Tchad: Résultats de la présidentielle - Un recours pour quoi faire?

A l'origine, nombreux sont ceux qui pensaient, à juste titre, que sa candidature à la présidentielle tchadienne procédait d'une simple mise en scène.

D'une scénographie dans laquelle il lui revenait le rôle de figurant, de faire-valoir, de candidat-accompagnateur, pour mieux légitimer l'inéluctable victoire de Mahamat Idriss Deby.

Mais tout porte à croire que malgré l'accord passé avec le chef de la transition tchadienne l'ayant permis de regagner le bercail, l'opposant Succès Masra n'a rien perdu de son rêve d'un destin national.

Nommé, à la surprise générale, Premier ministre de celui dont il avait juré la perte du pouvoir, le président du parti « Les Transformateurs » n'entend pas se contenter de l'antichambre du pouvoir.

Après une campagne électorale marquée par des échanges de piques entre lui et son challenger de général d'armée, Succès Masra, quelques heures avant la proclamation des résultats provisoires, a annoncé les couleurs : «Nous avons vaincu, grâce au peuple, qui nous a mis en tête dès le premier tour au regard des vérités des urnes centralisées, compilées à plus de 90 %. Au moment où je vous parle, un petit nombre d'individus a décidé de refuser la volonté du plus grand nombre et veut inverser l'ordre des choses. Ces individus se trompent. Pas seulement sur le résultat des élections. Mais sur leur capacité à pouvoir la voler».

Manoeuvre visant à mettre l'adversaire devant le fait accompli ou conviction sincère fondée sur des chiffres objectifs ?

Difficile de se forger une opinion définitive tant au Tchad, comme dans bien nombre d'Etats africains, l'opacité dans la gestion du processus électoral tranche avec l'aspect transparent des urnes.

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Cela est d'autant plus vrai que l'Agence nationale de gestion des élections (ANGE), contrairement à ce que laisse penser son acronyme, ne mérite pas qu'on lui confie Bon Dieu sans confessions.

En effet, alors qu'au regard de la complexité et du long temps nécessaire dans la procédure de collecte, de transmission et de traitement des données l'on a annoncé les résultats le 21 mai, c'est-à-dire quelque deux semaines après le scrutin du 6 mai, l'ANGE a plié l'affaire en soixante-douze heures chrono.

Au grand dam de Succès Masra qui arrive deuxième avec 18% du suffrage, loin derrière Mahamat Idriss Deby qui remporte sans surprise la mise avec 61% des voix, les résultats provisoires. C'est dire donc que l'ANGE a volé à une vitesse supersonique pour le moins suspect.

Mais il faut un peu plus pour désarçonner le chef des « Transformateurs » qui entend bien transformer l'essai.

En effet, alors que d'autres candidats malheureux, à l'instar d'Albert Pahimi Padacké et Yacine Abdramane Sakini, ont adressé des messages de félicitation à Deby-fils, volant ainsi au secours d'une victoire connue d'avance dans l'espoir d'en recevoir les dividendes politiques, Succès Masra, lui, a préféré aller toquer à la porte du Conseil constitutionnel. Il y est allé déposer un recours en annulation pure et simple des résultats provisoires.

On ne peut que se féliciter de ce choix de privilégier la voie républicaine pour la résolution du contentieux électoral au détriment de la rue qui conduit généralement à une crise post-électoral aux conséquences insoupçonnées.

Car si déjà les manifestations de joie de l'armée dès l'annonce de la victoire de son chef a fait une dizaine de morts et de nombreux blessés, qu'en serait-il lorsqu'il s'agira de mater des mouvements de contestation ?

Alors, s'il faut donc se féliciter de cette élégance politique de Succès Masra, la question qui reste c'est de savoir si sa requête a la moindre chance de prospérer auprès de la juridiction en charge du contentieux électoral.

Dans ce Tchad qui vient de rejoindre le cercle des « Républiques dynastiques » où le Judiciaire et le Législatif ne sont que des pouvoirs en trompe-l'oeil au service de l'exécutif, on est en droit de soupirer : un recours pour quoi faire ?

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