Réuni en Conseil des ministres le 9 mars, le gouvernement a décidé de la levée du moratoire sur l'exécution de la peine de mort, suscitant des réactions diverses dans l'opinion dont celle du président de l'Association africaine pour la défense des droits de l'homme (Asadho), Me Jean-Claude Katende, estimant qu'il s'agit d'un véritable recul.
"Il me semble que la grande partie de la classe politique et du peuple congolais soutient cette décision. Ceux qui ne la soutiennent pas sont considérés comme des traitres, des non patriotes, des complices des rebelles... Ce qui est un jugement totalement émotif. Une société où on exclut la confrontation d'idées est une société vouée à la médiocrité et à l'obscurantisme. Ce n'est pas d'une telle société que je rêve. Je rêve d'une société effectivement démocratique où la majorité est toujours prête à protéger la minorité, à l'écouter et à examiner ses prétentions", a réagi Me Jean-Claude Katende.
Il considère la lavée du moratoire sur l'exécution de la peine de mort comme étant un recul majeur à la protection des droits humains et une violation flagrante de la Constitution de la République qui protège, dans son article 61, le droit à la vie en toutes circonstances. "Je ne soutiens pas cette décision pour les raisons suivantes: c'est une décision motivée par un esprit de vengeance de la classe politique qui croit que la peine de mort va régler tous les problèmes de l'armée et du banditisme. Cet esprit de vengeance se dégage des verbes qui sont utilisés dans la circulaire de la Mministre de la Justice" , a soutenu le président de l'Asadho.
Pour lui, en effet, la justice n'est pas organisée pour se débarrasser des autres citoyens, mais pour leur donner l'occasion de s'exprimer, de répondre de leurs actes qui auraient troublé l'ordre public. Il n'y a que l'esprit de vengeance aveugle qui peut aussi convaincre la classe politique qu'en appliquant la peine de mort, il sera mis fin au terrorisme et au banditisme. "Les données scientifiques montrent que cette approche est erronée et fruit d'un raisonnement qui ne prend pas en compte d'autres aspects du problème à résoudre. Les mots qui sont utilisés dans un texte révèlent ce qui est caché dans le coeur ou l'esprit qui caractérise ses rédacteurs", a-t-il fait savoir.
Se disant préoccupé par les actes de traitrise qui se passent dans l'armée et de banditisme urbain, Me Jean-Claude Katende croit que ce sont des problèmes qui ne peuvent pas être réglés par l'application de la peine de mort.
Aggravation des problèmes de la justice
Pour le président de l'Asadho, l'autre raison pour laquelle il combat ce moratoire est que cette décision du gouvernement aggraverait les problèmes de la justice. "Si au sein de notre justice, nous avons quelques juges/magistrats intègres et responsables, il y en a beaucoup parmi eux qui sont vulnérables à l'argent et au trafic d'influence. Il y a un grand risque que la justice soit instrumentalisée par les politiciens pour «se débarrasser de X ou Y au sein de l'armée ou de la société", s'est-il convaincu, relevant que le verbe « se débarrasser» constitue, dans son appel, une grande alerte.
Selon Me Jean-Claude Katende, il y a plus grave encore en ce que toute famille biologique ou politique dont un des membres sera menacé par une éventuelle condamnation à la peine de mort, va se mobiliser pour trouver des sommes importantes d'argent à donner aux juges ou recourir au trafic d'influence pour faire échapper leur membre à la peine de mort. Aussi, il pense que cette décision du gouvernement est un couteau à double tranchant. Il y a risque, a-t-il estimé, que certaines personnes condamnées à mort ne soient pas exécutées parce qu'elles sont proches politiquement ou biologiquement de ceux qui sont au pouvoir alors que les autres seront exécutées sans aucune réserve. "Ce qui va renforcer les injustices et discriminations", a-t-il prévenu.
C'est une décision qui risque de renforcer les divisions ethniques. "Il n'est un secret pour personne que depuis la guerre de l'AFDL, le mixage et le brassage, ce sont des Congolais de certaines provinces qui se sont révélés, en majorité, comme des perturbateurs de la bonne marche de l'armée comme de la police nationale. Ils risquent d'être nombreux parmi les personnes à condamner à mort et à exécuter. Cette réalité conduira à l'interprétation selon laquelle c'est tel peuple ou telle ethnie qui était visé par la levée du moratoire sur l'exécution de la peine de mort", a-t-il expliqué.
Il a ppelé à éviter de fragiliser davantage le pays en recourant à des solutions simplistes pour résoudre les problèmes complexes. "Pour toutes ces raisons, je reste opposé à cette levée du moratoire sur l'exécution de la peine de mort. Ai-je tort ou raison ? Ont-ils tort ou raison ? C'est l'histoire qui répondra à cette question. Pour moi, j'appelle les magistrats et les juges à qui on a remis ce pouvoir de décider de la mort de telle personne ou de telle autre, de l'utiliser avec intelligence, responsabilité et indépendance", a-t-il conclu.