Au Mali, les coupures d'électricité atteignent un niveau qui n'a d'égal que l'exaspération des habitants, dans tout le pays. À Bamako, un « programme de rationnement » a même été instauré, prévoyant 12 heures de coupures quotidiennes, en alternance selon les quartiers, pendant toute la période du ramadan. À Gao, la plus grande ville du nord du Mali, la population est quant à elle totalement privée d'électricité depuis tout juste une semaine. Et ce, en plein mois de jeûne des musulmans.
« Heureusement, il fait jour au moment de la rupture du jeûne, se console un habitant, mais il fait aussi encore très chaud. » « Ceux qui ont les moyens se débrouillent avec des petits générateurs ou des panneaux solaires, mais ça coûte cher ! », explique un autre.
Chère, également, la glace, devenue aussi rare que précieuse : « Le petit bloc qu'on trouvait à 50 francs est vendu à plus de 500 francs », témoigne encore un habitant de Gao. La glace est fabriquée par des personnes disposant d'un générateur pour faire fonctionner leur congélateur : commerçants, simples particuliers ou femmes de soldats, car dans les camps militaires, les générateurs tournent.
Comme tous les Maliens, les habitants de Gao ont l'habitude des délestages. Ces derniers mois ont d'ailleurs été particulièrement rudes. Mais cette fois, les habitants ne se plaignent pas de n'avoir que trois ou quatre heures de courant par jour : ils n'en ont plus du tout depuis huit jours.
Pièces de remplacement
Sollicités par RFI, ni la mairie, ni le gouvernorat de Gao n'ont apporté de précisions. La compagnie nationale d'électricité EDM (Énergie du Mali) a déploré dans un communiqué un « incident majeur » survenu vendredi 8 mars et assure être mobilisée « avec l'appui inestimable des plus hautes autorités et les forces armées du Mali », « pour résoudre le problème ».
La direction de la compagnie EDM à Gao a d'ailleurs indiqué à des journalistes locaux que le problème était lié à une panne sur le générateur principal et que des pièces de remplacement devaient être acheminées de Bamako. Mais elles seraient extrêmement lourdes - leur poids se compte en tonnes - et la question de leur transport n'est à ce jour pas résolue. « Avant, ce genre de pièces étaient acheminées par les avions-cargo de la Minusma », se souvient une source locale.
D'autant que les jihadistes du Jnim et de l'État islamique imposent depuis plusieurs mois un blocus à la ville, rendant la route reliant Gao à la capitale particulièrement dangereuse. La situation est d'ailleurs identique pour les axes reliant Gao au Niger ou à l'Algérie, ce qui suscite des difficultés d'approvisionnement et une hausse des prix.
« Le problème va durer »
« On sait que le problème va durer », s'agace un habitant. « Ils ont préparé les esprits », abonde un autre. « On garde l'espoir que ça s'améliore », ose le plus optimiste. En décembre dernier, cinq groupes électrogènes avaient été acquis pour renforcer la production d'électricité de l'EDM à Gao. Selon plusieurs sources locales, ils n'ont jamais été fonctionnels.
Ces groupes avaient été commandés après une période de forts délestages, au mois de novembre, au cours de laquelle le directeur général de la compagnie d'électricité avait été brièvement enlevé par des militaires mécontents, et menacé de mort sur un champ de tir.
En mai dernier, la société civile de Gao avait menacé de boycotter le référendum constitutionnel voulu par les autorités si la fourniture d'électricité, mais aussi d'eau, ne s'améliorait pas. Plusieurs ministres en campagne avaient alors été accueillis par des pancartes « Gao meurt à petit feu dans le noir ». Dix mois plus tard, la nouvelle Constitution a été adoptée, au terme d'un scrutin très contesté, mais les habitants de Gao ont encore moins de courant qu'auparavant.