11) membres de la Commission d'enquête parlementaire de tirer au clair les soupçons de corruption et collusion avec des hommes politiques qui pèsent sur les membres du Conseil constitutionnel.

Parmi eux, on peut citer la députée Mame Diarra Fam. Taxant les membres du Conseil constitutionnel de «corrompus», elle a précisé «qu'aucune force ne peut empêcher le report de la présidentielle. Il n'y aura pas d'élection sans la participation de Karim Wade».

Abondant dans le même sens, sa collègue et camarade de Pds demande au «président Macky Sall de reporter l'élection présidentielle jusqu'à ce que cette affaire soit tirée au clair. Il y a des voyous qui ont infiltré l'administration sénégalaise». «On parle de la République, on n'est pas dans les questions électorales, on parle du sabotage, l'administration est infiltrée. Si des juges se permettent d'éliminer des candidats tout simplement parce qu'ils ont été corrompus, c'est grave. On a besoin d'un président qui a de l'éthique mais pas un président corrompu. Nous devons reporter les élections et nettoyer la République», a-t-elle martelé.

«Toutes les suspicions que nous avons sur cette affaire concernent le déroulement du processus électoral. Il appartiendra à la Commission d'enquête d'en restreindre ou d'en élargir le champ. Le vote de cette résolution permettra à l'Assemblée nationale d'élever sa dignité», a insisté Mamadou Lamine Thiam, le président du Groupe parlementaire de la coalition Wallu, regroupant le Pds et ses alliés.

Principaux alliés des libéraux dans le cadre de la mise en place de cette Commission d'enquête parlementaire, les députés du Groupe parlementaire majoritaire, Benno bokk yaakaar, ont justifié leur implication dans cette affaire par une volonté de «laver l'honneur de leur candidat, Amadou Ba, et actuel Premier ministre, cité dans cette affaire de corruption». En effet, pour justifier sa demande de Commission d'enquête parlementaire, le Groupe parlementaire «Liberté démocratie et changement» a évoqué des cas «de conflits d'intérêts, de corruption présumée, de violations flagrantes et manifestes du secret des délibérations du Conseil constitutionnel et de collusion entre certains membres dudit Conseil et des candidats».

ALERTE DE MENACE D'UNE «CRISE INSTITUTIONNELLE» SI LES JUGES CONSTITUTIONNELS NE DEFERENT PAS A LA CONVOCATION DE L'ASSEMBLEE

«Il serait imprudent d'aller à une élection présidentielle avant de mettre la lumière sur des supposés faits de corruption et de collusion», a fait remarquer la députée de Benno, Anyeu Mbengue. Abondant dans le même sens, son collègue et camarade de parti, Farba Ngom ? a indiqué qu'il va voter cette résolution pour que «cette affaire supposée de corruption de certains membres du Conseil constitutionnel sur la validation de candidatures soit tirée au clair, au bénéfice du peuple sénégalais et de la crédibilité des institutions».

Invité à prendre la parole, Abdou Mbow, président du Groupe parlementaire majoritaire, Benno bokk yaakaar, a tenu à mettre en garde sur les conséquences qui pourront découler du refus des membres du Conseil constitutionnel de déférer à la convocation de cette commission. «Les juges ne sont pas des anges. S'ils ne déférent pas à la convocation de la commission pour y être entendus, demain si des collègues sont accusés, l'Assemblée nationale ne lèvera pas leur immunité parlementaire et ça sera une crise institutionnelle», a-t-il martelé.

LA MÉFIANCE DE YEWWI ASKAN WI

Du côté des députés de Yewwi akan wi, principal Groupe parlementaire de l'opposition parlementaire, des avis sont partagés concernant cette Commission d'enquête parlementaire. Nonobstant la crainte partagée sur la possibilité d'un détournement de la procédure de cette Commission d'enquête aux fins de reporter la présidentielle. En effet, les parlementaires proches du parti Pastef, dissout par un décret présidentiel du 31 juillet 2023 qui fait l'objet d'un recours à la Cour suprême, refusent de cautionner cette Commission d'enquête.

«La lutte contre la corruption ne vous intéresse pas. Il ne faut pas lâcher la proie pour l'ombre. Nous ne voterons par cette résolution parce qu'il y a un décalage entre l'exposé des motifs et les articles proposés. Si c'était juste pour des faits de corruption, j'allais voter, mais j'ai vu que l'objectif est loin de ça. On doit s'arrêter sur les faits de corruption et non sur le processus électoral», a fait remarquer Abass Fall.

Abondant dans le même sens, le député Guy Marius Sagna précisé qu'«il n'est pas question que l'on reporte la présidentielle du 25 février prochain. Si jamais l'élection est reportée, si Macky reporte l'élection, le 2 avril, il ne sera plus président», a-t-il asséné, en invitant le président Macky Sall «à régler son problème avec Amadou Ba, s'il ne veut plus de lui comme candidat».

Mais du côté de leurs alliés, dont les députés du Parti de l'unité et du rassemblement (Pur), on note la prudence. Tout en se disant favorables à une procédure d'enquête sur les faits incriminés, ils rejettent toute idée de report de la présidentielle.

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