Gabon: Jean-Marie Bockel à Libreville - Un petit goût de revanche personnelle

Jean-Marie Bockel, représentant du président français, Emmanuel Macron et le président Tchadien

Question rhétorique : qu'est-ce qui fait donc courir le soldat Bockel ? Après la Côte d'Ivoire ( le 21 février) et le Tchad ( le 7 mars ), Jean-Marie Bockel a en effet débarqué le 19 mars 2024 au Gabon .

Avec la même lettre de mission : le renouveau , le « remodelage » du partenariat militaire hexagonal avec les pays africains. L'envoyé personnel du président français pour l'Afrique a ainsi pu échanger avec le ministre de la Défense entouré de la haute hiérarchie militaire avant de visiter le camp De Gaulle, qui abrite la base française de Libreville, et d'être reçu en audience par le général Brice Clotaire Oligui Nguéma qui a renversé Ali Bongo Ondimba le 30 août 2023.

Il faut dire que l'armée tricolore a décidé depuis un certain temps de réduire sa voilure sur le continent, notamment dans les pays où elle dispose de base, comme au Gabon où ses effectifs sont passés entre les années 90 et 2023 d'un millier de soldats à 400. Et le dégraissage du mammouth kaki devrait se poursuivre. Mais ce dépoussiérage de la coopération, militaire en l'espèce, est rendu encore plus impérieux à un moment où l'Hexagone est particulièrement malmené sous nos tropiques qui ont rarement été aussi « tristes » pour lui .

Tour à tour, les militaires français ont ainsi été chassés du Mali, du Burkina et du Niger, trois Etats qui ont connu des coups d'Etat , souvent à répétition depuis 2020, et qui carburent désormais à l'anti-impérialisme et au souverainisme à tout crin. Et qui se sont résolument tournés vers la Russie de Poutine pour s'extirper enfin du bourbier sécuritaire dans lequel ils sont englués depuis une bonne décennie, quand bien même on attendrait d'en voir les résultats tangibles.

Il faut reconnaître qu'à force d'arrogance, de paternalisme et de condescendance mâtinés parfois d'un racisme inconscient, voire assumé, à force d'appliquer la politique du deux poids deux mesures dans ses relations avec l'Afrique, distinguant les bons et les mauvais putschistes au gré de ses intérêts du moment, Paris a contribué à faire le lit du french-bashing et à faire chasser le coq gaulois de sa « basse-cour » sahélienne.

Plus que jamais donc, la voix du rhéteur de la rue du Faubourg Saint-Honoré ne porte plus sur le continent et on comprend la nécessité pour lui de changer de paradigme en missionnant le bon monsieur Bockel. S'il n' y avait qu'un d'ailleurs pour cette mission, ça ne pouvait être que lui. Qui mieux en effet que l'ancien secrétaire d'Etat à la Coopération sous Nicolas Sarkozy pour faire ce job ?

N'est-ce pas lui qui a voulu « signer l'acte de décès de la Françafrique » , quand début 2008 il avait déclaré vouloir « tourner la page de pratiques d'un autre temps , d'un mode de relations ambiguës et complaisantes dont certains, ici comme là-bas, tirent avantage au détriment de l'intérêt général et du développement » ? Mal lui en a pris cependant, car il sera sacrifié sur l'autel de la ...Françafrique dont les vénérables représentants Omar Bongo et Denis Sassou Nguesso ont réclamé et obtenu la tête.

Autant dire que son retour au Palais du bord de mer devait avoir une saveur particulière et un petit air de revanche personnelle. Il lui faudra cependant plus qu'un aller-retour Paris-Libreville pour débarrasser le monstre françafricain de ses scories et refonder un partenariat mutuellement avantageux basé sur le respect mutuel. Jupiter, du haut de sa morgue élyséenne, en est-il seulement capable ?

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