Les Jeux africains, qui rassemblent tous les quatre ans des athlètes de tout le continent, sont prévus du 8 au 23 mars 2024 à Accra et Cape Coast. Au programme, 29 disciplines, dont six qualificatives pour les JO de Paris 2024. Mais l'organisation au Ghana d'un tel événement, avec six mois de retard et un intérêt sportif parfois limité, interroge, alors que ce pays ne parvient pas à se sortir d'une grave crise économique. Explications.
« Il a fallu beaucoup de courage pour persister dans le choix d'accueillir ces Jeux africains. Surtout lorsque nos problèmes financiers sont survenus, en pleine préparation. Mais je suis content que nous soyons allés de l'avant. » Le 27 février 2024, Nana Akufo-Addo a effectué son dernier discours sur l'état de la nation devant le Parlement. Celui qui préside le Ghana depuis janvier 2017 s'apprête à quitter son poste, après deux mandats. Il en a profité pour défendre l'organisation par son pays de ces « Jeux olympiques de l'Afrique » qui ont lieu tous les quatre ans depuis 1965. « Cela semble incroyable, mais c'est la première fois que le Ghana accueille ces Jeux », a souligné le chef de l'État.
Nana Akufo-Addo aurait pu aussi ajouter que c'était le premier grand événement sportif sur le sol ghanéen depuis la Coupe d'Afrique des nations 2008 masculine de football. Car, ces dernières années, ce pays d'Afrique de l'Ouest, qui a fêté ses 67 ans d'indépendance ce 6 mars, a surtout fait parler de lui dans la rubrique éco, du fait de ses immenses difficultés financières : une croissance du produit intérieur brut (PIB) retombée en 2022 à 3,1%, une dette publique atteignant 90% de ce même PIB toujours en 2022, une inflation de plus de 50% sur une année glissante, et une monnaie - le cedi - dont la valeur ne cesse de s'effondrer. Résultat : le Ghana s'est à nouveau tourné vers le Fonds monétaire international (FMI), pour un prêt de 3 milliards de dollars accordé en mai 2023.
Report et coût
Des difficultés persistantes qui ont d'ailleurs entraîné des retards dans les préparatifs puis un report de ces Jeux africains, du 4 au 19 aout 2023 au 8-23 mars 2024.
Dans un tel contexte, maintenir ces Jeux en valait-il la chandelle ? Récemment, un député s'en est pris aux coûts (48 millions de dollars) d'organisation de ce rassemblement pour lequel le Ghana a déjà dépensé près de 200 millions de dollars en infrastructures, notamment pour un nouveau complexe multisport flambant neuf à Borteyman, une commune du Grand Accra.
Une facture qui fait grincer des dents Bakare, chauffeur de VTC à Accra. Lui n'ira pas assister aux épreuves. Il n'a rien contre l'événement en question, « mais les gens ont d'autres choses en tête au Ghana quand leurs poches sont vides, mime-t-il en palpant les siennes. La situation économique du pays est très mauvaise. Prenez le prix d'un œuf dans la rue : avant, c'était 1 cedi [7 centimes d'euros environ, Ndlr] ; maintenant, c'est 3 cedis ». Justice, un chauffeur de taxis, assure quant à lui que les Ghanéens sont « contents d'accueillir » ces Jeux africains. Lorsqu'ils sont au courant... Juliet, jeune vendeuse de noix de coco dans la rue, semble ainsi surprise lorsqu'on l'interroge au sujet de cette 13e édition. « Les Jeux africains ? Oui, j'ai vu quelque chose là-dessus sur les réseaux. Je vais essayer de suivre un peu », indique-t-elle sans grande conviction. « Les gens savent qu'il y a des Jeux au Ghana, mais ils ne savent pas vraiment de quoi il s'agit », souligne Denis, journaliste ghanéen.
L'inauguration du complexe sportif Borteyman
« Un impact moindre que les précédentes éditions » ?
« Je pense que cet événement aura certainement un impact moindre que les précédentes éditions pour deux raisons : le manque de préparation et le manque d'engouement populaire, estime Mohsen Abdel Fattah, directeur général de l'African Sports & Creative Institute (ASCI) et responsable des formations à la Vlerick Business School en Belgique. Au Ghana, beaucoup de gens se demandent si c'est de l'argent bien investi alors que le pays a tellement de difficultés. Ça, c'est un élément qui pourrait impacter le soutien des Ghanéens à cet événement. »
Pour assister aux épreuves, les places sont vendues entre 5 et 500 cedis, soit de 35 centimes à 35 euros. À la veille de la cérémonie d'ouverture, durant les premières épreuves auxquelles RFI a pu assister, y compris au football, le public n'avait pas répondu présent.
Jeux africains 2023 : six sports qualificatifs pour Paris 2024 et plusieurs curiosités
Ces Jeux africains s'ouvrent officiellement ce 8 mars 2014, mais ils ont commencé le 4 avec les épreuves de tennis de table, l'un des six sports qualificatifs pour Paris 2024. Six et non pas huit, comme annoncé par les organisateurs. Le processus de qualification pour le cyclisme sur route est en effet fini depuis plusieurs mois, ont confirmé à RFI la fédération internationale et le cadre d'une sélection africaine présente à Accra. En ce qui concerne la lutte, un responsable de la Confédération africaine rectifie : c'est via un tournoi Afrique-Océanie, à Alexandrie du 22 au 24 mars, qu'il faudra décrocher son billet pour les JO.
En revanche, en athlétisme et en natation, les athlètes ayant réalisé les minima pourront obtenir leur place à Paris. En badminton, en tennis de table et en triathlon, ces Jeux africains permettent de décrocher des points en vue de la qualification. Enfin, sous certaines conditions, les vainqueurs des épreuves individuelles de tennis obtiendront leur Graal. Cette 13e édition sera une vitrine pour des disciplines moins médiatisées, comme le bras de fer et d'autres en démonstration : le sambo, un art martial russe, le speedball et le pickleball, qui se pratiquent avec des raquettes, le e-sport, et le scrabble qui est considéré comme un véritable sport dans des pays comme le Nigeria.