Les émissions obligataires permettant de financer des investissements respectant des exigences strictes en matière de durabilité, les obligations vertes (Green bonds, en anglais) restent encore un domaine méconnu des Africains et nécessitent une nouvelle approche de sensibilisation, ont estimé des experts financiers réunis le 19 mars 2024, à Abidjan.
Ahmed Attout, directeur par intérim du Département de développement du secteur financier à la Banque africaine de développement, Paul O'Connor, directeur exécutif - responsable de la finance durable EMEA-Marchés des capitaux de dette chez JP Morgan Chase, Thapelo Tsheole, président de l'Association africaine des bourses de valeurs et Laju Atake, opérateur principal-Marché des capitaux de dette en Afrique élargie à Rand Merchant Bank Nigeria Limited, s'exprimaient sur la finance verte et durable, à l'occasion de l'atelier États-Unis-Afrique organisé par l'Agence américaine pour le commerce et le développement et le Groupe de la Banque africaine de développement les 19 et 20 mars 2024.
Ces experts ont notamment discuté des conditions actuelles du marché, ses performances et les attentes à l'avenir pour le succès des obligations vertes et des émissions de dette durable pour des projets d'infrastructures.
« Il y a un manque général de communication autour des obligations vertes. C'est un pipeline qui a besoin d'être développé pour le continent africain », a déclaré M. Tsheole. « En Tanzanie, nous avons un projet financé grâce aux obligations vertes. Il nous faut la mettre en oeuvre et avoir de la visibilité. Mais comment mener la communication ? s'est-il interrogé. Nous devons communiquer aux assureurs et futurs assureurs pour que les investisseurs viennent se faire une place dans ce domaine ». M. Tsheole a également plaidé pour la mise en place « de bonnes régulations pour inciter davantage les parties prenantes aux obligations vertes ».
Intervenant par visioconférence, Paul O'Connor a soutenu que l'investissement dans le « vert » était encore à ses balbutiements. « Nous avons constaté des progrès dans le domaine. Certes, nous avons travaillé dur, mais il y a encore des choses à faire pour aller à la rencontre d'autres acteurs et développer le secteur afin d'attirer les capitaux internationaux », a-t-il dit.
« C'est un marché ouvert avec un avenir promoteur », a déclaré Ahmed Attout, directeur par intérim du Département de développement du secteur financier à la Banque. « Le Groupe de la Banque africaine de développement soutient activement le développement des marchés d'obligations vertes en Afrique. En amont, elle soutient la création d'un environnement favorable, renforce les capacités des intermédiaires financiers régionaux et les fournisseurs de solutions d'atténuation des risques. Et en aval, elle intervient au niveau des obligations vertes et au niveau d'émission de prêts, soit en agissant en tant que garant ou en tant qu'investisseur principal », a-t-il ajouté.
En octobre 2013, le Groupe de la Banque africaine de développement lançait sa première émission d'obligations vertes, d'un montant de 500 millions de dollars américains. Depuis, il a émis plusieurs autres obligations, dont la dernière, l'obligation verte Kangourou de 50 millions de dollars australiens sur 15 ans a été émise en mars 2023. La Banque a également signé en novembre 2023, un accord de partenariat conjoint avec la coalition d'institutions de financement du développement de la Global Green Bond Initiative pour une collaboration en matière d'assistance technique. L'objectif est de promouvoir les marchés d'obligations vertes en Afrique pour stimuler l'engagement de l'Afrique sur le marché des obligations qui n'a représenté, en 2022, que moins de 1 % des plus de 2 2000 milliards de dollars d'émissions vertes communautaires.
Pour M. Atake, l'attente ne doit plus être longue. « Nous avons besoin des emprunts verts. C'est quelque chose que nous voulons bien établir au Nigeria avec l'ambition de conquérir tous les pays du continent ».
La Banque africaine de développement joue un rôle catalyseur dans l'augmentation du déploiement de prêts/obligations verts et durables en Afrique. À titre d'exemple, il soutient des entités du secteur privé telles que ABSA Group Limited dans leurs efforts de mobilisation de fonds en fournissant un prêt subordonné lié au développement durable (qualifié de capital Tier II) et en souscrivant à une obligation sociale à taux variable. Le financement contribue à l'ambition d'ABSA d'accroître la croissance de son portefeuille de prêts dans de nouvelles activités de prêts durables, en particulier pour les petites et moyennes entreprises, y compris les entreprises détenues ou dirigées par des jeunes et des femmes.
La Banque soutient également les pays africains en utilisant ses garanties de crédit partielles pour aider les gouvernements à contracter des prêts/obligations durables/verts à des taux compétitifs et à des échéances plus longues. Il a notamment soutenu la mobilisation par la Côte d'Ivoire de financements destinés aux dépenses environnementales, sociales et de gouvernance. Le Bénin, l'Égypte et le Sénégal ont également bénéficié de l'assistance de la Banque pour mobiliser des types similaires de financement par emprunt durable.