La balance commerciale totale pour le bois et les produits du bois en Afrique a été déficitaire de 65,6 milliards de dollars entre 1992 et 2020. Ainsi les pays africains dépensent beaucoup plus en importations de bois et produits ligneux qu'ils ne gagnent avec leurs exportations.
Cette tendance alarmante a été révélée lors d'un panel, organisé à l'occasion de la célébration le 21 mars, de la Journée internationale des forêts sous le thème Forêts et innovation : de nouvelles solutions pour un monde meilleur ». Le moment était opportun pour discuter du rapport publié en début mars, du Centre Africain de gestion des ressources naturelles et d'investissement de la Banque Africaine de Développement, intitulé : « Exploiter les forêts pour l'industrialisation et l'intégration de l'Afrique : flux et tendances du commerce du bois en Afrique »
Le constat est établi que la plupart des produits du bois en Afrique sont encore exportés bruts vers les autres continents. Il existe un énorme potentiel d'exploitation de la forêt pour industrialiser l'Afrique et renforcer le commerce intra-africain, afin de générer des revenus plus importants pour les gouvernements et le secteur privé.
Au nom de la directrice par intérim du Centre Africain de gestion des ressources naturelles et d'investissement, Léontine Kanziemo, conseillère en gestion des ressources naturelles à la Banque, a posé le débat : « L'Afrique abrite la deuxième plus grande forêt tropicale (forêt du bassin du Congo) au monde. La superficie forestière est estimée à 23 % de celle du continent. Nous devons considérer les forêts sous l'angle du développement et nous assurer qu'elles sont gérées de manière durable. 25 % de la population mondiale soit 1,6 milliard de personnes, dépendent des forêts pour vivre. »
Défis et opportunités
M. Ibrahim Favada, économiste des forêts et consultant, a souligné le fait qu'« actuellement, le commerce intra-africain du bois et des produits du bois est inférieur à 10 % ». Il faut inverser les tendances actuelles pour créer davantage d'emplois, a-t-il plaidé, ajoutant que le secrétariat de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) doit explorer les moyens d'établir des centres de production régionaux pour réaliser des économies d'échelle sur la valeur ajoutée et l'industrialisation du secteur forestier.
Coordinateur de l'intégration régionale à la Banque africaine de développement, Youssouf Koné, a souligné les immenses potentialités de l'Afrique en matière de bois notamment avec le bassin du Congo. Potentiellement 60 mille nouveaux emplois peuvent être créés avec des solutions de transformation plus poussées, intégrant des chaînes de valeur pour capter des investissements privés. Il a invité les participants à exploiter l'étude sur le « Développement intégré et durable de la filière bois dans le Bassin du Congo ».
Le secrétaire exécutif du Forum forestier africain, Labode Popoola, a déploré le niveau de corruption élevée dans le secteur et relevé la présence de nombreux petits exploitants « dont les activités ne sont pas reflétées dans les plans nationaux et les politiques qui ne font pas le lien entre l'industrie du bois et les marchés mondiaux ».
Au niveau scientifique, la faiblesse des outils et des connaissances rend difficile les relevés relatifs aux volumes de bois et la superficie des forêts. Ainsi, en est-il de l'absence de laboratoires de datation des arbres pour évaluer les capacités de capture du carbone. Par conséquent, les tarifications ne sont pas conformes à la richesse et à la qualité du bois africain.
Jean Luc Namegabe Mastaki, directeur de la région Afrique centrale à la Commission économique des Nations unies pour l'Afrique, a déploré la prédominance du secteur informel et l'exploitation illégale des forêts.
Recommandations des panelistes
Tous les panélistes ont déploré les écueils qui empêchent le développement de la filière bois sur le continent : barrières tarifaires, coûts du transport élevés, déplacements difficiles, etc. Ils ont aussi mis en exergue les immenses opportunités offertes par la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf).
Jean-Guy Afrika, directeur par intérim du Bureau de coordination de l'intégration régionale, a indiqué qu'il faut atteindre l'objectif de « création d'un espace où les biens, les services, les capitaux et les peuples peuvent se déplacer librement ». « L'Afrique est un continent de 13 millions de km2, soit sept fois la taille de l'Europe, ce qui donne sens à l'intégration pour que les biens et services circulent librement », a-t-il souligné.
Les panélistes ont souligné la nécessité de disposer de routes, de liaisons maritimes et ferroviaires, de systèmes douaniers fonctionnels, d'une gouvernance sectorielle solide, de services publics efficaces, d'un renforcement des capacités du secteur privé et d'investissements visant à développer les capacités humaines.
Un équilibre doit être cependant trouvé entre la « logique de développement durable » et la « logique de survivance » en matière d'exploitation des forêts pour éviter la dégradation des écosystèmes. C'est pourquoi, il faut soutenir la mise en place par la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale d'un schéma directeur relatif aux forêts.
M. Julius Chupezi Tieguhong chargé en chef, foresterie au Centre africain de gestion des ressources naturelles a modéré le panel.