Gabon: Ouverture du dialogue national - Ses objectifs, ses attentes, ses limites

Le Dialogue national inclusif s'ouvre ce mardi 2 avril à Libreville. Pendant un mois, près de 600 personnes, politiciens, société civile, religieux, militaires et autres doivent discuter d'une profonde réforme du pays, sept mois après le coup d'État qui a renversé le pouvoir d'Ali Bongo.

Chorales, chansons, musique, artistes de renom et discours sont au programme du Palais des sports de Libreville où la cérémonie officielle devrait attirer plusieurs milliers de personnes.

Les véritables débats commenceront mercredi 3 avril au stade d'Angondjé où les participants se réuniront en plénière pour adopter les derniers textes et finaliser la méthode de travail. Les quelque 600 personnes seront réparties entre trois commissions : politique, économique et sociale, elles-mêmes divisées en une douzaine de sous-commissions.

La sélection des participants fait grincer des dents

Le bureau du dialogue, chargé de piloter ce mois de discussions, est dominé par les religieux « pour des raisons d'indépendance », justifie Mays Mouissi, ministre de l'Économie qui participera à l'évènement. Environ 125 représentants de partis politiques seront là, sachant que le pouvoir n'a accordé qu'un seul membre par formation. Mais les militaires viendront en force avec 64 membres du CTRI, l'organe de la junte. ONG, enseignants, jeunes, syndicalistes ou encore handicapés seront aussi représentés.

Cependant, il y aura des absents, et pas des moindres, ce qui suscite des critiques. Des personnalités de premier plan n'ont pas été conviées, qu'il s'agisse de dirigeants d'institutions, du Premier ministre, des présidents du Sénat, de l'Assemblée, mais aussi des politiques comme l'ancien candidat Albert Ondo Ossa, ou des chefs de partis. Autrement dit, il s'agit aux yeux de certaines personnalités d'un dialogue exclusif et non inclusif.

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Richard Moulomba Mombo est l'un des heureux leaders politiques invités au dialogue. Il espère peser de tout son poids pour faire valoir les priorités de son parti, l'Alliance pour la renaissance nationale. « Pour nous, la question prioritaire est celle liée aux outils qui garantissent la transparence électorale. À côté de cela, le système Bongo qui est le véritable mal de notre pays, doit être démantelé », plaide-t-il.

Depuis quelques jours, la Coalition pour la nouvelle République, proche de l'opposant Jean Ping dénonce la manière dont le dialogue a été préparé. Vincent Moulengui Boukosso, qui conduira la délégation, lance un avertissement aux militaires. « Nous participerons à ce dialogue, pas pour faire le béni oui-oui mais pour aller défendre la révision de la Constitution du système électoral et la mise en place d'une commission Vérité, Justice, Réconciliation. »

Guy Nzouba Ndama, président du parti Les Démocrates est l'un des grands noms de la politique gabonaise qui ont été écartés. « Je ne me sens pas du tout frustré. Ca participe de leur philosophie », dit-il, conciliant.

Les associations de journalistes et beaucoup d'autres partis qui se disent oubliés, ne désespèrent pas. Même à quelques heures de l'ouverture du dialogue, ils continuent de demander au président de la Transition, Brice Clotaire Oligui Nguéma de revoir la liste des participants. Les autorités ont répondu qu'en tout, les partis avaient tout de même plus de 100 représentants, et qu'il fallait aussi renouveler la classe politique du Gabon et ne pas avoir toujours les mêmes responsables présents depuis des décennies.

Autre critique : le dialogue n'est pas souverain, donc ses conclusions ne s'imposeront pas. Mais le pouvoir de rétorquer que la souveraineté n'appartient pas aux seuls participants du dialogue alors que le pays compte 2,5 millions d'habitants. Au final, le dialogue présentera des recommandations au président Oligui Nguema. Et même si le rapport final n'aura pas de caractère contraignant, les participants espère que le processus aboutira à une profonde réforme du pays. D'ailleurs, les réformes qui suivront le dialogue incluront l'adoption d'une nouvelle Constitution par référendum en fin d'année.

« Construire le Gabon de demain »

Sur le fond, ce rendez-vous est censé établir un diagnostic des situations institutionnelle, sociale, économique, de poser sur la table toutes les grandes préoccupations politiques et sociales du moment. Puis de proposer des orientations pour définir les grands principes d'organisation de l'État et des pouvoirs publics. Pendant un mois, la société gabonaise va se regarder dans les yeux, se concerter, débattre, pour au final tenter de « construire le Gabon de demain », selon la formule du ministre de l'Économie.

« Sur le plan économique, nous attendons des Gabonais qu'ils prennent les bonnes décisions, qui nous permettent de construire un Gabon fort, dans la politique régionale, dans la relation diplomatique avec nos voisins et les pays plus éloignés. Nous sommes prêts à entendre des propositions de réformes. Il n'y a pas de calendrier arrêté. Si jamais nous avons des Gabonais qui nous indiquent que la bonne voie à suivre est celle-là et qu'ils sont majoritaires, nous allons suivre cette voie », promet Mays Mouissi.

Les Gabonais n'ont pas attendu cet appel pour montrer leurs attentes : ils ont envoyé quelque 38 000 contributions au cours des mois de concertation lancés par le gouvernement. « Les attentes sont très fortes, les Gabonais ont beaucoup de préoccupations. Mais contrairement au passé, toutes les questions seront abordées », confie un participant.

L'abbé Jean Bernard Asseko Mve, porte-parole du dialogue, rappelle les grandes attentes autour de cet événement. : « Les populations gabonaises voudraient que leur pays accède à une démocratie véritable où les Gabonais vont avoir la liberté de pouvoir choisir leurs dirigeants. Ensuite, le Gabon a été un pays riche et très sous-peuplé et, aujourd'hui, la population gabonaise se trouve malheureusement pauvre. Elle attend donc que les dirigeants arrivent à répartir les richesses de façon à ce que tous les Gabonais soient heureux, qu'un plus grand nombre tire profit des richesses du Gabon. » Enfin, poursuit le porte-parole, le dialogue vise à « amener les Gabonais à une forme de réconciliation » : « il y a eu, durant les deux dernières décennies, une cassure de ce qu'on peut appeler l'unité nationale », « au point où il y avait une guerre de classe ». « L'Église voulait se saisir de ce dialogue pour réconcilier les Gabonais entre eux. Ce n'est qu'unis dans la concorde et la fraternité que nous pouvons regarder ensemble vers un avenir qui soit probant. »

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