Tchad: Contestation de la victoire de Deby-fils par Succès Masra au pays - Un combat contre des moulins à vent

Au Tchad, le Premier ministre et candidat malheureux à la présidentielle du 6 mai dernier, Succès Masra, est dans la contestation des résultats provisoires qui donnent le président de la transition, le Général Mahamat Idriss Deby Itno, vainqueur dès le premier tour avec 61% des voix. Après avoir appelé ses partisans à la mobilisation, il a déposé, le 12 mai dernier, un recours devant le Conseil constitutionnel.

La question qui se pose est de savoir quelles chances ce recours a d'aboutir. La question est d'autant plus fondée que c'est la victoire du président de la transition qui n'a d'autre ambition que de légitimer son pouvoir par les urnes, qui est ici remise en cause. Et au-delà des chiffres, on ne voit pas comment une institution comme le Conseil constitutionnel, dirigée par des personnalités acquises au chef de l'Etat qui ne les a pas nommées par hasard à ces hautes fonctions, pourrait invalider les résultats d'une élection qui compte beaucoup aux yeux du Général-président ; celui-là même qui a hérité du fauteuil de son père dans des conditions que l'on sait. Autant dire que le combat de Succès Masra qui ne revendique rien moins que la victoire à cette élection, est un combat contre des moulins à vent.

Dans une démocratie en trompe-l'œil, il serait utopique d'espérer renverser les résultats d'une présidentielle

Un combat d'autant plus perdu d'avance que depuis l'accession du maréchal-président au pouvoir, les élections au Tchad ont toujours été l'affaire des Déby. Et tout porte à croire que le fils ne déroge pas à la règle du père qui avait mis toutes les institutions de la République sous coupe réglée. Toujours est-il qu'au-delà de la voie légale de recours devant la juridiction habilitée, une mobilisation de la rue ne semble pas envisageable pour Succès Masra dans ce contexte où en plus de faire le siège de son parti, les militaires ont célébré la victoire de leur chef par des tirs d'armes qui se voulaient un message clair d'avertissement et de leur volonté de demeurer aux affaires.

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C'est dire si Succès Masra ne doit pas se faire d'illusions. Et il n'aura d'autant plus ses yeux que pour pleurer qu'il n'est pas loin d'apprendre à ses dépens, qu'on ne dîne pas avec le diable même avec une longue cuillère. Toujours est-il que si le farouche opposant à Deby-père pensait pouvoir mener son combat de l'intérieur du pouvoir à l'effet de se donner les meilleures chances de se hisser à la tête du pays, il en aura eu pour son grade. Car, dans une démocratie en trompe-l'oeil comme celle au Tchad, même en temps normal, il serait utopique d'espérer renverser les résultats d'une présidentielle au détriment du prince régnant. A fortiori à la faveur d'une transition conduite avec une main de fer par des militaires qui ont plus d'une fois montré que ce sont eux qui dictent le tempo et qui ont réussi à se remettre dans le jeu électoral dans les conditions que l'on sait.

Le président n'a pas lésiné sur les moyens pour écarter de son chemin, des candidats susceptibles de lui tailler des croupières

L'autre question que l'on pourrait se poser, est de savoir jusqu'où Succès Masra ira dans la contestation. Va-t-il continuer à ruer dans les brancards au point de risquer la rupture avec le chef de l'Etat ? Ou bien s'en remettra-t-il au verdict du Conseil constitutionnel, sans autre forme de protestation ? Autant de questions dont les réponses permettront sans doute de voir clair dans le jeu de Succès Masra dont le rapprochement avec Déby-fils dont il est devenu le Premier ministre, est loin d'être anodin, en ce qu'il est le fruit d'un deal qui n'a pas fini de révéler ses dessous. De là à voir le Premier ministre dans un jeu de rôle visant à montrer que le processus électoral a été respecté de bout en bout pour donner plus de légitimité à la victoire de son mentor, il y a un pas que d'aucuns ont vite fait de franchir.

D'autant qu'en amont, on a vu comment le Général-président n'a pas lésiné sur les moyens pour écarter de son chemin, des candidats susceptibles de lui tailler des croupières ou de le gêner aux entournures, à l'image de son cousin d'opposant, Yaya Dillo, envoyé ad patres à quelques encablures du lancement de la campagne électorale. A moins que toute cette agitation de Succès Masra ne procède d'une stratégie visant à monter les enchères pour mieux négocier son maintien dans le sérail du pouvoir. En tout état de cause, son avenir politique post-transition pourrait dire s'il a décidé de jouer le jeu du pouvoir jusqu'au bout ou s'il était sincère dans la contestation des résultats de la présidentielle.

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