Afrique Centrale: L'Afrique centrale au coeur du braconnage et du trafic de pangolins

Ses écailles et sa technique de défense ne lui sont pas d'un grand secours. Le pangolin a beau se rouler en boule à l'approche d'un prédateur, il est toujours le mammifère le plus braconné au monde. « L'Afrique centrale est en passe de devenir un point névralgique de son trafic », selon l'Observatoire régional du crime organisé (ENACT).

Le pangolin est en principe un animal protégé dont le commerce est interdit depuis 2017. Mais la filière est pourtant florissante. Ce commerce illicite génère plusieurs millions de dollars, selon Oluwole Ojewale, coordinateur régional pour l'Afrique Centrale à l'Institute for Security Studies. Il a publié en 2023 une étude sur le trafic de pangolins sur Enact Africa.

À ce jour, huit espèces de pangolins sont connues dans le monde, quatre en Asie, quatre autres en Afrique Centrale. La forêt du bassin du Congo, deuxième massif forestier tropical au monde, partagée entre six pays, le Cameroun, la République centrafricaine, la République du Congo, la République démocratique du Congo, le Gabon et la Guinée équatoriale, abrite une grande partie de ces pangolins.

Source usuelle de protéines pour les villageois, l'animal est victime d'un braconnage inquiétant, selon les experts. Son intensité augmente ces dernières années, avec une demande tirée par des pays asiatiques - Chine et Vietnam en tête - où la viande et les écailles de pangolins sont très prisées, que ce soit comme plat de luxe ou médecine traditionnelle.

Un animal protégé, qui se braconne facilement

Contrairement à l'éléphant ou le rhinocéros, le pangolin est une espèce protégée qu'il n'est, actuellement, pas difficile de braconner. Enroulé sur lui-même quand un prédateur approche, il se ramasse sans difficulté. Des villageois le revendent ensuite à des intermédiaires.

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Et les mammifères, entiers ou dépecés, quittent le continent par voies portuaires, via le Nigéria vers l'ouest ou via la Tanzanie et au Kenya vers l'est, ou par les airs. Ainsi, au Cameroun, plusieurs journalistes, dont Mathias Mouende Ngamo, du quotidien Le Jour, ont enquêté sur ce trafic dans le cadre du projet #Odaca soutenu par Data Cameroon. « Par exemple, au niveau de l'aéroport, on a un agent de douane qui nous a révélé qu'il arrivait que des trafiquants réduisent en poudre les écailles qu'ils conditionnent dans des boîtes de lait pour les faire passer de manière inaperçue au niveau de la douane »

Selon les auteurs de l'enquête, « les États d'Afrique centrale perdent en moyenne 419 milliards de Francs CFA chaque année à cause du trafic de cette espèce protégée de classe A ». Et « la compagnie Ethiopian Airlines serait en tête des moyens de transport clandestin des écailles de pangolins vers les pays de transit et vers l'Asie, la destination finale ».

Un régulateur pour les forêts

Mis en cause au début de la pandémie de Covid-19, le pangolin est une espèce méconnue. À ce jour, il n'y a pas de recensement fiable de la population de pangolins d'Afrique centrale. En menant l'enquête avec ses collègues, le journaliste camerounais Mathias Mouende Ngamo a découvert à quel point le pangolin jouait un rôle de régulateur dans l'écosystème forestier.

« Un pangolin consomme chaque jour près 200 000 fourmis et termites et ça nous fait dans les 70 millions de fourmis et termites consommées chaque année par un seul pangolin. On voit bien les répercussions que cela peut avoir sur nos forêts dans les bassins du Congo et plus encore sur nos plantations », constate-t-il. Selon les experts, l'animal risque d'être braconné jusqu'à l'extinction si rien n'est fait.

L'analyste nigérian Oluwole Ojewale note pour le moment un déficit de formation et de moyens mobilisés tant au niveau local qu'international pour lutter contre les réseaux à l'origine de ce trafic. « Il manque des moyens humains : forces de sécurité, gardes forestiers, agents chargés de faire appliquer les lois qui protègent la faune... » À cela s'ajoute un manque d'information et de régulation « dans la plupart des pays, les législations censées lutter contre le trafic d'espèces sauvages sont inexistantes ou inappliquées. Sur le terrain, les premiers concernés, ceux qui braconnent et revendent, ignorent qu'il y a des textes qui protègent ou interdisent le commerce du pangolin ».

Dans le discours, la protection des espèces est toujours au premier plan, remarque l'analyste. « Mais ce que nous ne voyons pas encore, c'est un engagement réel de la part des pays d'origine, de transit ou de destination des pangolins braconnés à collaborer », conclut-il.

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